Les écarts de rendement (= spreads) entre les obligations d'entreprises Investment Grade en dollars et en euros et leurs emprunts d'État respectifs – bons du Trésor US et Bunds allemands - sont restés à des niveaux comparables tout au long de l'année 2021. En revanche, la situation a changé depuis le début de cette année : le spread entre les obligations d'entreprises de qualité et les bons du Trésor US s'est écarté de 97 points de base aux États-Unis, tandis qu’il s'est envolé de 130 points de base dans la zone euro. L'impact négatif de la guerre entre la Russie et l'Ukraine se fait sentir plus fortement en Europe qu'aux États-Unis, compte tenu des fortes tensions sur les marchés de l'énergie. C'est la principale raison pour laquelle les spreads ont évolué de la sorte, et cela continue d'alimenter la volatilité.
Par conséquent, les investisseurs en Europe sont confrontés à un niveau d'incertitude plus élevé, ce qui se traduit par des primes de risque plus élevées pour les obligations d'entreprises libellées en euros. En outre, ce segment de marché a été soumis à une pression supplémentaire en raison de la décision de la Banque centrale européenne (BCE) d'arrêter ses achats nets d'obligations d'entreprises et de la perspective d'une politique monétaire encore plus restrictive dans un avenir proche. En raison de l'augmentation significative des rendements obligataires et des spreads, les obligations d’entreprises Investment Grade en euros sont en passe d’enregistrer leur plus forte perte annuelle depuis l'introduction de la monnaie unique, avec un recul de l’ordre de 15%.
À la lumière des fondamentaux, on peut comprendre que beaucoup d’entreprises européennes soient actuellement contraintes de proposer des taux d'intérêt beaucoup plus élevés que l’an dernier afin de trouver des acheteurs pour leurs obligations. Par exemple, leurs marges ont baissé revenant aux niveaux qui prévalaient avant la crise sanitaire. De plus, leurs réserves de trésorerie ont globalement diminué, tandis que leur endettement net a augmenté. Seules les entreprises du secteur de l'énergie ont été en mesure d’échapper à cette tendance générale.
Les spreads entre les obligations d'entreprise Investment Grade en euros et les Bunds allemands sont actuellement supérieurs à 200 points de base. Les seules périodes où ces spreads avaient atteint des niveaux encore plus élevés étaient la crise financière mondiale, la crise de la dette européenne et le début de la pandémie de coronavirus. Le fait que beaucoup de mauvaises nouvelles semblent déjà avoir été prises en compte dans les valorisations peut être considéré comme une bonne nouvelle dans ce contexte. Par conséquent, nous pourrions être proche d’un plancher si la récession à venir en Europe est de courte durée et n'entraîne pas de crise financière ou de la dette.
Par ailleurs, le marché des obligations d'entreprises de qualité en euros va bénéficier d’un développement favorable concernant les prêts d’un peu moins de 1,5 milliards d’euros accordés par la BCE aux banques commerciales dans le cadre des opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO) et qui arriveront à échéance en 2023. Le remboursement de ces prêts entraînera une réduction significative de la taille du bilan de la BCE et ainsi atténuera la pression exercée sur celle-ci pour qu'elle réduise le montant des obligations d'entreprises qu'elle détient actuellement en portefeuille. Le secteur privé devrait aussi bénéficier des mesures de soutien fiscales de grande envergure qui ont été mises en œuvre dans un certain nombre de pays européens pour faire face à la crise énergétique. Ces mesures devraient apporter un certain degré de stabilité économique.
Nous anticipons que le niveau général de la volatilité sur le marché des obligations d'entreprises Investment Grade en euros restera relativement élevé dans les mois à venir. Cette situation pourrait persister jusqu’à ce qu’il soit clair que l'Europe est sur le point d'entrer dans une récession modérée qui ne durera pas longtemps. Une fois ces craintes apaisées, la situation devrait revenir à la normale relativement rapidement. Les fortes baisses de cours récentes peuvent donc offrir des points d'entrée intéressants, d'autant plus que le rendement actuel des obligations d'entreprises de qualité en euros se situe à des niveaux attractifs qui n’ont plus été observés depuis plus d’une décennie.
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