Le brouillard s'épaissit sur les marchés d'actions

Marchés & investissements - 21 avril 2023

Le brouillard s'épaissit sur les marchés d'actions



En résumé :
  • Malgré les turbulences du mois de mars, les marchés boursiers ont enregistré des gains appréciables au 1er trimestre. Néanmoins, nous n’anticipons qu'un potentiel de hausse modéré pour les bourses mondiales d’ici fin 2023.
  • Dans le climat actuel d’incertitude élevée, les investisseurs devront se montrer sélectifs dans le choix des régions, des styles, des secteurs ainsi que des thèmes afin d'identifier des opportunités attrayantes.
  • Nous préconisons une stratégie hybride incluant à la fois des actions de valeur et des actions de croissance pour tenter de faire face aux obstacles à venir.

Les montagnes russes du mois de mars

Il est encourageant de constater que les marchés d'actions, surtout dans les pays développés, ont enregistré des gains décents au 1er trimestre 2023, les indices S&P 500 (+7,0%), STOXX Europe 600 (+7,8%) et MSCI Japan (+6%) ayant tous fini en hausse en dépit des fortes turbulences de marché causées par les remous dans le secteur financier.

Depuis le début du 2e trimestre, les marchés d'actions cherchent à se stabiliser dans un contexte où certaines données plus faibles ont contribué à renforcer les craintes d'assister à une récession aux Etats-Unis plus tard dans l'année. De plus, les attentes du marché relatives au niveau du taux directeur de la Réserve fédérale (Fed) ont connu des fluctuations très marquées dans les deux sens.

Nous anticipons un potentiel de hausse limité pour les principaux marchés d’actions d’ici la fin de l'année. En effet, nous pensons que les marchés sont en avance sur les fondamentaux, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l’argument "TINA" (There Is No Alternative) a été remplacé par l’argument "TAPAs" (There Are Plenty of Alternatives). L'univers des titres à revenu fixe offre actuellement des rendements attractifs, ce qui laisse peu ou pas de marge pour une hausse des multiples de valorisation, en particulier pour le marché d’actions US qui se négocie toujours avec une prime importante par rapport aux autres régions. En outre, nous anticipons que la croissance du bénéfice par action (BPA) en Europe et aux États-Unis restera plutôt modérée dans un avenir prévisible. Les indices des directeurs des achats (indices PMI) devraient diminuer à mesure que l'impact du resserrement de la politique monétaire commencera à se faire pleinement ressentir tandis que les compensations positives, comme l’excédent d'épargne accumulé pendant la pandémie qui a favorisé la consommation ou l’important pouvoir de fixation des prix des entreprises qui a soutenu les marges bénéficiaires, risquent de s’estomper. Les marchés émergents incluent sans doute les régions où la croissance bénéficiaire sera la plus forte à partir de 2024, alors que les bénéfices dans les marchés développés pourraient être entravés par une inflation élevée et/ou des économies atones.

Détérioration des fondamentaux des entreprises ?

Alors que la saison des résultats du 1er trimestre 2023 vient de démarrer, il sera très intéressant de suivre l’évolution des marges des entreprises des deux côtés de l'Atlantique compte tenu de l’incertitude élevée et des nombreuses nouvelles réalités auxquelles les entreprises et les investisseurs sont confrontées. En raison de la baisse des volumes et des pressions persistantes sur les coûts de production, les prévisions du consensus indiquent une nouvelle érosion des marges par rapport aux niveaux records de l'an dernier (voir graphique 1), lorsque les résultats et la rentabilité ont été dopés par l'inflation et que les entreprises avaient pu largement répercuter la hausse du coût des intrants sur les prix de vente. Il semble que les conditions soient désormais réunies pour une détérioration continue de la situation fondamentale des entreprises aux États-Unis et en Europe pendant la majeure partie de l'année 2023, voire au-delà.

Graphique 1 : Evolution des marges bénéficiaires nettes des indices S&P 500 et STOXX Europe 600

Graphique 1 : Evolution des marges bénéficiaires nettes des indices S&P 500 et STOXX Europe 600

Source : Bloomberg Finance L.P., Deutsche Bank AG. Données au 11 avril 2023.

Les prévisions de bénéfices des entreprises du S&P 500 fortement revues à la baisse

Compte tenu de ces vents contraires, les analystes ont sensiblement abaissé leurs prévisions pour les bénéfices agrégés du 1er trimestre 2023 du S&P 500 depuis le début de l'année. Selon le consensus, le ralentissement de la croissance des chiffres d'affaires et l'érosion des marges dans un contexte de modération de la demande et d'augmentation des coûts devraient aboutir à un recul de 6,8% des bénéfices du S&P 500 par rapport à la même période de l’an dernier, pour un chiffre d'affaires en hausse de 1,8% sur un an. Il s'agirait du deuxième trimestre consécutif de croissance négative des bénéfices ainsi que de leur plus forte baisse en rythme annuel depuis le 2e trimestre 2020. Pour rappel, au début de cette année, les analystes prévoyaient un recul des bénéfices de seulement 0,3% en rythme annuel.

Cela dit, les prévisions sont plus optimistes pour l’Europe. De fait, les analystes s’attendent à ce que les bénéfices du 1er trimestre du STOXX Europe 600 restent pratiquement inchangés, tandis que les chiffres d’affaires devraient augmenter de 1,7% en rythme annuel. Pour l’ensemble de l’année 2023, les estimations du consensus indiquent désormais que la croissance globale des bénéfices devrait rester relativement stable à +0,2% pour le S&P 500 et +1% pour le STOXX Europe 600.

Il est également intéressant de noter que les ratios nets de révision des bénéfices ont très récemment commencé à s'améliorer, ce ratio étant même redevenu positif en Europe en mars (voir graphique 2). Cependant, les marchés d’actions pourraient ne pas être soutenus par les fondamentaux au cours des douze prochains mois, car les risques sont clairement orientés à la baisse compte tenu des vents contraires potentiels décrits plus haut.

Globalement, nous pensons que dans le climat actuel d’incertitude élevée, les investisseurs devront se montrer sélectifs dans le choix des régions, des styles, des secteurs ainsi que des thèmes afin d'identifier des opportunités attrayantes.

Graphique 2 : Ratios nets de révision des bénéfices des indices S&P 500 et STOXX Europe 600

Graphique 2 : Ratios nets de révision des bénéfices des indices S&P 500 et STOXX Europe 600

Source : Refinitiv Datastream, Deutsche Bank AG. Données au 11 avril 2023.

Le retournement du "Value trade"

Alors que 2022 a été une année faste pour les actions de valeur par rapport aux actions de croissance, la situation apparaît très différente en 2023.

Au cours des deux dernières années, la performance relative des actions de valeur par rapport aux actions de croissance a suivi de très près l'évolution des rendements obligataires. Les actions de valeur se sont mieux comportées pendant les périodes de hausse des rendements, comme observé tout au long de l'année 2022.

Pendant les périodes de baisse des rendements obligataires, les actions de valeur sont en règle générale moins performantes que les actions de croissance, ce qui n'est pas surprenant compte tenu de la corrélation sectorielle historique avec les rendements des bons du Trésor US à 10 ans. En Europe, par exemple, les secteurs de valeur traditionnels tels que les banques, l'assurance, l'énergie et l'automobile affichent la corrélation positive la plus élevée, qui est comprise entre 0,4 et 0,6. En revanche, les cours de secteurs tels que les soins de santé, le luxe et la technologie, entre autres, sont négativement corrélés à l'orientation des rendements obligataires.
Les autres facteurs qui ont contribué à la surperformance du style "valeur" au quatrième trimestre 2022 ont été la diminution des risques de récession et la baisse des prix du gaz en Europe, ainsi que les données économiques solides aux États-Unis. Comme les modèles d’affaires des entreprises présentant des caractéristiques de valeur sont traditionnellement de nature plutôt cyclique, elles se comportent particulièrement bien pendant les périodes de croissance économique positive et/ou en amélioration, car leurs bénéfices sont davantage stimulés que ceux des entreprises de croissance.

Stratégie hybride privilégiée pour les actions

Compte tenu du scénario macroéconomique binaire qui s’annonce, nous n'avons pas de préférence marquée pour un style en particulier sur un horizon de 12 mois. Par conséquent, nous nous en tenons pour l’instant à un portefeuille qui inclut à la fois des actions de valeur et des actions de croissance (c'est-à-dire une stratégie hybride). Concernant les actions de valeur, nous continuons à apprécier les banques européennes, dont la décote par rapport à l'ensemble du marché s’est encore accentuée, tandis qu’une exposition sélective aux segments croissance de qualité, qui devraient bien se comporter en période de ralentissement de la croissance économique et de baisse des rendements, fait également du sens. A ce titre, nous apprécions les secteurs des soins de santé et de la technologie pour leur potentiel de croissance structurel. Cela dit, nous observons que la valorisation (= ratio cours/bénéfices des 12 prochains mois) de l’indice MSCI World IT s’est renchérie, passant d'environ 19x en octobre jusqu’à presque 26x depuis lors.

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1 Le terme « fonds » est l'appellation commune pour les Organismes de Placements Collectifs (OPC). Les OPC sont soit des OPCVM soit des OPCA ; ils existent sous la forme d'une société d'investissement (SICAV) ou d'un fonds commun de placement (FCP). Les fonds sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant de leur investissement.

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