Rédigé par
Patrick Kellenberger
Investment Strategist
- L'exposition à la Russie pèse sur le secteur bancaire européen.
- La baisse des cours des actions bancaires reflète l'incertitude du marché.
- Les perspectives d'évolution des cours sont néanmoins intéressantes, également en raison de valorisations plus favorables.
Que s’est-il passé ?
Entre le 10 février, date à laquelle les États-Unis ont lancé leur premier avertissement concret d'une invasion imminente de l’Ukraine par la Russie, et le 23 mars, le secteur bancaire européen a perdu environ 17% de sa valeur. Il s'agit de la pire performance parmi tous les secteurs de l'indice Stoxx Europe 600, après celle du secteur de la distribution. Dans le même temps, le ratio cours/bénéfices (C/B) du secteur bancaire, basé sur les prévisions de bénéfices pour les 12 prochains mois, a baissé de 9,8 à 7,7. Sa décote par rapport à l'ensemble du marché est ainsi passée de 34% à 42%, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne historique.
La raison de ces chutes de cours disproportionnées est principalement liée à l'exposition de certaines banques européennes à la Russie. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), le total des capitaux bancaires à risque s'élève à environ 100 milliards d'euros, dont 70% sont constitués de créances sur le secteur privé russe et 30% de garanties, d'engagements de prêts et de produits dérivés.
Comment les marchés financiers ont-ils réagi ?
Après les avertissements des États-Unis, le secteur bancaire européen (indice Stoxx 600 Banks) a perdu jusqu’à 27,8% de sa valeur par rapport à son sommet. La spirale baissière a atteint son point le plus bas le 7 mars. Depuis lors, les actions bancaires ont enregistré un rebond supérieur à la moyenne du marché, en gagnant environ 15%. Le ratio cours/bénéfices du secteur est remonté de 7,2 à 7,7.
Le rebond a été soutenu en particulier par l'évolution des taux obligataires en Europe. En partie en raison des inquiétudes croissantes concernant l'inflation, mais aussi parce que la crise en cours ne s'est pas aggravée autant qu'on le craignait, les rendements sont sensiblement remontés et ont pu retrouver leurs niveaux d'avant-guerre, voire les dépasser.
Le secteur bancaire européen a reçu un coup de pouce supplémentaire après la réunion de la BCE du 10 mars. En effet, la BCE a annoncé qu’elle pourrait mettre fin à ses achats d'obligations plus tôt que prévu malgré l'impact économique négatif attendu de la guerre en Ukraine, ouvrant ainsi la voie à une hausse des taux d'intérêt avant la fin de l'année. Les marchés anticipent désormais quatre à cinq hausses des taux d'intérêt de 0,1% chacune d'ici la fin de l'année, ce qui ferait passer le taux de dépôt de la BCE du niveau actuel de -0,5% vers un niveau proche de 0%. Nous anticipons une hausse de taux de 0,25% d’ici au premier trimestre 2023.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?
Si les bilans des banques européennes sont de manière générale plus robustes que jamais, ils présentent également un important excédent de fonds propres de base par rapport au minimum réglementaire. L'impact d'éventuels défauts de remboursement de prêts à la suite des sanctions contre la Russie devrait être négligeable au niveau sectoriel. Même les banques qui ont été particulièrement touchées devraient disposer d'un coussin de fonds propres suffisant.
Néanmoins, la guerre entre la Russie et l'Ukraine pourrait avoir des effets négatifs indirects sur les bénéfices des banques européennes. Ceux-ci pourraient résulter, entre autres, de la baisse déjà attendue de la croissance économique et du crédit bancaire. Les prévisions concrètes de bénéfices intégrant ces facteurs sont cependant encore rares.
En revanche, l'évolution attendue des taux d'intérêt devrait avoir un impact positif sur les bénéfices du secteur. En effet, le niveau des taux d'intérêt est un facteur de revenu important pour les banques. Après une brève fuite des investisseurs vers des investissements considérés comme sûrs en raison de la guerre, qui a entraîné une détente des taux obligataires en Europe, ceux-ci devraient plutôt être orientés à la hausse au cours des 12 prochains mois. En outre, une augmentation du taux de dépôt de la BCE marquerait un tournant pour la génération de bénéfices des banques de la zone euro étant donné que cela diminuerait le montant des intérêts payés à la BCE sur les dépôts de la clientèle. Au total, ces dépôts s'élèvent à 6.700 milliards d'euros.
Conclusion
Dans l'ensemble, les risques prévisibles liés à la guerre en Ukraine et à la politique monétaire de la BCE semblent avoir déjà été largement pris en compte dans les cours des actions des banques européennes - même si de nouvelles fluctuations brutales des cours ne sont pas à exclure dans un contexte qui reste indécis. Compte tenu d’une valorisation favorable par rapport au marché dans son ensemble et des impulsions positives possibles liées à la hausse des taux d'intérêt ainsi qu’à la poursuite attendue d’une croissance économique modérée, nous considérons que le secteur bancaire européen reste attractif.
Votre portefeuille a-t-il besoin d’une mise à jour ?
Appelez nos experts de Talk & Invest au 078 156 157.
Prenez rendez-vous dans votre Financial Center au 078 155 150 ou en ligne.