Conflit Ukraine-Russie

Marchés

Le conflit Russie/Ukraine : un jeu dangereux pour les marchés financiers

16 février 2022 - Lu en 6 min

Rédigé par

Christian Nolting
CIO Private Bank

Tous les regards sont tournés vers la géopolitique alors que les tensions entre la Russie et l'Ukraine se sont intensifiées ce week-end à la suite d’informations qui laissaient présager une nouvelle escalade du conflit entre les deux parties. Nous tenterons ici de répondre à certaines des questions les plus urgentes concernant le contexte général et les implications pour les classes d'actifs.

Contexte

Selon les médias, la Russie a stationné des troupes à la frontière russo-ukrainienne alors que l'Ukraine a réitéré son désir de rejoindre l'OTAN. Dans le même temps, les dirigeants russes ont adressé une liste de demandes aux alliés occidentaux de l'Ukraine. Elles comprennent des "garanties de sécurité" de la part de l'OTAN, incluant une renonciation écrite à toute nouvelle expansion vers l'est et le retrait de toutes les troupes ou armes déployées dans les pays qui ont rejoint l'alliance militaire atlantique après 1997. Des discussions intensives à ce sujet ont eu lieu non seulement entre les États-Unis et la Russie, mais aussi avec l'OTAN et l'UE. Les 30 pays de l'OTAN se sont mis d'accord sur une réponse écrite commune à la proposition russe de nouveaux accords de sécurité. Les États-Unis ont également répondu, après avoir reçu une proposition distincte d'accords de sécurité entre Washington et Moscou. Les deux parties restent discrètes quant aux mesures à prendre.

Que s'est-il passé pendant le week-end ?

Plus de 100.000 troupes russes continuent d'être postées à la frontière ukrainienne. La Russie a aussi entamé des exercices militaires en Biélorussie, impliquant des dizaines de milliers de soldats, et des navires de guerre sont entrés dans la mer Noire pour des exercices navals à grande échelle. Ces actions ont suscité un regain d'activité diplomatique visant à résoudre le conflit entre l'Occident et la Russie au sujet de l'Ukraine et à éviter une action militaire. Le Conseiller à la Sécurité Nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a répété qu'une invasion russe pourrait commencer n'importe quel jour et le président Joe Biden a déclaré qu'il soutiendrait l'Ukraine en cas d'éventuelle invasion et qu’il défendrait le territoire de l'OTAN. L'Ukraine a demandé une réunion avec la Russie et d'autres membres d'un groupe clé de sécurité européen au sujet de l'escalade des tensions à sa frontière. De plus, le Chancelier allemand Olaf Scholz s'est rendu à Kiev lundi et à Moscou mardi. Il a également réaffirmé, avant sa rencontre avec le Président russe Vladimir Poutine, que les alliés occidentaux imposeraient immédiatement des sanctions à la Russie en cas d'attaque.

Le jour qui a apporté un certain soulagement

Hier matin, le monde occidental a poussé un soupir de soulagement lorsque la Russie a retiré certaines troupes de sa frontière avec l'Ukraine. Cette démarche a été considérée comme un pas possible vers une détente et un premier signe de désescalade. Le retrait des troupes a été précédé d'un discours du Ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, lundi soir, qui a souligné la possibilité de parvenir à un accord. Lors de sa visite mardi, M. Scholz a évoqué la nature difficile de la situation et a une nouvelle fois appelé à la paix et à la sécurité en Europe, car une sécurité durable ne peut être obtenue qu'avec la Russie. Il a également mentionné que les opportunités diplomatiques n'ont pas encore été épuisées.

Comment les marchés financiers ont-ils réagi ?

Les principaux marchés boursiers européens ont dérapé lundi, le Stoxx Europe 600 chutant de 1,8% (plus forte baisse intra-journalière : -3,0%). De l'autre côté de l'Atlantique, le S&P 500 a baissé de 0,4% (plus forte baisse intra-journalière : -1,2%). C’est toutefois la chute de ~10% des obligations souveraines de l'Ukraine qui a suscité le plus d'inquiétudes. Alors que les prix du pétrole ont atteint des sommets pluriannuels, l'euro a souffert et les investisseurs se sont rués sur les emprunts d'État refuges qu'ils avaient jusqu'à présent délaissés en 2022.

Suite aux premiers signes de désescalade hier, tous les principaux marchés d'actions ont rebondi. Le S&P 500 et le STOXX Europe 600 ont gagné 1,5% et 1,4%, respectivement. Néanmoins, l’indice VIX est resté à un niveau élevé de 25,7 points, mais s'est néanmoins modéré par rapport aux sommets de lundi. Les prix du pétrole ont reflué et les métaux précieux ont également baissé, l'or s’éloignant d’un sommet de plusieurs mois, suite à la baisse de la demande pour des valeurs refuges. Le taux de change EUR/USD a progressé.

Les actifs russes ont été durement touchés depuis la mi-novembre 2021. Les tensions géopolitiques autour de l'Ukraine et les inquiétudes concernant d'éventuelles sanctions futures de l’Occident contre les entreprises russes ont fait chuter les cours des actions à la bourse de Moscou d'environ 14% (-21 % le 24 janvier). Les actions russes ont sous-performé l'indice MSCI Emerging Markets d'environ 12% sur cette période. La chute de cours des actions russes par rapport à l'indice de référence est à peu près du même ordre qu'au moment des différends sur la péninsule de Crimée en mars 2014.

Depuis que la Russie a renforcé la présence de ses troupes à la frontière avec l'Ukraine à la mi-novembre 2021, les valeurs financières russes ont perdu 25% de leur valeur, alors que les valeurs pétrolières et gazières n'ont perdu "que" 8 %. Cette différence pourrait refléter l'opinion des investisseurs selon laquelle les conséquences économiques d'éventuelles futures sanctions contre la Russie - par exemple si le système Swift était touché par des sanctions - toucheraient davantage les banques que, par exemple, les sociétés énergétiques.

L'indice MSCI Ukraine est en baisse d'environ 16 % depuis la mi-novembre, et le rendement des obligations ukrainiennes à 10 ans est passé de 6,8% à 10,1%. La hryvnia est restée relativement stable par rapport à l'euro, passant de 29,9 à 32,1.

Ce qu'il faut retenir : Les actifs russes et ukrainiens ont bien évidemment été fortement sanctionnés depuis la mi-novembre 2021, mais l'impact sur les actifs mondiaux avait été négligeable avant lundi. Par conséquent, toute désescalade devrait surtout entraîner une hausse des actifs russes et ukrainiens, mais pas des actifs mondiaux. Jusqu'à présent, les principaux marchés boursiers sont surtout en baisse depuis le début de l’année en raison des craintes de resserrement monétaire, et non pas en raison des risques géopolitiques.

Quelles pourraient être les implications pour la macroéconomie et les classes d'actifs ?

Dans l'ensemble, la nervosité et la volatilité sur les marchés financiers devraient augmenter. Le conflit intervient sans aucun doute dans une phase où les marchés sont de toute façon volatils à cause du virus Omicron et des chaînes d'approvisionnement perturbées ainsi que de l'inflation et des banques centrales. En particulier, la hausse des prix de l'énergie pourrait alimenter davantage l'inflation et obliger les banques centrales à resserrer leur politique monétaire plus vigoureusement.

Toutes les évaluations ultérieures, y compris pour les marchés financiers, dépendent de l'évolution de la situation, c'est-à-dire de la question de savoir si des solutions diplomatiques peuvent être trouvées.
Tout conflit militaire grave pourrait peser particulièrement sur le commerce mondial et l'économie globale, notamment dans le secteur de l'énergie. Le risque de perturbation de l'approvisionnement en énergie qui en résulterait entraînerait probablement une hausse des prix du pétrole et du gaz, compte tenu de niveaux de stocks déjà faibles dans un contexte de dégradation des chaînes d'approvisionnement.

La hausse des prix de l'énergie pourrait en particulier peser sur les bénéfices en Europe, car une inflation plus élevée et une croissance du PIB plus faible affecteraient les perspectives économiques. Toutefois, les calculs des analystes montrent qu'un tel impact devrait rester modeste.

Le secteur européen de l'énergie affiche des valorisations attrayantes, une dynamique de bénéfices positive et des cash flows solides. Bien que les valorisations puissent continuer à baisser, si nous assistons à un choc du côté de l'offre de pétrole, la hausse des bénéfices devrait soutenir le secteur.

Le secteur bancaire européen est en forte hausse par rapport au marché en général, mais la dynamique relative des bénéfices s'estompe. Une détérioration de la trajectoire attendue de la croissance par rapport à l'inflation (qui pourrait impliquer un aplatissement de la courbe des taux) pourrait réduire les marges d'intérêt nettes des banques ainsi que leur rendement sur actifs. Pour rappel, les banques ont un poids considérable au sein du Stoxx Europe 600.

Étant donné la dépendance de l'Europe à l'égard du gaz russe, un consommateur européen est beaucoup plus vulnérable au conflit Russie-Ukraine qu'un consommateur américain. Cela dit, à l'heure actuelle, peu d'éléments indiquent que le marché craint que la demande des consommateurs européens ne soit affectée par les coûts élevés de l'énergie/électricité et par des revenus plus faibles.

Comme les prix de l'énergie en particulier sont susceptibles de continuer à augmenter, les entreprises à forte consommation d'énergie seraient par conséquent sévèrement touchées et pourraient même devoir limiter temporairement leur production. Toutefois, les restrictions des livraisons de gaz pourraient être en partie compensées par d'autres pays, notamment par les livraisons de GNL. Les entreprises de ces régions pourraient en bénéficier.

Les actions, les obligations et les devises de la Russie et de l'Ukraine ont déjà été fortement affectées. Mais une escalade des tensions entraînerait certainement des baisses importantes sur ces marchés, tandis que les titres considérés comme sûrs ou moins risqués devraient en profiter relativement.

La croissance attendue en termes agrégés des bénéfices des actions russes au cours des 12 prochains mois a chuté de 9,5% à 5,5% depuis novembre dernier. Tant que les incertitudes quant à l'évolution de la situation persistent, les investisseurs doivent continuer à anticiper de fortes fluctuations des actions russes. Les valeurs financières, en particulier les banques russes, seraient pénalisées par les restrictions du système Swift.

Ce qu'il faut retenir : Toute escalade des tensions autour de l'Ukraine pourrait provoquer une flambée des prix de l'énergie et peser sur les actifs risqués à court terme. Les réactions respectives des marchés et les conséquences économiques potentielles dépendront de l'éventuelle (nouvelle) escalade du conflit en Ukraine et de son ampleur.

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