Le présent article est inspiré d'une publication de Deutsche Bank Research : Four forces that could shape the new global trade order - 11 mars 2025.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le commerce a connu une croissance sans précédent. Depuis la crise financière, il stagne. Aujourd'hui, il semble que nous soyons à la croisée des chemins... Se dirige-t-on vers un repli généralisé, ou plutôt vers une moindre domination des États-Unis ? Quatre facteurs déterminent la direction qui sera prise dans les prochains mois et années.
1. L'indépendance énergétique américaine ouvre la porte à un regain de protectionnisme
L'indépendance énergétique des États-Unis modifie fondamentalement sa stratégie commerciale. Là où l'Oncle Sam était jadis le plus grand importateur d'énergie au monde, il est aujourd'hui le producteur n°1 de pétrole brut et de gaz naturel. Ce changement de statut lui confère une assurance nouvelle. Les États-Unis abordent désormais le commerce mondial en position de force.
Cette évolution ouvre la voie au grand retour de la doctrine protectionniste d'avant-guerre. Dans cette approche, les matières premières jouent un rôle crucial. À l'heure actuelle, elles s'arrogent plus du quart de l'ensemble des exportations américaines. Cette situation rappelle l'époque du développement initial de l'économie US, qui était dominé par le commerce de ces matières premières, les exportations industrielles ne prenant le relais que par la suite.
Grâce à cette indépendance énergétique, les responsables américains peuvent s'asseoir avec beaucoup d'assurance à la table des négociations, en accordant la priorité à leurs intérêts nationaux. Ils ont en outre le loisir d'utiliser les exportations de matières premières comme argument stratégique dans la négociation des accords commerciaux internationaux.
2. La Chine mise toujours sur le commerce pour alimenter sa croissance et son influence
Contrairement aux États-Unis, la Chine reste fortement dépendante du commerce international pour pourvoir à ses besoins alimentaires et énergétiques. Sous la houlette du président Xi Jinping, le pays a stratégiquement diversifié ses chaînes d'approvisionnement au cours des dernières années, au détriment des fournisseurs européens et au profit de nouveaux partenaires émergents. La Chine a considérablement intensifié ses investissements le long de la nouvelle Route de la Soie, en se concentrant sur les métaux, l'énergie et les infrastructures de transport.
Outre l'accès aux matières premières, les exportations jouent un rôle majeur dans la maîtrise du marché intérieur. C'est grâce à la sécurisation de marchés d'exportation pour la gigantesque production industrielle qu'il est possible d'éviter la déstabilisation de l'économie en raison d'une surcapacité et d'une pression déflationniste. L'histoire révèle ici un intéressant parallèle avec l'Empire du Milieu au XVe siècle, qui était à l'époque la plus grande puissance maritime au monde, avant de se replier subitement sur elle-même. Cette erreur stratégique a donné l'occasion à l'Europe de devenir le leader de l'expansion maritime et de dominer le commerce mondial durant plusieurs siècles.
Pékin semble déterminé à ne pas répéter cette erreur. En s'appuyant sur une flotte largement supérieure à celle de ses concurrents, la Chine se positionne de manière de plus en plus assertive dans l'arène commerciale mondiale. Le pays a pour objectif de consolider son statut de n°1 économique, et de réduire autant que possible sa dépendance à l'égard d'autres nations.
3. Le commerce reste l'épine dorsale de l'Europe
Pour l'Europe, le commerce reste un pilier crucial de la stabilité économique et de la croissance. Premier bloc commercial au monde, le Vieux Continent affiche un ratio commerce/PIB supérieur à celui de la Chine et des États-Unis. Cette forte dépendance à l'égard du commerce international est le reflet du fondement du projet d'intégration européenne, qui a débuté sous la forme d'un marché commun du charbon et de l'acier, fort de la conviction selon laquelle l'interdépendance économique garantirait la paix.
Les récentes décisions d'investissements massifs dans la défense et les infrastructures indiquent que l'Europe a choisi de prendre un cap plus énergique, ce qui devrait stimuler les échanges commerciaux au sein de ce continent. D'autre part, l'Union européenne est à la recherche de nouveaux partenariats économiques. Les récents accords commerciaux conclus avec l'Amérique latine et la reprise des négociations de libre-échange avec l'Inde témoignent de la volonté de l'Europe de continuer à jouer un rôle majeur dans le concert international.
Dans un avenir proche, l'Europe va probablement importer davantage d'énergie et d'armes depuis les États-Unis. Dans le même temps, elle devra trouver un équilibre stratégique entre d'une part la concurrence chinoise croissante et d'autre part les avantages de la technologie et des investissements chinois. L'Europe devra se profiler comme un acteur flexible dans une arène économique et géopolitique en mutation.
4. Les pays émergents veulent une part du gâteau
Pour de nombreux pays du Sud, le commerce reste le tremplin n°1 vers le développement économique, comme en attestent le modèle de croissance et le succès des économies d'Asie de l'Est. À l'heure où le commerce mondial stagne et menace de régresser, de nombreux pays émergents sont confrontés à des vents contraires. Ce sont surtout les pays de l'ASEAN1, qui jouent un rôle clé dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, qui semblent vulnérables à un affaiblissement des flux commerciaux internationaux.
Impossible de prédire actuellement si une autre nation parviendra à égaler la réussite de la Chine en matière de production. Les grandes économies émergentes telles que l'Inde ont choisi une autre voie et se positionnent davantage comme exportateurs de services que comme nouvelles plateformes de production. La tournure que la Chine donnera à sa stratégie d'exportation déterminera de manière décisive l'avenir économique de cette région du monde. Si Pékin décide d'exporter en masse ses produits finis vers les pays du Sud, le développement des industries locales s'en trouverait freiné. À l'inverse, une stratégie d'investissement dans la capacité de production de ces marchés renforcerait sensiblement les perspectives de croissance.
Que nous réserve l'avenir ?
La nouvelle politique américaine provoque une des mutations les plus radicales de l'architecture commerciale mondiale depuis près de 80 ans. Va-t-on vers une contraction durable et douloureuse des échanges ? Ou assistera-t-on plutôt à un glissement vers de nouveaux corridors commerciaux et alliances économiques ? Tout dépendra de la manière dont les grands blocs agissent et réagissent. Dans ce champ de forces complexe, les interactions entre les États-Unis, la Chine, l'Europe et le reste du monde détermineront si les perturbations actuelles débouchent sur une fragmentation du commerce planétaire, ou sur un nouvel équilibre dans lequel des puissances émergentes endosseront un rôle plus important.
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1 ASEAN (Association des Nations d'Asie du Sud-Est) est une association politique et économique regroupant dix pays du Sud-Est asiatique.