L’or a encore du temps pour briller

Marchés et investissements -12 avril 2024

L’or a encore du temps pour briller

Rédigé par S. Holtze-Jen - CIO APAC, J. Liu - Head Chief Investment Office APAC, S. Bashyam - Investment Officer APAC, M. Blumenroth - Senior Investment Strategist & K. Rupani - Investment Strategist


En résumé

  • A la suite d’un rallye spectaculaire en mars, le prix de l’or a battu record sur record.
  • La demande exceptionnellement forte des banques centrales et des investisseurs particuliers asiatiques tire le prix du métal jaune vers le haut.
  • Ajouter de l’or à un portefeuille d’investissement contribue à en diminuer le risque global.

Le prix de l’or atteint un record historique

Etant donné que les marchés ont sensiblement réajusté leurs attentes concernant le début et le rythme du cycle de baisse des taux des banques centrales, les rendements des emprunts d’État et les taux réels sont fortement remontés, surtout en février. Normalement, le prix de l’or affiche une corrélation négative avec les taux d’intérêt : le prix de l’or diminue si ces derniers augmentent, et inversement.

Cependant, cette fois-ci, plusieurs facteurs se sont conjugués pour entraîner le prix de l’or vers de nouveaux sommets historiques. A ce titre, les achats des banques centrales, la demande de détail en Chine et les risques géopolitiques ont joué un rôle majeur.

a) Le besoin de diversification stimule la demande d’or des banques centrales

L’or reste une composante cruciale des réserves des banques centrales. Près d’un cinquième de l’or extrait au cours de l’histoire est détenu par les banques centrales. Ces dernières années, la demande d’or des banques centrales a été l’un des principaux moteurs de la hausse du prix du métal précieux. Au cours de ces deux dernières années, la demande annuelle nette d’or a même dépassé les 1.000 tonnes, avec une demande record de 1.082 tonnes en 2022. Cela représente plus du double de la demande moyenne d’or des banques centrales au cours des douze dernières années (c’est-à-dire de 2010 à 2021).

En 2023, la Banque Populaire de Chine (PBoC) est devenue le plus gros acheteur d’or (voir graphique 1). En effet, elle a augmenté ses réserves d’or de 225 tonnes, procédant ainsi au plus important ajout d’or annuel à ses réserves depuis 1977.

Graphique 1 : La Banque populaire de Chine, le plus gros acheteur d'or en 2023

Source : World Gold Council, Deutsche Bank AG. Données au 19 mars 2024

b) Forte demande des consommateurs asiatiques dans un contexte de faiblesse du marché immobilier chinois

Mis à part la demande soutenue des banques centrales, les acheteurs asiatiques d’or physique ont aussi contribué à pousser le prix de l’or vers des niveaux records. Historiquement, la Chine et l’Inde représentent environ 60% de la consommation mondiale d’or. En 2023, la Chine est devenue le plus gros acheteur au monde de bijoux en or, en prenant à son compte environ 32% de la consommation totale d’or. La demande de bijoux des ménages chinois a ainsi augmenté de 10% en 2023 par rapport à l’année précédente, avec une demande totale de 603 tonnes. La faiblesse des marchés immobilier et boursiers locaux a suscité un vif intérêt des investisseurs privés chinois pour l’or comme valeur refuge et réserve de valeur.

c) Les risques géopolitiques persistent

Bien qu’une escalade des tensions géopolitiques ne soit pas notre scénario de base, il existe toujours un risque d’apparition d’un « cygne noir » de nature à causer de fortes turbulences sur les marchés financiers.

  • Le conflit au Moyen-Orient pourrait s’aggraver, surtout en raison d’attaques sur les itinéraires de transport. Cela implique des risques tels que la fermeture de la mer Rouge et/ou du Détroit d’Hormuz, qui ont une importance vitale pour le transport de pétrole et de gaz liquide.
  • La guerre entre la Russie et l’Ukraine est entrée dans sa 3e année et aucune solution diplomatique n’est en vue. Des sanctions et contre-sanctions supplémentaires sont possibles.
  • Un scénario sans atterrissage (« no landing scenario ») est un risque économique. Une inflation tenace et des marchés de l’emploi robustes pourraient contraindre les banques centrales, et surtout la Réserve fédérale américaine (Fed), à maintenir une politique monétaire restrictive, voire plus restrictive. Une telle situation pourrait finalement entraîner une récession, des problèmes de solvabilité et une augmentation des faillites.

Ces risques ou des risques similaires peuvent stimuler la demande du métal précieux, qui est considéré comme une « valeur refuge ». Par le passé, l’or a presque toujours gagné en valeur en période de récession, étant donné que cela s’est généralement accompagné de réductions massives des taux d’intérêt par les banques centrales.

d) Les capitaux investis dans les trackers (ETF) sur l’or ont diminué

Au cours de ces dernières années, les achats et les ventes d’ETF sur l’or par les investisseurs ont souvent eu une influence significative sur le prix de l’or. Toutefois, cela n’a certainement pas été le cas ces derniers mois. En effet, le prix du métal jaune a augmenté alors que les investisseurs en ETF adossés à l’or physique ont globalement réduit leurs positions pendant neuf mois consécutifs. Le total des actifs sous gestion (AuM) a ainsi reculé à 206 milliards USD en février, soit son plus bas niveau depuis septembre de l’année dernière1. Néanmoins, ces sorties de fonds continues n’ont pas eu d’impact négatif sur le prix de l’or, qui a été soutenu par la résilience de la demande des consommateurs et les achats robustes des banques centrales.

e) Des baisses de taux potentielles pourraient être positives pour l’or

Les récentes remarques de Jerome Powell, le président de la Fed, ont consolidé les anticipations de marché selon lesquelles la première baisse de taux pourrait intervenir dans quelques mois, soit en juin (notre scénario de base), soit en juillet. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a indiqué pour sa part que la BCE pourrait être en mesure d’abaisser ses taux en juin, les dernières prévisions montrant que l’inflation reviendra à l’objectif de 2% en 2025.

En cas d’évolution défavorable de l’inflation, la baisse des taux d’intérêt pourrait être reportée. Cependant, ce qui est important pour le prix de l’or, c’est que la politique monétaire commence à s’assouplir et que de nouvelles baisses des taux d’intérêt soient prévisibles.

f) La production est restée en grande partie stable au cours des cinq dernières années

L’offre d’or est limitée. Selon différentes estimations, environ 20% seulement des réserves d’or restent inexploitées. Comme les coûts miniers tendent à augmenter en raison de la complexité croissante de l’extraction des réserves inutilisées, il est probable que le prix de l’or augmentera. Bien que l’or ne soit pas consommé, contrairement à d’autres matières premières telles que l’acier et le pétrole, il est utilisé comme réserve de valeur. La majeure partie de l’or acheté est utilisée pour la fabrication de bijoux et disparaît donc de la circulation pendant des années. En outre, la production d’or est restée pratiquement inchangée au cours de ces cinq dernières années, autour de 3.500 à 3.600 tonnes d’or par an (voir graphique 2).

Graphique 2 : La production d'or est globalement stable

Source : World Gold Council, Deutsche Bank AG. Données au 19 mars 2024

g) Les producteurs souffrent d’une hausse des coûts

Les actions des groupes miniers aurifères ont très fortement rebondi en mars, avec une progression de plus de 20% de leur indice représentatif (NYSE ARCA Gold Bugs). La raison est la suivante : à partir de coûts de production fixes, les producteurs profitent directement de la hausse du prix de l’or, car chaque hausse du prix d’un dollar américain devrait représenter un dollar américain de plus de bénéfice.

Cette hausse du prix de l’or est très bien accueillie car la base de coûts des producteurs a augmenté de manière disproportionnée ces dernières années en raison des salaires plus élevés pour les mineurs, de la hausse des coûts de financement, des problèmes d’approvisionnement en électricité (Afrique du Sud, Zambie) et, en particulier, des coûts plus élevés pour une extraction de l’or plus respectueuse de l’environnement.

Cependant, tout le monde n’en profite pas : certains producteurs d’or, souvent de petite taille, continuent de se couvrir, ce qui signifie qu’ils vendent une partie de leur production (bien) à l’avance et ne bénéficient pas de cette évolution du prix.

h) L’or contribue à réduire le risque global du portefeuille

Ajouter de l’or à un portefeuille peut améliorer le rendement ajusté au risque de celui-ci en raison de la corrélation souvent négative avec les mouvements des marchés d’actions. Dans presque toutes les récessions du passé récent, un investisseur détenant de l’or dans son portefeuille a obtenu des rendements positifs sur cette position. L’or réduit également la volatilité2 du portefeuille et présente en général l’avantage que la perte maximale du portefeuille est inférieure à celle d’un portefeuille ne contenant pas d’or.

Conclusion

La demande des banques centrales devrait rester importante compte tenu des tensions géopolitiques persistantes au Moyen-Orient et du besoin de diversification. L’appétit des investisseurs en Chine et en Inde restera également fort, même si la dynamique pourrait à présent ralentir en raison du niveau élevé des prix.
Les investisseurs sont souvent très sensibles aux prix et ils devraient plutôt miser sur la prochaine baisse des cours à court terme et donc sur des prix d’achat moins élevés. Cependant, la faiblesse du marché immobilier chinois et les restrictions sur les transferts de fonds d’investisseurs particuliers en dehors de la Chine devraient continuer à soutenir la demande.

Nous anticipons toujours un potentiel de hausse du prix de l’or sur un horizon de 12 mois en raison de la demande exceptionnellement forte des banques centrales et des investisseurs particuliers asiatiques – même si la forte dynamique des cours pourrait quelque peu se refroidir.

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Les produits d'investissements sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et vous pouvez ne pas récupérer le montant de votre investissement. Toute décision d’investissement doit être conforme à votre Financial ID (profil d’investissement). Plus d’informations sur deutschebank.be/financialid.

Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

Les performances passées ne constituent pas un indicateur fiable des performances futures.

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1 Source : World Gold Council, Deutsche Bank AG. Données au 19 mars 2024.
2 La volatilité fait référence à l’ampleur et à la rapidité avec lesquelles le prix d’une action, d’une obligation, d’un fonds ou d’un indice évolue au fil du temps.

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