Les marchés boursiers à l’ère de l’IA : quel impact ?

Marchés et investissements - 19 avril 2024

Les marchés boursiers à l’ère de l’IA : quel impact ?

Rédigé par Ivo Višić - Senior Investment Officer & Lorenz Vignold-Majal - Investment Strategist


En résumé

  • Le retour sur le devant de la scène de différents facteurs de risque a tempéré l’optimisme des marchés d’actions depuis le début du 2e trimestre.
  • Les gains boursiers liés au thème de l’intelligence artificielle (IA) devraient à l’avenir s’étendre aux entreprises ayant adopté l’IA avec succès et ensuite à celles en mesure d’en tirer des gains de productivité.
  • Les résultats du 1er trimestre devraient dans l’ensemble être meilleurs que prévu mais il faudra rester attentif à l’évolution de la rentabilité des entreprises.

Une entame de second trimestre chahutée

Après leurs performances robustes du 1er trimestre, les marchés d’actions ont connu un début de 2e trimestre plus difficile. Malgré l’effet saisonnier généralement favorable en avril et en mai, l’optimisme des marchés est confronté au retour sur le devant de la scène de différents facteurs de risque.

Premièrement, l’inflation s’avère tenace et il est probable que le retour de celle-ci vers l’objectif de 2% prendra encore du temps. C’est surtout le cas aux Etats-Unis où tant l’inflation globale (+3,4% sur un an) que l’inflation sous-jacente (+3,8% sur un an) ont à nouveau surpris à la hausse en mars. Cette situation a logiquement généré un regain de volatilité1 sur les marchés financiers, les investisseurs étant à nouveau contraints de réévaluer leurs attentes de baisses des taux directeurs de la Réserve fédérale (Fed) pour cette année. Alors qu’ils tablaient jusqu’à 7 baisses de taux de la Fed en janvier, ils en anticipent désormais moins de 2 d’ici décembre 2024.

Deuxièmement, les risques géopolitiques se sont récemment intensifiés avec l’attaque de l’Iran contre Israël et les craintes d’une riposte de l’Etat hébreu susceptible de provoquer une forte escalade des tensions dans la région. En parallèle, aucune accalmie ne semble en vue dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le principal facteur à surveiller pour les marchés est l’évolution des prix de l’énergie, et en particulier ceux du pétrole, compte tenu de leur impact sur l’économie. Dans ce contexte, les risques apparaissent plus manifestes et les surprises positives pourraient être limitées à court terme.

Bien que la situation actuelle invite à la prudence, une correction pourrait cependant offrir des points d’entrée intéressants. Les 6 derniers mois ont aussi montré que les actions restent le meilleur moyen de participer aux progrès technologiques.

Appétit des investisseurs pour les grandes capitalisations

Au vu de la hausse spectaculaire des taux d’intérêt ces deux dernières années et d’une courbe des taux américaine fortement inversée depuis juillet 2022, soit la plus longue période jamais enregistrée, la crainte d’une récession US a fait l’objet de nombreuses discussions. Entretemps, l’économique américaine s’est néanmoins montrée résiliente et la probabilité d’une récession est passée d’un pic de 70% à 35% actuellement2.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les investisseurs aient surtout mis l’accent sur les grandes capitalisations au cours de cette période, à savoir des entreprises matures avec une forte rentabilité, un rendement supérieur des capitaux propres et une base de clients fidèles qui génèrent un flux de bénéfices récurrent.

Les plus grandes entreprises souffrent généralement moins que les petites entreprises d’une augmentation des taux d’intérêt en raison de leurs bilans robustes et de leurs besoins de refinancement relativement plus faibles. Beaucoup de grandes entreprises disposent également d’importantes réserves de trésorerie qui bénéficient d’une rémunération attrayante sur les dépôts à vue. Certaines pourraient donc même profiter de taux d’intérêt plus élevés plutôt que de subir des coûts d’emprunt plus élevés.

Enfin, aux États-Unis, les plus grandes entreprises ont également été soutenues par un intérêt croissant pour les actions exposées à l’IA. Ces entreprises peuvent soit être directement impliquées dans la chaîne de valeur de l’IA, soit disposer de données très précieuses pour la formation à l’IA et leur permettre d’utiliser l’IA de manière efficace.

Elargissement attendu du thème de l’IA

1ère phase

Jusqu’à présent, l’enthousiasme pour l’IA a principalement profité aux entreprises qui rendent la technologie possible en fournissant l’infrastructure nécessaire pour construire et exécuter l’IA. Les principaux facilitateurs sont les entreprises qui conçoivent et fabriquent des semi-conducteurs et d’autres matériels, fournissent des services cloud, gèrent des centres de données et créent des logiciels. Ces entreprises sont les plus faciles à identifier car elles se trouvent au début de la chaîne de valeur et font partie des premières à enregistrer des bénéfices significativement plus élevés grâce à l’IA.

Un groupe d’entreprises internationales identifiées comme des facilitateurs clés de l’IA a en moyenne doublé de valeur depuis le lancement de ChatGPT par OpenAI en novembre 2022. Ces progressions de cours ont été tirées tant par des révisions à la hausse des bénéfices que par des ratios cours/bénéfice plus élevés.

La capacité à allouer les revenus ou les bénéfices d’une entreprise à l’IA a été un facteur essentiel pour les investisseurs. Il était plus facile de le faire dans certains secteurs que dans d’autres. Dans le secteur des services aux collectivités, par exemple, les avantages potentiels semblent jusqu’à présent largement non reflétés. Le secteur a été l’un des moins performants au cours des deux dernières années, bien que l’on s’attende à ce que les centres de données IA consomment beaucoup d’énergie dans un avenir proche. En effet, rien que pour l’IA, 20 Gigawatt de nouvelles capacités électriques pourraient être nécessaires dans le monde d’ici 2028, ce qui correspond à 20 centrales nucléaires supplémentaires. La contre-performance du secteur peut indiquer que les investisseurs sont sceptiques quant au fait que les entreprises de services aux collectivités pourraient traduire la demande supplémentaire d’électricité en bénéfices plus élevés compte tenu de la réglementation stricte dont elles font l’objet.

2e phase

C’est pourquoi nous pensons que la prochaine phase de gains boursiers basés sur le thème de l’IA profitera aux entreprises qui ont mis en œuvre l’IA avec succès et qui peuvent « montrer » des bénéfices liés à l’IA. Les premières entreprises capables d'y parvenir devraient être celles qui peuvent intégrer l’IA dans leurs offres de produits existantes, telles que les fournisseurs de logiciels et de services informatiques, ainsi que les entreprises de cybersécurité et d’automatisation. Beaucoup de ces entreprises sont également des facilitateurs, car elles donnent accès à l’IA à d’autres entreprises et leur permettent ainsi d’utiliser la technologie. Certaines de ces entreprises sont également des fournisseurs d’infrastructure, car elles sont actives dans plusieurs secteurs d’activité.

3e phase

La troisième phase englobera les entreprises qui adoptent l’IA en vue d’améliorer la productivité de la main-d'œuvre, et de les rendre en fin de compte plus rentables. Ces entreprises proviendront de presque tous les secteurs, mais les entreprises les plus exposées à l’IA et aux coûts de main-d'œuvre élevés en tireront probablement le plus parti.

Des recherches académiques ont montré que les banques et les assureurs, les services professionnels et commerciaux, les services d’enseignement et l’immobilier sont les secteurs les plus exposés. En revanche, le transport et le stockage, le commerce de détail, l’hébergement, la construction et le divertissement sont les moins exposés. En d’autres termes, les entreprises du premier groupe ont le plus de potentiel pour devenir plus productives en appliquant l’IA, celles du second groupe le moins.

Les secteurs des logiciels et services, des services commerciaux et professionnels, des banques et des assureurs ont le plus grand potentiel de bénéfices grâce à l’introduction de l’IA. Bon nombre de ces entreprises ont déjà évoqué des projets d’applications de l’IA dans le cadre de réductions de coûts ou d’améliorations de la productivité.

Coup d’œil sur les résultats du 1er trimestre 2024

Sur fond de tensions géopolitiques croissantes, l’attention des marchés se portera aussi à court terme sur les résultats des entreprises pour le 1er trimestre. Le diable sera comme toujours dans les détails mais, en termes agrégés, il est probable que les résultats seront meilleurs que prévu à la fois aux Etats-Unis et en Europe. Les raisons en sont d’une part l’accélération de la dynamique de l’économie mondiale au 1er trimestre et, d’autre part, le fait que les analystes ont mis la barre plus bas en révisant sensiblement à la baisse leurs prévisions de bénéfices depuis le début de l’année. Il faudra cependant être attentif aux guidances des entreprises ainsi qu’à l’évolution de leurs marges bénéficiaires, étant donné qu’une majorité d’entre elles ont toujours des marges plus élevées qu’avant la crise sanitaire.

Aux Etats-Unis, les analystes anticipent une croissance de 5% des bénéfices du S&P 500 au 1er trimestre 2024 par rapport à la même période de l’an dernier, ce qui marquerait le troisième trimestre consécutif de croissance des bénéfices pour l’indice phare américain. Sur le plan sectoriel, les services de communication (+27%) et la technologie (+21%) devraient enregistrer la plus forte progression des bénéfices par rapport à l’an dernier. Les résultats des géants technologiques seront comme d’habitude disséqués à la loupe étant donné leur très forte pondération dans les indices. L’énergie (-25%) et les matériaux (-24%) devraient pour leur part afficher les reculs les plus marqués tous secteurs confondus.

En ce qui concerne l’Europe, les analystes anticipent un recul de 11% des bénéfices du STOXX Europe 600 au 1er trimestre 2024 en rythme annuel, soit le quatrième trimestre d’affilée de croissance négative des bénéfices de ce côté de l’Atlantique. Le secteur de la consommation courante (+3,3%) et le secteur financier (-0,8%) devraient le mieux tirer leur épingle du jeu. A contrario, les secteurs de l’énergie (-24%), des matériaux (-29%) et des services aux collectivités (-42%) sont ceux qui afficheront sans doute les baisses les plus importantes.

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Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

Les performances passées ne constituent pas un indicateur fiable des performances futures.

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1 La volatilité fait référence à l’ampleur et à la rapidité avec lesquelles le prix d’une action, d’une obligation, d’un fonds ou d’un indice évolue au fil du temps.

Source : Bloomberg, 18 avril 2024

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