Perspectives : inquiétudes et opportunités

Pour l’économie américaine, le 4^ème trimestre a été aussi probant que le reste de l’année, avec une progression de 2,8% du Produit Intérieur Brut (PIB) sur l’ensemble de 2024. Les incertitudes croissantes quant à la politique menée par la nouvelle administration américaine suscitent toutefois des questions : cette croissance se poursuivra-t-elle en 2025 ? Deutsche Bank s’attend à ce que la croissance économique se replie à 2%, tant en 2025 qu’en 2026.

Nous prévoyons donc un ralentissement outre-Atlantique, mais la situation d’ensemble reste positive. Le marché du travail conserve toute la tonicité et les augmentations réelles des salaires devraient continuer à stimuler le pouvoir d'achat des consommateurs. Dans les prochains mois, on devrait également assister à l’atténuation de l’incertitude générée par l’imposition de droits de douane. Cette évolution est de nature à améliorer le sentiment général dans le secteur privé. Nous nous attendons en outre à ce que les stocks – constitués au cours des derniers mois dans la perspective de l’entrée en vigueur de nouveaux droits de douane – se réduisent graduellement, ce qui contribuera à stabiliser la dynamique économique.

Cette année et l’année prochaine, l’inflation devrait se maintenir à un niveau assez élevé. La Réserve fédérale (Fed) ne considérera donc pas comme pressant de baisser son taux directeur. Au cours des douze prochains mois, nous nous attendons à deux baisses des taux. A la fin mars 2026, le taux directeur de la Fed devrait osciller autour de 3,75-4%.

L’économie de la zone euro reste fragile. Le repositionnement géopolitique des États-Unis et l’évolution de la guerre entre la Russie et l’Ukraine sont source, pour l’Europe, de risques et d’opportunités. A moyen terme, les projets d’investissement dans la défense et les infrastructures devraient provoquer un rebond économique. A plus court terme, le vieux continent restera sans doute dépendant des États-Unis en termes de capacité militaire.

Nous nous attendons à ce que le momentum économique de la zone euro s’accélère progressivement à partir du second semestre de cette année. Pour 2025, nous anticipons une croissance du PIB de 1,0%. Les mesures fiscales prévues devraient faire sentir leurs effets sur l’économie réelle dans le courant de l’année prochaine. Pour 2026, nos prévisions de croissance sont dès lors de 1,5%.

L’inflation semble promise à un parcours cahoteux, en raison des fluctuations du prix des aliments et de l’énergie. Une impulsion fiscale plus forte est susceptible d’accroître la pression sur les prix au second semestre 2025 et après. Nous pensons que l’inflation se fixera à 2,3% cette année et en 2026. La Banque centrale européenne (BCE) devrait baisser son taux directeur à une seule reprise au cours des douze prochains mois.

Le Japon semble se préparer à vivre une nouvelle reprise économique, alimentée par une forte demande intérieure. Cette année, les salaires devraient augmenter encore davantage que les généreux 5% de l’année dernière, ce qui donne un coup de pouce supplémentaire au pouvoir d'achat et à la consommation. Nous prévoyons le maintien de cette dynamique positive et une croissance de 1,2% du PIB en 2025.

Dans ce contexte, l’inflation devrait se monter à 2,6%, et rester dès lors supérieure à l’objectif de la Bank of Japan (BoJ) (2%). Cette situation est de nature à permettre une normalisation plus rapide de la politique monétaire. Nous nous attendons dès lors à ce que la BoJ porte son taux directeur de 0,5% à 1,25% au cours des douze prochains mois.

En 2024, la Chine a atteint son objectif de croissance de 5%. Pour 2025 et 2026, l’accent sera probablement mis sur la stimulation de la consommation intérieure, le renforcement des industries stratégiques et l’aide aux entreprises privées.
D'importants vents contraires subsistent cependant. Les droits de douane américains et la faiblesse persistance du secteur immobilier pèsent sur l’économie. Nous pensons dès lors que la croissance du PIB va marquer le pas en 2025 (4,5%) et en 2026 (4%).

Ce ralentissement de la croissance, qui devrait maintenir l’inflation à un niveau réduit, est aussi le signe d’un manque de confiance des consommateurs et des entreprises. Dans un tel contexte, ces derniers ne sont pas enclins à emprunter davantage, même à un taux réduit, de sorte que de nouveaux incitants monétaires seront moins efficaces. Nous ne nous attendons dès lors qu’à un assouplissement progressif de la politique monétaire dans les mois à venir.

Ces derniers temps, les incertitudes liées à la politique économique US ont pesé sur les obligations souveraines américaines. Par ailleurs, les prévisions d’inflation à long terme restent élevées, ce qui restreint la tendance baissière des taux. Dès que l’économie reprendra vigueur, les rendements devraient augmenter, car les investisseurs n’éprouveront plus le besoin de s’appuyer sur la sûreté des Treasuries. Nous anticipons dès lors une montée en puissance graduelle du rendement de ces obligations souveraines. Notre objectif de rendement pour les Treasuries (à 10 ans) à la fin mars 2026 est de 4,50%, et de 3,95% pour les Treasuries à 2 ans.

La décision des partis politiques allemands de lever le ‘frein à la dette’ change la donne pour le Bund. Les dépenses supplémentaires qui sont prévues seront majoritairement financées par la dette, et donc par l’émission d’un nombre considérable d’obligations souveraines. Face à cet accroissement de la dette publique, les investisseurs exigeront une compensation plus élevée. Notre objectif de rendement pour les Bunds (à 10 ans) à la fin mars 2026 est de 2,90%, et de 2,25% pour les Bunds à 2 ans.

Le taux obligataire italien devrait profiter du renforcement de la collaboration européenne dans le climat politique actuel. Par ailleurs, l’impact des mesures budgétaires allemandes devrait toucher davantage les Bunds que les autres obligations d’État européennes. Nous ne nous attendons dès lors pas à ce que les spreads italiens s’accroissent beaucoup par rapport aux Bunds.

Les obligations Investment Grade (IG)¹ restent très demandées, tant en USD qu’en EUR, et nous nous attendons à ce que cette demande se maintienne. Une divergence a toutefois été observée récemment entre les spreads sur ces deux marchés. Dans un premier temps, la prime de risque pour les obligations IG en USD a notablement baissé en raison de la forte demande, mais elle a récemment augmenté à nouveau. En Europe, en revanche, les spreads ont continué à se resserrer, ce qui reflète davantage la qualité du marché sous-jacent et l’optimisme économique. Bien qu’un nouveau resserrement des écarts semble improbable, les rendements globaux restent attrayants.

Les spreads des obligations High Yield² se sont récemment accentués en raison des tensions géopolitiques et des incertitudes économiques, surtout aux États-Unis. Un nouvel accroissement de ce différentiel semble nécessaire pour compenser l’augmentation du risque. Ce sont surtout les émetteurs ‘CCC' qui sont confrontés à un coût de refinancement élevé, ce qui pourrait avoir pour effet de doubler l’écart entre le taux actuel des coupons et le rendements du marché en USD, et même de le quadrupler en EUR.

Nous nous attendons à un léger accroissement des spreads des obligations souveraines des pays émergents, qui sont actuellement à un niveau historiquement bas. L’étroitesse de ces différentiels n’offrent que peu de protection contre les mesures protectionnistes, le ralentissement de la croissance mondiale et les ajustements des politiques monétaires. Ce même risque vaut pour les obligations de la zone Asie-Pacifique. Néanmoins, la robustesse des résultats des entreprises et la stabilité des pourcentages de défaut de paiement sont de nature à soutenir l’étroitesse des spreads sur ces marchés. Les rendements actuels de cette catégorie d’investissements sont en outre largement supérieurs à la moyenne au lendemain de la crise financière mondiale, de sorte qu’ils restent intéressants pour les investisseurs qui ambitionnent un rendement total ‘carry-driven’.

Les entreprises US se sont très bien comportées durant le 4^ème trimestre 2024, avec des bénéfices supérieurs aux prévisions. En conséquence, le S&P 500 a démarré l’année 2025 sur les chapeaux de roue. Mais après un nouveau record en février, cet indice a perdu beaucoup de terrain en raison des incertitudes économiques et de la politique de Washington. L’annonce du lancement de DeepSeek-R1, le modèle chinois d’intelligence artificielle, a fait douter les investisseurs de la justesse des investissements massifs consentis par les hyperscalers dans l’intelligence artificielle (IA), ainsi que de la domination US dans la sphère de l’intelligence artificielle. Depuis la mi-février, les « 7 Magnifiques »⁴ ont perdu 20% de leur valorisation cumulée, tandis que le S&P 500 virait au rouge.

Nous nous attendons à ce que la volatilité reste élevée pendant toute l’année 2025. Nous pensons que les actions US évolueront à la manière de la procession d’Echternach, c'est-à-dire trois pas en avant et deux en arrière. Historiquement, le S&P 500 progresse en l’absence de récession – un scénario que nous n’anticipons pas – et, sur le long terme, cet indice suit le rythme des bénéfices des entreprises. Les analystes pronostiquent toujours une croissance annuelle à deux chiffres de ces bénéfices jusqu'en 2027. Les investisseurs à long terme pourraient profiter d’une faiblesse prolongée des actions pour acheter. Suite au récent recul du S&P 500, nous ajustons notre objectif de cours pour cet indice à 6.300 points.

Tandis que les actions américaines étaient à la peine, c’était plutôt la fête pour les actions européennes. D’excellents résultats économiques, l’espoir d’un cessez-le-feu en Ukraine et les nouvelles marges budgétaires décrétées par l’Allemagne et l’Union européenne ont dopé le sentiment général. Le récent rallye a eu pour effet d’accroître les valorisations (rapport cours/bénéfices) des actions européennes, qui restent néanmoins à un niveau historiquement moyen. Malgré cette récente surperformance, la décote (environ 30%) par rapport aux actions américaines reste considérable. Voilà pourquoi nous restons positifs pour les actions européennes. Notre nouvel objectif de cours pour le STOXX Europe 600 est de 570 points pour mars 2026.

Ces derniers mois, les entreprises japonaises ont publié d’excellents résultats. La performance des actions nippones a néanmoins été modeste, en raison de la hausse des taux obligataires et du renforcement du yen. Bien qu’une poursuite de cette dernière tendance soit de nature à freiner la progression des actions, nous estimons qu’il existe des opportunités d’investissement à long terme. L’économie japonaise est en phase d’accélération et n’est pas exposée, jusqu’à présent, aux droits de douane américains.

Malgré le début d’une nouvelle bataille dans la guerre économique que se livrent la Chine et les États-Unis, les actions chinoises montrent des signes de réveil. Cette reprise est surtout à mettre à l’actif de fortes évolutions ‘bottom-up’. L’émergence de DeepSeek a une nouvelle fois mis en lumière les capacités technologiques de l’empire du Milieu. La combinaison entre les technologies IA de pointe et les faibles valorisations souligne le potentiel de hausse sur le long terme des actions chinoises. Nous estimons par ailleurs que les actions indiennes devraient se rétablir après la récente correction. Les valorisations ont considérablement baissé et s’approchent désormais des moyennes historiques, ce qui semble être un niveau d'entrée intéressant.

Depuis le début de l’année 2025, le prix de l’or bat record sur record, alimenté par la forte demande des banques centrales et des investisseurs asiatiques. Ce cours est également soutenu par les acheteurs d’ETC OR⁵, surtout en Amérique du Nord. L’accroissement des déficits publics nationaux est un autre facteur de hausse. L’or a toujours été considéré comme un havre de sécurité en période d’incertitude politique, et il profite de sa réputation de bouclier contre l’inflation. Nous pourrions assister à des prises de bénéfice et des baisses de prix ponctuelles, comme ce fut le cas récemment. Sur le moyen terme, nous pensons cependant que l’or maintiendra sa tendance haussière actuelle. Notre prévision pour le cours de l’or en mars 2026 est de 3.250 dollars l’once.

Le cours du cuivre sur le London Metal Exchange (LME) s’est rétabli à 9.660 USD/tonne, en progression de ±10% depuis le début de l’année. Sur la bourse américaine des matières premières, cette augmentation a été deux fois plus grande. Cette différence s’explique par l’annonce par le gouvernement américain de l’imposition de droits de douane sur les importations de cuivre, qui a provoqué une vague massive d’achats avant l’entrée en vigueur de ces droits. Dans les prochains mois, les stocks ainsi constitués seront progressivement utilisés, ce qui devrait réduire la demande, surtout en cas de ralentissement de l’économie mondiale suite aux conflits commerciaux. Notre prévision pour le cours du cuivre (LME) pour mars 2026 est de 9.430 dollars/tonne.

Les cours du pétrole sont sous pression suite aux incertitudes quant à la croissance de l’économie américaine, le plus grand consommateur mondial. Cette tendance est renforcée par une baisse de la demande chinoise depuis plusieurs mois. D’autres économies asiatiques, telles que l’Inde, se distinguent par contre par une demande soutenue. Du côté de l’offre, la production des pays non-OPEP+ reste relativement élevée. À partir d’avril, les pays membres de l’OPEP+ réduiront en outre graduellement leurs limitations volontaires de production, ce qui aura pour effet d’encore grossir l’offre. Tout indique donc que les marchés du pétrole pourraient prochainement être caractérisés par un léger surplus.

Les observateurs spéculent quant à l’impact sur le prix du pétrole d’un potentiel cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine, ainsi que de l’éventuel assouplissement des sanctions à l’encontre de Moscou. A l’heure actuelle, ce scénario reste improbable. Même s’il venait à se réaliser, l’impact sur le prix du pétrole ne devrait pas être substantiel. Au cours de l’année écoulée, le plus grand facteur limitatif de la production russe de pétrole n’a pas été les sanctions occidentales, mais les quotas des banques centrales et des investisseurs asiatiques. Ce cours est également soutenu par les acheteurs d’ETC OR , surtout en Amérique du Nord. L’accroissement des déficits publics nationaux est un autre facteur de hausse. L’or a toujours été considéré comme un havre de sécurité en période d’incertitude politique, et il profite de sa réputation de bouclier contre l’inflation. Nous pourrions assister à des prises de bénéfice et des baisses de prix ponctuelles, comme ce fut le cas récemment. Sur le moyen terme, nous pensons cependant que l’or maintiendra sa tendance haussière actuelle. Notre prévision pour le cours de l’or en mars 2026 est de 3.250 dollars l’once.

Une correction s’est produite récemment dans le cours EUR/USD, et ce après que le dollar se soit fortement apprécié en début d’année et ait atteint son niveau le plus élevé depuis deux ans en termes pondérés des échanges. Trois facteurs expliquent cette évolution :

1. Les droits de douane US : les droits à l’importation sont LE thème dominant et provoquent une volatilité considérable. Les marchés financiers s’inquiètent de leurs potentiels effets inhibiteurs sur l’économie américaine.

2. La détérioration des chiffres US : de manière plutôt inattendue, les paramètres économiques américains sont en baisse (essentiellement la confiance des consommateurs), ce qui alimente les craintes de recul économique, voire de stagflation.

3. Les mesures d’incitation allemandes : le nouveau gouvernement allemand projette d’augmenter considérablement les dépenses en infrastructures et dans la défense, ce qui nourrit les espoirs de reprise économique encore plus tonique en Allemagne et dans la zone euro.

Les récents ajustements opérés dans les portefeuilles, en raison notamment de la performance mitigée des marchés d’actions en Europe et aux États-Unis, ont soutenu l’euro. Le différentiel de croissance entre les USA et l’Europe devrait en outre se réduire. Si le plan allemand de stimulation est couronné de succès, l’euro pourrait continuer à reprendre des couleurs par rapport au dollar à moyen terme. Notre prévision de cours EUR/USD pour la fin mars 2026 est de 1,15.