Rédigé par
David Ghezal
Investment Strategist
L’économie américaine devrait être en mesure d’absorber l’onde de choc provoquée par le conflit en Ukraine. Les relations commerciales avec la Russie sont très limitées (moins de 0,5% du PIB) et les importations d’énergie de ce pays étaient déjà négligeables avant qu’elles ne soient bannies. Pour les USA, l’impact négatif du conflit se manifestera surtout par le renchérissement des prix de l’énergie sur les marchés mondiaux. Cette hausse des prix a déjà eu pour effet de faire grimper l’inflation à 7,9%, son niveau le plus élevé́ en 40 ans. Cette inflation freinera en partie les dépenses des ménages (une augmentation de 1 centime du prix de l’essence entraine une diminution de 1,2 milliard de dollars de la consommation privée). Par ailleurs, les problèmes d’approvisionnement continueront à mettre des bâtons dans les roues de l’industrie manufacturière, au moins jusqu’à l’été.
Ces vents contraires devraient rester gérables pour les Etats-Unis, qui ont abordé cette crise dans un bon état de forme. La situation financière des ménages reste solide et le marché de l’emploi est en pleine forme (forte croissance de l’emploi, faible taux de chômage, hausse des salaires). Bien que le rythme de la reprise soit appelé à se modérer, nous anticipons une croissance de 3,4% en 2022 et de 2,4% en 2023, assortie d’une inflation de 4,7% et 2,7% respectivement.
Dans ce contexte, la Réserve fédérale (Fed) a augmenté comme prévu son taux directeur de 0,25% en mars, une première depuis fin 2018. Nous pensons qu’elle continuera à relever les taux d’intérêt à intervalles réguliers à l’avenir pour juguler la hausse des anticipations d’inflation. Quant à la réduction de son bilan, elle devrait dépendre de l’évolution des conditions financières sur les marchés, ainsi que du contexte économique au sens large.
Pour la zone euro, la perspective de croitre plus rapidement que les Etats-Unis, et ce pour la première fois depuis longtemps, n’est plus d’actualité. La zone euro est la région du monde – outre les pays directement concernés – la plus impactée par la guerre en Ukraine, au vu de sa proximité́ géographique avec le conflit et de sa forte dépendance à la Russie pour son approvisionnement énergétique (40% pour le gaz et 23% pour le pétrole). Les révisions à la baisse des prévisions de croissance et à la hausse de l’inflation sont donc les plus marquées de toutes les grandes régions. Le tassement attendu de la consommation et l’impact des problèmes d’approvisionnement sur l’industrie manufacturière pourraient même se traduire par une croissance négative au deuxième trimestre.
Cela dit, l’économie devrait aussi être soutenue par divers éléments, tels que les aides publiques aux ménages à faible revenu, les investissements en infrastructures (surtout énergétiques), une forte augmentation des dépenses en matière de défense, ainsi que les contributions financières du fonds de relance européen (Next Generation EU). Cela devrait contribuer à un rebond de la croissance à partir du 3e trimestre et ces mesures structurelles devraient aussi soutenir la reprise à plus long terme. Nous anticipons une croissance de 2,8% en zone euro en 2022, soit une différence substantielle par rapport à la prévision de 4,6% avancée avant la guerre en Ukraine. Nous anticipons désormais que l’inflation atteindra le niveau inédit de 8% cette année (contre 5,9% en février).
Dans l’intervalle, la BCE a surpris les marchés en décidant de réduire plus rapidement que prévu le rythme de ses achats d’actifs. Cela montre que la BCE est préoccupée par l’accélération de l’inflation, et ouvre la voie à un premier relèvement de son taux directeur au cours du second semestre 2022. Si une hausse de taux est désormais très probable, la BCE continuera de baser ses décisions en fonction de l’évolution de la situation économique.
Bien que les relations économiques entre le Japon et la Russie soient très faibles, la hausse des prix de l’énergie (le Japon est un importateur net) et la détérioration du sentiment impacteront aussi l’économie nipponne. D’un autre côté, le Pays du Soleil levant devrait enfin bénéficier d’une embellie sur le front pandémique à partir du printemps, entrainant une reprise du secteur des services. Le Japon devrait aussi profiter de la fermeté de ses exportations, grâce aux liens étroits avec la Chine et l’Asie, ainsi que du plan de relance massif du gouvernement.
Après une reprise en dents de scie ponctuée par une croissance de 1,6% en 2021, l’économie japonaise devrait croitre de 2,5% cette année, et ainsi continuer à combler les pertes accumulées au plus fort de la crise sanitaire. Alimentée surtout par la hausse des prix de l’énergie, l’inflation devrait s’établir à 1,8%, et ainsi se rapprocher de l’objectif de 2% de la banque centrale pour la première fois depuis 7 ans. Cela ne devrait toutefois pas inciter la Banque du Japon à modifier fondamentalement sa politique monétaire, toujours très souple.
Les indicateurs récents en provenance de Chine confirment une sortie lente, mais sure, du marasme économique (pandémie, réglementation, crise immobilière). Les fondamentaux se sont améliorés grâce aux mesures de soutien déployées au cours des derniers mois, tandis que le commerce extérieur reste bien orienté. La stratégie ‘zéro Covid’ continue de freiner la demande intérieure mais le fait que la Chine autorise par exemple certaines entreprises en zone de confinement à ouvrir leurs usines dénote une approche un peu moins rigide à ce niveau.
Dans l’ensemble, les effets directs des tensions géopolitiques actuelles sur la Chine sont limités, et l’impact découlera avant tout du ralentissement attendu de la croissance mondiale. Malgré l’incertitude ambiante, le gouvernement chinois vise une croissance autour de 5,5% pour 2022. Nos prévisions sont un peu plus prudentes : 4,5%.
En cette année du Tigre, la stabilité de l’économie – pour laquelle un secteur immobilier stable est également essentiel – est la priorité n°1 de Pékin. On peut supposer que le gouvernement chinois mettra tout en œuvre pour y parvenir. Les efforts budgétaires devraient se concentrer sur des réductions d’impôts, ainsi que des investissements dans l’énergie, les transports, la technologie et la modernisation des infrastructures urbaines. Des initiatives spécifiques pourraient aussi être prises pour le secteur immobilier. L’inflation modérée – 2,8% attendus pour cette année – offre par ailleurs une marge de manœuvre à la Banque populaire de Chine pour assouplir davantage sa politique monétaire si besoin, et ce à contre-courant de la tendance générale.
(PIB réel, %)
2022 |
2023 |
|
---|---|---|
Monde
|
3,5 (-1,0)1
|
3,3
|
Etats-Unis
|
3,4 (-0,6)
|
2,4
|
Zone euro
|
2,8 (-1,8)
|
2,2
|
Allemagne
|
3,0 (-1,8)
|
3,2
|
Royaume-Uni
|
2,8 (-1,7)
|
1,5
|
Japon
|
2,5 (-0,4)
|
1,4
|
Chine
|
4,5 (-0,8)
|
4,8
|
Source : Deutsche Bank Wealth Management, mars 2022
1 modifications par rapport à décembre 2021
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