Marchés

La BCE monte au créneau pour contrer la hausse des taux obligataires

12 mars 2021 - Lu en 4 min 10

Rédigé par

David Ghezal
Investment Strategist

En résumé 

  • La BCE a annoncé une augmentation de ses achats d'actifs dans le cadre du PEPP au cours du prochain trimestre. 
  • Cette perspective a soutenu les marchés obligataires et les marchés boursiers ont également réagi de manière positive. 
  • La BCE considère la récente remontée des taux obligataires comme un risque pour les conditions de financement. Elle ne devrait pas modifier son arsenal anti-crise dans un avenir prévisible.

Que s’est-il passé ?

Bien que les marchés n’anticipaient pas des changements majeurs dans l'orientation générale de la politique monétaire de la BCE, ils attendaient cependant une déclaration claire concernant la récente augmentation des taux obligataires. Depuis la réunion de la BCE du mois de janvier, les rendements du Bund allemand à 10 ans ont augmenté de plus de 20 points de base et ont retrouvé leurs niveaux pré-pandémie. Contrairement à la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis, la hausse des rendements a incité certains responsables de la BCE à exprimer leurs inquiétudes quant à une menace potentielle pour la reprise économique de la zone euro.

Si les bons du Trésor US ont été au premier plan de la récente hausse des rendements, les Bunds allemands ont également suivi une tendance similaire, bien que dans une moindre mesure, même si la zone euro est à la traîne en termes de reprise économique. La recrudescence des infections au coronavirus et le taux de vaccination encore faible dans la région font qu’il est peu probable que la zone euro puisse rattraper rapidement les États-Unis en matière de réouverture de l’économie. A cet égard, la hausse des taux obligataires est considérée par plusieurs responsables de la BCE comme une menace supplémentaire pour les perspectives économiques de la région et comme un risque pour les conditions de financement au sens large.

En réponse à la hausse récente des taux obligataires, la BCE a annoncé que le programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) serait utilisé de manière plus flexible en fonction des conditions de marché et en vue de prévenir un resserrement des conditions de financement. La BCE a également indiqué qu'elle allait augmenter le rythme de ses achats dans le cadre du PEPP au cours du prochain trimestre par rapport aux premiers mois de l'année, ce qui constitue un signal accommodant sans ambiguïté.

Dans ses nouvelles projections macroéconomiques, la BCE prévoit désormais un taux de croissance un peu plus élevé en 2021 (+4,0 %), un taux un peu plus faible en 2022 (+4,1%) et un taux inchangé en 2023 (+2,1%). L’inflation annuelle devrait pour sa part s'établir à +1,5 % en 2021, à +1,2 % en 2022 et à +1,4 % en 2023, soit bien en-deçà de l'objectif de la BCE d’une inflation proche de, mais inférieure à 2 %.

Comment les marchés financiers ont-ils réagi ?

Le marché obligataire a profité de l'annonce d'un rythme plus élevé des achats d'actifs dans le cadre du PEPP au cours du trimestre à venir. Le rendement de l’emprunt d'État italien à 10 ans a ainsi baissé de plus de 7 points de base (0,60%) tandis que le rendement du Bund allemand à 10 ans s’est légèrement détendu de 2 points de base (-0,33%). La réaction a également été positive sur les marchés d'actions, l’indice Euro Stoxx 50 gagnant par exemple 0,7%. Sur le marché des changes, le taux de change EUR/USD est resté relativement stable à 1,194.

Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?

Une hausse des taux obligataires n'est pas nécessairement un mauvais signe pour le développement économique futur. Mais cette orientation haussière constitue une préoccupation pour la BCE parce que, contrairement aux États-Unis, la zone euro semble encore à quelques mois de contenir le coronavirus, et partant d’une reprise économique durable. Une hausse des taux obligataires pourrait freiner la reprise future en exerçant un impact négatif sur les conditions de financement. Comme la BCE doit également préserver les mécanismes de transmission de la politique monétaire vers un taux d'inflation stable conforme à son objectif, ces considérations auront motivé la décision du Conseil des gouverneurs d'augmenter le rythme des achats d’actifs au cours du prochain trimestre.

Selon nous, les rendements des emprunts d’Etat dans la zone euro devraient donc rester proches de leurs niveaux actuels et rester en retrait des développements aux États-Unis. En outre, les niveaux des spreads continueront à être soutenus par les achats d'actifs de la BCE et devraient rester faibles.

Lors de la conférence de presse, la présidente Lagarde a précisé l'approche de la BCE visant à garantir des conditions financières appropriées, qui inclut le suivi de divers indicateurs, allant des taux d’intérêt sans risque aux spreads de crédit et aux conditions du crédit bancaire - mais sans viser un contrôle de la courbe des taux. A ce titre, elle a fait valoir que l'augmentation annoncée du rythme des achats d'actifs contribuerait à préserver les conditions financières.

Les données récentes indiquent que le marché du travail de la zone euro a beaucoup mieux résisté qu’anticipé à la crise au cours des derniers mois, en partie grâce aux programmes de soutien des gouvernements. Toutefois, les capacités de production inutilisées sur le marché restent plus importantes qu'avant la pandémie. Par conséquent, la croissance des salaires et les pressions inflationnistes qui y sont associées devraient rester modérées même si l'activité économique se redresse dans le courant de l'année.

Les pressions inflationnistes resteront probablement contenues même si des pics temporaires dus à des effets de base, par exemple suite à la hausse des prix de l'énergie ou la fin de la réduction temporaire de la TVA en Allemagne, se produiront probablement cette année. La BCE n’exclut pas que l’inflation puisse momentanément atteindre 2% en 2021 mais ses faibles projections d'inflation reflètent cependant ces considérations. Dans ce contexte, la BCE maintiendra par conséquent sa politique monétaire très accommodante et les taux obligataires devraient rester bas.

Votre portefeuille est-il toujours adapté à la situation économique ?


Appelez nos experts de Talk & Invest au 078 156 157.

Prenez rendez-vous dans votre Financial Center au 078 155 150.

×