L’incertitude accrue pousse les investisseurs vers les obligations

Marchés & investissements - 11 avril 2023

L’incertitude accrue pousse les investisseurs vers les obligations

Rédigé par Wim D'Haese - Head Investment Strategist

En résumé :
  • À l’heure où les hausses des taux ont fait leurs premières victimes de marque, l’hydre de l’inflation rôde toujours.
  • Les évolutions actuelles rendent les obligations nettement plus attrayantes que les actions.
  • Ces derniers mois, les actions européennes se sont plutôt bien comportées. Nous nous attendons à ce qu’elles surperforment les autres régions du monde cette année.

L'affaiblissement du dollar, la baisse des rendements des obligations, l’espoir d’un assouplissement de la politique de la Fed... Depuis octobre, ces évolutions s’étaient conjuguées pour envoyer de bonnes ondes sur les marchés. En janvier, avec la réouverture de la Chine, les investisseurs ont eu une autre raison de se réjouir. Hélas, cette bonne humeur générale a été douchée en février par les chiffres de l’inflation et de l’emploi. À l’exception des actions européennes, le rally s’est non seulement arrêté, mais la tendance s’est même inversée. Le grand motif de préoccupation est toujours l’inflation, qui reste provisoirement indomptable. L’excellente tenue du marché de l’emploi et la propension des ménages à continuer à dépenser continuent d’alimenter la hausse des prix. En mars, les investisseurs ont été complètement pris au dépourvu par la faillite de Silicon Valley Bank (SVB). En effet, cette banque a été contrainte d’acter de lourdes pertes sur son portefeuille obligataire. Sur les marchés financiers, ce sont surtout les actions bancaires et les obligations à court terme qui ont été impactées par cette faillite. Bien que ces événements suscitent beaucoup d’inquiétudes, la situation n’est en rien comparable à la crise financière de 2008. À l’époque, la déroute a été la résultante d’une crise systémique, tandis que la faillite de SVB a été provoquée par les hausses de taux, combinées à de mauvais choix stratégiques de cette banque. Le paysage financier est également très différent de celui de 2008. Au lendemain de ce sombre épisode, les banques ont été tenues de se conformer à des règles beaucoup plus strictes, afin de prévenir des problèmes similaires à l’avenir. Cette fois, les autorités sont intervenues beaucoup plus promptement, pour juguler la crise dès son amorce.

Révision des projections de taux et d’inflation

L’incertitude sur les marchés financiers suite à la faillite de SVB a entraîné un resserrement des conditions de financement (les crédits sont désormais plus chers). En ce sens, les marchés aident la Fed à ralentir la croissance économique et à faire diminuer l’inflation. En conséquence, les prévisions des marchés relatives à l’évolution des taux d’intérêt de la Fed ont été ajustées à la baisse.
Ramener l’inflation jusqu’à l’objectif de 2% ne se fera pas sans peine. Dans cette optique, SVB peut être considérée comme la première victime de la lutte contre la hausse des prix. Les banques centrales sont confrontées à un délicat exercice d’équilibre entre la lutte contre l’inflation et le maintien de la stabilité financière. En 2023, leurs interventions et les ajustements récurrents des prévisions d’inflation et de taux auront une influence substantielle sur la performance des différentes classes d’actifs.

Focus sur les obligations

Les évolutions actuelles rendent les obligations sensiblement plus attrayantes que les actions. C’est vrai d’une part (en gardant à l’esprit la faillite de SVB) parce qu’elles comportent en général moins de risques que les actions, et d’autre part parce que le fossé entre les rendements actuels des obligations et le rendement attendu des actions s’est considérablement amenuisé. D’un point de vue risque/rendement, la balance penche donc pour l’instant davantage vers les obligations. Ce ‘pour l’instant’ est important, car cette fenêtre d’opportunité ne durera pas éternellement. Quand les banques centrales baisseront leurs taux directeurs, les rendements repartiront à la baisse.

Tandis que les obligations sont traditionnellement moins volatiles que les actions, il faut continuer à faire preuve de vigilance à l’égard des fortes variations de cours, telles que les marchés en ont connu en mars. La raison réside dans l’incertitude causée par la chute de SVB et les attentes pour le taux final des banques centrales, qui sont constamment ajustées. Or, toute modification des prévisions provoque des convulsions, surtout sur les marchés obligataires. Les rendements pourraient encore progresser quelque temps, mais tout aussi bien diminuer. Quoi qu’il en soit, le climat reste généralement favorable pour les investisseurs désireux de se renforcer en obligations.

Des opportunités à portée de main du côté des obligations d'entreprises de qualité

Rendement sur les obligations d'entreprises IG en USD (%)
Rendement sur les obligations d'entreprises IG en USD (%)
Rendement sur les obligations d'entreprises IG en EUR (%)
Rendement sur les obligations d'entreprises IG en EUR (%)

Les données financières, telles que les rendements, du passé ne sont ni une garantie ni un indicateur fiable pour l'avenir.
Source : Bloomberg L.P. Données au 21 mars 2023.

Dix ans d’attente

Nous continuons à donner la préférence aux obligations d’entreprises Investment Grade1 libellées en euros. Les obligations Investment Grade en USD sont également une option, en tenant compte du risque de change qu’elles entraînent, car la tendance est actuellement à un affaiblissement potentiel du dollar. Si vous investissez à partir d’un portefeuille en euros, c’est un paramètre dont vous devez tenir compte. Quoi qu’il en soit, cela fait 10 ans que les obligations Investment Grade n’ont plus servi un rendement aussi élevé. Les investisseurs qui cherchent à générer un revenu de leur patrimoine (intérêts, dividendes, coupons) peuvent à nouveau opter pour les obligations. Nous nous attendons dès lors à ce que la demande en obligations d’entreprises de qualité reste forte.
Les obligations High Yield2 peuvent aussi être une option, à condition d’accepter un niveau de risque supérieur. Vous bénéficiez certes d’un rendement potentiellement supérieur, mais vous devez savoir que le segment High Yield est le premier à être touché en cas de tourmente économique (risque de défaut de paiement plus élevé). Pour le moment, nous conseillons d’éviter toute exposition à ce segment.

Actions : préférence pour l’Europe

Au cours des derniers mois, les actions européennes ont tiré leur épingle du jeu et nous pensons qu’elles surperformeront les autres régions du monde cette année. La menace de récession en Europe s’est fortement éloignée, en raison notamment de la réouverture de la Chine et de l’absence d’une crise énergétique majeure sur les ménages et les entreprises. En outre, les entreprises européennes ont enregistré au 4e trimestre 2022 des résultats meilleurs que prévu.

Pour les 12 prochains mois, nous anticipons encore un potentiel de progression des cours. Pour l’instant, les actions européennes ont de meilleurs atouts à faire valoir que les actions américaines. Citons l’importante exposition à l’Asie (exportations et réouverture de la Chine) ; la forte représentation des actions cycliques et de valeur ; les bénéfices résilients des entreprises ; et, last but not least, une valorisation relativement bon marché : malgré son évolution positive, l’indice STOXX Europe 600 se traite toujours à un ratio cours/bénéfice estimé à 12 mois de 12,3. Ce chiffre est inférieur de 8% à sa médiane à long terme et de 27% à celui du S&P 500. Il s’agit d’une décote considérable. D’autre part, le potentiel du S&P 500 est limité. Avec un ratio cours/bénéfice estimé à 12 mois de 17,6, le S&P 500 est non seulement beaucoup plus cher que son équivalent européen, mais il est aussi plus cher de 8% que sa propre médiane à 10 ans (situation au 20 mars).

Seul bémol pour les actions européennes : bien que les bénéfices des entreprises soient soutenus par la résilience de la croissance économique et par l’inflation élevée, ces deux tendances alimentent le risque de nouveau resserrement monétaire par la BCE. Un tel tour de vis pourrait provoquer un recul différé mais notable de la croissance économique et des bénéfices des entreprises à moyen terme

Quid des États-Unis et des pays émergents ?

Si nous considérons que le risque de récession en Europe est très ténu, nous anticipons toujours une récession modérée aux États-Unis. Nous nous attendons à une baisse des bénéfices des entreprises au cours des deux premiers trimestres 2023, avant une reprise durant la seconde moitié de l’année. Nous préférons les actions européennes aux actions américaines, mais nous restons attentifs aux opportunités qui pourraient se dessiner outre-Atlantique dans certains secteurs et thématiques.

Nos prévisions pour les marchés émergents sont nettement plus positives que pour les États-Unis. Ces dernières semaines, la reprise a été freinée par la révision du taux final de la Fed, par le renforcement du dollar et par les déboires de SVB. Nous continuons néanmoins à percevoir des opportunités d’investissement, surtout en Asie en raison de la réouverture de l’économie chinoise et de la dépréciation attendue du dollar à moyen terme. Malgré le surcroît de volatilité à court terme, le climat macroéconomique, qui est plus favorable que l’année dernière, devrait continuer à soutenir cette tendance.

Euro plus fort, dollar plus faible

Le risque de crise énergétique durant l’hiver dernier et les tensions engendrées par la guerre en Ukraine ont pesé sur le taux de change EUR/USD. À l’heure où le spectre d’une telle crise semble écarté et où le conflit ukrainien n’a pas encore pris une tournure définitive, ce contexte est favorable à une appréciation potentielle de l’euro. Le dollar semble avoir perdu provisoirement son statut de valeur refuge. Ajoutons-y le fait que la BCE pourrait encore relever ses taux directeurs. Ces différents éléments jouent en faveur de l’euro, et c’est la raison pour laquelle nous anticipons un taux de change EUR/USD de 1,10 sur un horizon de 12 mois.

Cœur-satellites : plus que jamais

L’économie doit ralentir pour que l’hydre de l’inflation batte en retraite. Les taux resteront élevés pendant quelque temps encore, de sorte que les meilleures opportunités se trouvent pour le moment dans le segment des obligations. À court terme, les actions sont davantage sous pression mais, en raison des faibles valorisations, des opportunités se dessinent également pour le moyen terme (certainement en Europe). En tout état de cause, nous recommandons de s’en tenir à l’approche cœur-satellites et de rester investi.

Intéressé par les obligations d'entreprises de qualité ?

Ou dans les marchés boursiers européens ?

Les produits d’investissements sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et l’investisseur peut ne pas récupérer le montant de son investissement. Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration, le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

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1 Les obligations Investment Grade sont des obligations d’entreprise à durée fixe, qui attribuent une rémunération à des échéances prédéfinies. À leur échéance, l’émetteur rembourse le principal (sauf en cas de faillite). Les obligations d’entreprise ‘Investment Grade’ bénéficient d’un solide bilan et d’une notation favorable (entre AAA et BBB-). Ce sont les obligations des entreprises les plus solvables.
2 Les obligations High Yield sont des obligations dont le rating est inférieur à BBB- chez Standard & Poor’s, ou équivalent chez Moody’s ou Fitch.

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