Que (ne pas) faire avec vos investissements en cas de récession ?

Marchés & investissements - 17 juillet 2023

Que (ne pas) faire avec vos investissements en cas de récession ?

Rédigé par Wim D'Haese (Head Investment Strategist)


En résumé :
  • Les récessions sont des mécanismes normaux de l’économie, qui ont pour effet de corriger la surévaluation de certains secteurs ou actifs. Les récessions n’ont rien d’anormal ou d’exceptionnel.
  • La prévision des récessions n’est pas une science exacte. Pour se livrer à cet exercice complexe, les économistes ont recours à divers indicateurs, qui permettent de prédire une récession avec un certain degré de probabilité.
  • Les récessions ne sont généralement pas propices aux actions et aux matières premières. Bien que l’on puisse avoir le réflexe instinctif de réorganiser son portefeuille dans de telles circonstances, les données historiques prouvent qu’il est très souvent préférable de rester investi.

1. Qu’est-ce qu’une récession ?

En Europe, on parle de récession lorsque le produit intérieur brut (PIB) se contracte durant deux trimestres successifs. Comme le PIB de la zone euro a reculé de -0,1% tant au 4e trimestre 2022 qu’au premier trimestre 2023, l’Europe est – techniquement – entrée en récession.

Aux États-Unis, c’est le National Bureau of Economic Research (NBER) qui détermine si l’économie est ou non en récession. Pour ce faire, cet organisme public tient compte non seulement du PIB, mais aussi d’autres indicateurs : emploi, production industrielle, revenus/dépenses réels, etc. Pour que la récession soit officialisée par le NBER, il faut que ces divers indicateurs s’inscrivent durablement à la baisse.

2. Les récessions sont-elles anormales ?

Les récessions n’ont rien d’exceptionnel. En économie, une période de croissance est toujours suivie d’un ralentissement ou d’un recul. Lorsque ce recul est plus marqué, on peut entrer en récession. Bien que ces épisodes puissent être douloureux (pertes d’emploi, faillites, difficultés à obtenir du crédit …), elles n’ont pas nécessairement toujours des conséquences négatives sur le long terme. Sur le plan économique, une récession peut être vue comme un mécanisme correcteur qui prépare le terrain pour une prochaine phase de croissance. Durant une récession, certains actifs ou secteurs survalorisés peuvent faire l’objet d’une correction. C’est ainsi que des entreprises moins efficientes ou qui ne sont plus rentables sont remplacées par des acteurs plus innovants et plus efficaces.

3. Les récessions sont-elles fréquentes ?

D’après la Banque Mondiale, cinq récessions globales ont eu lieu depuis 1960 : 1975, 1982, 1991, 2009 et 20201. Autrement dit, au cours des 63 dernières années, l’économie a affiché une croissance pendant 58 ans et a reculé pendant 5 ans. Aux USA, selon le NBER, il y a eu 9 récessions depuis 1960 (et plus de 30 depuis 1854, la plus longue et la plus profonde étant ‘la Grande Dépression’).

Bien que les récessions surviennent à intervalles réguliers, l’économie mondiale croît davantage qu’elle ne se contracte sur le long terme. Il faut en effet chercher loin pour trouver un pays où l’économie – et donc la prospérité – a reculé au lieu de progresser au cours des 100, 50 ou 25 dernières années.

4. Combien de temps dure une récession ?

Les épisodes de contraction de l’économie sont généralement courts. Selon la Banque Mondiale, les récessions mondiales de 1975, 1982, 1991 et 2009 ont duré une année, et celle de 2020 un seul trimestre. Aux États-Unis – la plus grande économie mondiale – la durée moyenne des récessions depuis 1960 est de 1,5 trimestre, alors que les périodes d’expansion ont duré 10,6 trimestres en moyenne2. La récente récession dans la zone euro ne devrait pas faire long feu : nous estimons que la croissance économique aura retrouvé une orientation positive au 2e trimestre.

5. Est-il possible de prévoir une récession ?

C’est à l’issue d’un vol de près de 5 milliards de kilomètres que New Horizons a frôlé Pluton le 14 juillet 20153. Cette sonde avait décollé de la Terre neuf ans plus tôt. Outre cet exploit, une autre particularité de ce voyage est marquante : selon la NASA, le voyage a duré 60 secondes de moins que prévu initialement, c’est-à-dire lors du décollage de New Horizons le 19 janvier 2006.

Contrairement à l’astrophysique, les prévisions économiques ne sont pas une science exacte. Aujourd’hui, les scientifiques sont en mesure de prédire avec une précision ahurissante la durée d’un voyage de 5 milliards de kilomètres dans l’espace, mais les économistes ne peuvent prédire avec la même précision s’il y aura une récession aux États-Unis cette année (ou une deuxième en zone euro), ni quelle sera son ampleur. Pourquoi ? Parce que les évolutions économiques dépendent de 1.001 variables : événements géopolitiques, avancées technologiques, politique monétaire, confiance des consommateurs, marché du travail, changements démographiques, évolutions de la fiscalité, et aussi les événements inconnus, qu’il est impossible de prévoir …

Si les économistes n’ont pas de boule de cristal, ils disposent bel et bien d’indicateurs capables d’annoncer une récession avec un degré de probabilité élevé. Pour les États-Unis par exemple, la courbe des taux inversée est un important indicateur : lorsque le taux des obligations souveraines à 2 ans reste supérieur au taux à 10 ans pendant une certaine période, une récession a lieu historiquement dans les 8 à 19 mois qui suivent. Si l’on prend juillet 2022 comme point de référence, la récession devrait débuter entre mars 2023 et février 2024. Mais ici aussi, il n’existe aucune certitude. Cela étant, 68% des économistes prédisent une récession outre-Atlantique au cours du second semestre 20234, et Deutsche Bank considère également ce scénario comme vraisemblable.

6. Quel est l’effet d’une récession sur les actions ?

Bien qu’il n’y ait pas de règle (toutes les récessions sont différentes en termes d’ampleur, de durée, etc.), les marchés d’actions anticipent généralement ces épisodes. Historiquement, les bourses atteignent un pic environ six mois avant le début de la récession. Durant les mois qui précèdent cette entrée en récession, les marchés sont généralement stables ou en léger recul. Et quand la récession commence, les marchés d’actions baissent. Le point d’inflexion intervient souvent en milieu de récession : l’économie continue à se contracter, mais les actions entament déjà leur remontée. Quand la croissance économique touche son point le plus bas, les marchés d’actions ont déjà fortement rebondi et sont souvent revenus aux niveaux d’avant la récession. Il est également intéressant de noter que les bénéfices des entreprises n’atteignent leur niveau plancher que quand la récession est déjà terminée5.

7. Que faire en cas de récession : modifier votre portefeuille ou rester investi ?

Durant une récession, ce sont généralement les actions et les matières premières qui souffrent le plus. Certains investisseurs en actions cherchent dès lors un refuge temporaire dans les emprunts d’État et/ou les obligations d’entreprises de qualité. L’or est aussi souvent considéré comme un havre de sécurité. À première vue, de telles décisions semblent légitimes. Si les actions dévissent systématiquement lors des récessions, il semble logique de les arbitrer contre des obligations. Avant de réinvestir à nouveau dans les actions, quand vient l’embellie, en raison de leur potentiel de rendement supérieur.

Bien que cette décision semble logique en théorie, ce n’est pas pour autant la meilleure. Historiquement toujours, mieux vaut … ne rien changer. Pourquoi ? Parce que personne ne peut prédire avec exactitude s’il y aura une récession ou non, quand elle débutera et quand elle se terminera, quels seront l’ampleur et le timing du recul puis de la remontée, etc. L’économie et les bourses sont en effet influencées par des événements par nature imprévisibles, qu’il n’est pas possible d’intégrer dans une équation. Contrairement au voyage de New Horizons jusqu’à Pluton.

Pourquoi est-il préférable de s’abstenir d’anticiper les fluctuations des marchés et de chambouler le compartiment ‘actions’ de votre portefeuille ? Parce que les chiffres prouvent que c’est la bonne décision. Au fil de tous les cycles économiques qui se sont succédé depuis 1950, les marchés haussiers ont généré un rendement moyen de 220%, et les marchés baissiers un recul moyen de 27%6.

Pour se faire une meilleure idée de ce que signifient 27% de pertes suivis de 220% de gains, prenons un exemple fictif : vous n’avez pas de chance, car vous décidez d’investir 1.000 euros à la veille d’un marché baissier. Après ce recul, votre investissement ne vaut plus que 730 euros (-27%). Mais, comme vous avez fait le choix de rester sur vos positions, vous profitez du marché haussier qui suit le creux de la vague : après quelques soubresauts à la hausse et à la baisse, votre investissement s’apprécie et atteint la somme de 2.336 euros (+220%). Malheureusement pour vous, un nouvel épisode baissier succède aux hausses et fait de nouveau diminuer la valeur de votre investissement à 1.705 euros (-27%). Toujours sans paniquer, vous attendez le prochain marché haussier, qui fait progresser votre investissement à 5.457 euros (+220%) …

Rester investi peut donc s’avérer une stratégie payante, même s’il faut accepter que la route puisse être cahoteuse. Le plus souvent, on ne sait pas à l’avance quand les nids de poule apparaîtront sur la route ou quand le brouillard deviendra plus épais. Par conséquent, il est important de bien se préparer pour affronter les plus fortes secousses. Pour ce faire, rien de tel que d’allouer une (grande) partie de votre portefeuille à des investissements robustes, constitués d’obligations de qualité et d’actions de sociétés bien établies, dont la croissance est stable et les cash flows robustes. Ce socle de portefeuille doit être doté de puissants amortisseurs capables d’encaisser les chocs, mais qui sont suffisamment flexibles pour accélérer l’allure lorsque le brouillard se lève. Comme option additionnelle, vous pouvez aussi doter cette partie de votre portefeuille de divers dispositifs s’efforçant de maintenir le risque baissier dans certaines limites.

D’autres conseils ?

  • Garder la tête froide quand les autres perdent le nord, c’est tout un art. Pour ce faire, il est important de n’investir que les montants dont vous pouvez vous passer à long terme. Cette approche vous permet de rester investi et de laisser passer les périodes moins porteuses.
  • Conservez toujours une partie de votre portefeuille en liquidités. Cela vous donne la flexibilité nécessaire pour acheter en cas de baisse des cours. Toute récession s’accompagne aussi d’opportunités.
  • Envisagez de doter votre portefeuille d’un pare-chocs additionnel contre les risques baissiers7. Cela peut prendre la forme d’une solution d’investissement intégrée qui tente de limiter le risque baissier. Vous pouvez aussi garnir une partie de votre portefeuille de produits structurés8. Ces produits présentent un double avantage : un potentiel de rendement, mais aussi la garantie de remboursement du capital par l’émetteur à l’échéance (sauf en cas de faillite ou de restructuration9).

En quête d’une stratégie d’investissement pour tous les temps ?

Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

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1. Source : https://documents1.worldbank.org/curated/en/185391583249079464/pdf/Global-Recessions.pdf
2. Sources : Bloomberg Finance LP. Calculs Deutsche Bank Belgique
3. Source : solarsystem.nasa.gov/missions/new-horizons/in-depth
4. Source : Bloomberg Finance LP
5. Source : Bloomberg Finance LP, Deutsche Bank Asset Allocation
6. Source : Bloomberg Finance LP, NBER en DB Asset Allocation
7. Les produits d’investissement sont sujets à différents risques, tels que le risque de crédit, le risque d’inflation et le risque de fluctuation des cours. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et vous pouvez ne pas récupérer le montant de votre investissement. Avant de prendre une décision d’investissement, nous vous recommandons de lire attentivement les informations précontractuelles du produit en question, afin d’en comprendre les risques et avantages potentiels.
8. Les instruments financiers structurés, également connus sous la dénomination de Structured Notes, existent sous la forme de “titres de créance avec remboursement total ou partiel du capital”. Un instrument financier structuré est un instrument financier d’une durée déterminée, généralement émis par des institutions financières, qui offre un rendement associé à un ou plusieurs actifs sous-jacents (par exemple un taux d’intérêt ou un indice boursier) via des coupons fixes ou variables payés en cours de vie ou à l’échéance du titre. Dans le cas d’un “titre de créance avec droit au remboursement du capital”, l’émetteur s’engage à rembourser à l’investisseur 100% du capital souscrit (hors frais) à l’échéance (sauf en cas de faillite ou risque de faillite de l’émetteur). Par contre, dans le cas d’un “titres de créance avec droit partiel au remboursement du capital”, l’émetteur ne s’engage pas à rembourser à l’échéance à l’investisseur 100% du capital souscrit (hors frais). Il existe également des “titres de créance sans droit au remboursement du capital”.
9. En cas de faillite ou de restructuration (bail-in) de l’émetteur, imposée par l’autorité de surveillance compétente conformément aux dispositions de la BRRD, l’investisseur court le risque de ne pas récupérer les montants qui lui sont dus et de perdre tout ou partie du capital qu’il a investi ou la conversion de ses titres en actions.

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