Perspectives mitigées pour l'économie mondiale

Marchés & Investissements - 27 septembre 2023

Perspectives mitigées pour l'économie mondiale

Rédigé par David Ghezal - Senior Investment Strategist

En résumé :
  • Les fortes hausses des taux d'intérêt et les tensions géopolitiques pèsent sur les perspectives économiques mondiales. Dans un avenir prévisible, la croissance restera sans doute nettement inférieure à la moyenne des deux dernières décennies.
  • Ce tableau d’ensemble masque de grandes disparités, tant entre les secteurs qu’entre les zones géographiques.
  • Tandis que les États-Unis poursuivent leur marche en avant, la zone euro et surtout la Chine cherchent leur second souffle.

États-Unis : les Américains consomment à tout va

Loin de s'affaiblir, l'économie américaine a affiché une croissance solide au deuxième trimestre 2023. En rythme annuel, le PIB a augmenté de 2,1%, grâce à une demande intérieure plus vigoureuse que prévu. Pour le troisième trimestre, les prévisions font également état d'une poursuite de l’expansion. La consommation privée, qui représente environ 70% du PIB aux États-Unis (contre un peu plus de 50% dans la zone euro), reste bien orientée et continue à faire office de principal moteur de l’activité (voir encadré).

Taylor Swift, Beyoncé et Barbie : un trio détonant

Si Taylor Swift, Beyoncé et Barbie étaient une économie, elles auraient déjà laissé des dizaines de pays derrière elles dans les classements. Les trois productions emmenées par ces femmes ont entraîné une augmentation significative des dépenses de consommation US au troisième trimestre. La superproduction "Barbie" a généré des recettes record et a stimulé les ventes de vêtements et d'accessoires roses, entre autres. Les fans des stars de la pop Taylor Swift et Beyoncé ont quant à eux dépensé un total de 5,5 milliards de dollars en billets, séjours à l'hôtel, vols, repas, etc. pour leurs concerts.

En dehors de ces éléments positifs, nous nous attendons à ce que les taux d'intérêt élevés freinent davantage l'économie américaine au cours des mois à venir. Outre l'impact de la politique monétaire restrictive - avec des taux directeurs désormais compris entre 5,25% et 5,50%, les réserves d'épargne accumulées par les ménages pendant la crise sanitaire ont aussi fortement diminué. Enfin, la fin du régime favorable de remboursement des prêts étudiants à partir d'octobre pourrait également peser sur les dépenses de consommation, tout comme les prix élevés des carburants - les États-Unis sont le plus gros consommateur de pétrole par habitant au monde.

Ces "mauvaises nouvelles" constituent aussi d’une certaine façon de "bonnes nouvelles". Après tout, l'économie doit se refroidir pour maîtriser l'inflation. Seulement, il faut absolument éviter un ralentissement trop prononcé. Il faudra toute la dextérité de la Réserve fédérale (Fed) pour trouver le bon équilibre entre tous les signaux contradictoires qui existent aujourd'hui. L'emploi est un exemple de cette situation : bien que le marché du travail américain montre des signes de détente (avec moins de créations d'emplois), il demeure relativement solide et seule une légère augmentation du taux de chômage est attendue.

Dans notre scénario de base, nous tablons toujours sur une légère récession aux États-Unis au quatrième trimestre 2023 et au premier trimestre 2024. Nous anticipons une croissance de 2% cette année, suivie d'une décélération plus marquée à 0,4% l’an prochain. Cela dit, un atterrissage en douceur de l’économie, à savoir une reprise en mains de l'inflation sans récession, reste possible.

La zone euro flirte avec la stagflation

La reprise a considérablement perdu de son élan dans la zone euro, avec une croissance d’à peine 0,1% au deuxième trimestre. Le secteur manufacturier reste en proie à des difficultés et le ralentissement se fait désormais également sentir dans le secteur des services, malgré une saison touristique très active. L'indice composite des directeurs d’achats des deux secteurs (composite PMI) est tombé en août à son plus bas niveau depuis novembre 2020 et signale une contraction de l'activité économique. La consommation des ménages est modérée, l'impact du resserrement des conditions de financement freine l'investissement des entreprises et les exportations subissent le contrecoup de la faiblesse de la demande mondiale. Toutefois, la bonne santé du marché du travail et le niveau historiquement bas du chômage font contrepoids. L'augmentation attendue des revenus réels devrait ainsi soutenir la consommation et conduire à une légère amélioration de la croissance à moyen terme.

Globalement, nous n’anticipons pas de récession pour la zone euro, mais une croissance inférieure à 1% en 2023 et en 2024. En revanche, l'Allemagne reste à la traîne et risque bien de tomber en récession. L'industrie manufacturière en particulier est le talon d'Achille : elle se contracte depuis mi-2022 et souffre de la faible demande de la Chine et des coûts élevés de l'énergie. Les défis sont nombreux et il en faudra plus que le plan d'action et les 7 milliards d'euros de réductions d'impôts annuels pour les PME annoncés par le gouvernement pour remettre la locomotive allemande sur les rails. Mais, au-delà des réformes inévitables, le pays doit aussi prendre conscience de ses propres atouts, car ils existent toujours. C'est pourquoi nous pensons qu'il est exagéré de qualifier l'Allemagne “d'homme malade” de l'Europe.

Entre une inflation toujours bien supérieure à l'objectif de 2% et une croissance atone, la mission de la Banque centrale européenne (BCE) reste très compliquée. Selon nous, il est peu probable que la BCE augmente encore ses taux d'intérêt dans le cycle actuel - le taux de dépôt est désormais fixé à 4%. Néanmoins, la BCE devrait maintenir ses taux aux niveaux actuels pendant un certain temps afin de dompter l'inflation.

Japon : le retour de l’inflation est-il pérenne ?

Le Japon a enregistré une croissance solide de 4,8% en rythme annuel au deuxième trimestre, principalement grâce à l'essor des exportations et à la faiblesse du yen. Bien qu’un recul de l’activité soit probable au troisième trimestre, celui-ci devrait être modéré par rapport à la forte performance du trimestre précédent.

Alors que le commerce extérieur a dopé la croissance du PIB au deuxième trimestre, la demande intérieure a reculé. Toutefois, nous pensons qu'il s'agit d'un creux temporaire dans la reprise qui s'est amorcée plus tôt. La poursuite attendue de la hausse des salaires et la diminution de l'inflation devraient améliorer le pouvoir d'achat des ménages et soutenir la consommation. Le gouvernement pourrait également étendre son programme de subventions visant à réduire les prix de l'énergie.

En ce qui concerne la demande extérieure, la faiblesse de la demande chinoise pourrait être partiellement compensée par le rebond du tourisme depuis la levée des restrictions sanitaires. Le Japon devrait aussi bénéficier de la politique américaine de "friendshoring" (délocalisation d'activités vers des pays amis et des partenaires stratégiques afin de diversifier les chaînes d'approvisionnement). Par conséquent, nous nous attendons à ce que l'économie japonaise affiche une croissance supérieure à son potentiel. Nous avons relevé nos prévisions de croissance à 2,1% pour 2023 et 1,1% pour 2024.

Compte tenu de ces perspectives, la Banque du Japon a récemment laissé entendre qu'elle pourrait infléchir sa politique monétaire ultra-souple. Cela signifierait, d'une part, qu'elle relâcherait encore son contrôle sur la courbe des taux et, d'autre part, qu'elle pourrait mettre fin au régime de taux d'intérêt négatifs en vigueur depuis des années. La condition sine qua non est cependant que la Banque du Japon soit convaincue que l'objectif d'inflation de 2% peut être durablement atteint.

Chine : le secteur immobilier en quête de stabilité

Alors que l'Inde s'impose de plus en plus comme une puissance économique structurelle en Asie et pourrait enregistrer une croissance d'au moins 6% en 2023 et 2024, la situation de la Chine apparaît plus compliquée. Loin du feu d'artifice que certains attendaient, la reprise après la réouverture a été décevante (à l'exception du secteur des services). L'activité et le sentiment ont été affectés par les problèmes du secteur immobilier et par la déflation. Alors que les autres pays s’efforcent par tous les moyens d'éteindre l'inflation, la Chine tente de maintenir la flamme allumée (bien que l'inflation ait de nouveau "grimpé" à +0,1% en août). Enfin, la Chine reste également confrontée à une situation géopolitique tendue : en juillet, le pays s’est même vu ravir sa place de premier partenaire commercial des États-Unis par le Mexique.

Conscient de ses problèmes économiques, Pékin a dévoilé un train de mesures de soutien. La banque centrale chinoise a assoupli sa politique monétaire et a notamment annoncé une réduction des apports de fonds propres pour les achats immobiliers, la baisse des taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires existants ou encore des conditions de prêt plus favorables pour un premier achat immobilier. En parallèle, les déductions fiscales pour garde d'enfants et soins aux personnes âgées, entre autres, ont également augmenté, et les incitants à l'achat de biens durables restent en place.

Cependant, après les déboires de certains grands promoteurs, des mesures plus radicales sont nécessaires pour stabiliser le secteur immobilier (qui représente environ 20% du PIB) et réduire les risques pour le système financier. En tout état de cause, les mesures de soutien à la consommation et à l'investissement ne devraient produire leurs effets que progressivement (certaines données pour le mois d’août ont été meilleures que prévu). Mais, en l'absence d'un important plan de relance budgétaire, nous pensons que l'objectif du gouvernement d'une croissance d’au moins 5% cette année restera hors de portée. Nous avons abaissé nos prévisions de croissance pour la Chine à 4,8% en 2023 et à 4,5% en 2024.

Prévisions de croissance pour 2023 – 2024 (PIB réel, %)

 

 2023

 2024

Monde
2,9 (+0,1)*
2,7 (-0,2)
États-Unis
2,0 (+1,0)
0,4 (-0,4)
Zone euro
0,8
0,9
Allemagne
0,0
1,0 (-0,2)
Royaume-Uni
0,3 (+0,1)
0,7 (-0,4)
Japon
2,1 (+1,1)
1,1 (+0,2)
Chine
4,8 (-1,2)
4,5 (-0,5)
Inde
6,2 (+0,2)
6,2
Brésil
3,0 (+2,5)
1,5
Russie
1,0 (+2,0)
1,5

Source: Deutsche Bank Wealth Management, septembre 2023
* Révisions à la hausse et à la baisse par rapport à juin 2023

Vous souhaitez ajuster votre portefeuille ?

Vous n'êtes pas encore client ?

Devenez client(e) pour profiter des conseils de nos experts.
  

Vous êtes déjà client(e) ?

Appelez Talk & Invest au 078 156 157 ou prenez rendez-vous dans votre Advisory Center, online ou via le 078 155 150.

Recevez par e-mail l’essentiel de l’actualité financière

Pas encore client(e) ? Restez néanmoins informé(e) de nos opportunités d’investissement ainsi que des nouveautés au sein de nos services pour vos placements.
Vous pourrez vous désinscrire à tout moment.

Partagez cet article


Ceci pourrait également vous intéresser

22 septembre 2023

Les investisseurs dans l’expectative

15 septembre 2023

Japon : fin du régime de taux d'intérêt négatifs en vue

19 septembre 2023

Focus sur les obligations d'entreprises en euros

×