Interview de Klaus Kaldermorgen, gestionnaire chez DWS Investment S.A.
L’année 2022 a été pour le moins mouvementée. Comment gérez-vous la pression des investisseurs en quête de rendement, même en ces temps difficiles ?
“Voilà près de quatre décennies que je gère des actifs pour le compte de clients particuliers et institutionnels. Au cours de ces 40 ans, j’ai traversé beaucoup de crises, comme le Black Monday de 1987, la bulle technologique et la crise financière. L’année 2022 a aussi été volatile et émaillée de plusieurs évolutions complexes. Au cours de cette période turbulente, nous avons fait de notre mieux pour fournir une performance et pour protéger les actifs de nos clients. Avec succès, j’ose le dire. Et comme ce résultat a été réalisé avec une équipe soudée, je n’ai pas eu d’insomnies cette année”, sourit Klaus Kaldemorgen.
Inflation, hausse des taux, tensions géopolitiques... Les investisseurs sont confrontés à de nombreux risques. Est-il judicieux pour eux d’investir leur argent ?
“Sans le moindre doute. Il reste essentiel d’investir pour, à terme, préserver votre capital réel et le faire fructifier. À nos yeux, les actions restent le meilleur moyen de battre l’inflation sur le long terme. En fin de compte, une entreprise est un véritable actif, qui génère des revenus financiers et est capable de s’adapter aux changements et fluctuations (des prix). Encore faut-il pouvoir faire la différence entre les entreprises d’avenir et les autres. Certaines sociétés ont davantage de difficultés à répercuter l’augmentation des coûts. Voilà pourquoi, désormais, la judicieuse sélection des actions sera encore plus importante qu’avant”, précise-t-il. “Il en va de même pour les tensions géopolitiques. Les entreprises fortes ont montré à quel point elles s’adaptent rapidement.”
Selon vous, comment l’inflation va-t-elle évoluer et quelles en seront les conséquences pour les entreprises que vous suivez ?
“En matière d’actions, il est essentiel de diversifier. À première vue, une période prolongée de forte inflation peut être bénéfique à des secteurs tels que l’énergie, la métallurgie et l’extraction minière. De nombreux investisseurs ont tendance à considérer que ces secteurs offrent une forme de protection contre l’inflation. Nous estimons que cette hypothèse est plutôt hasardeuse, certainement tant que le contexte macroéconomique se détériore. Pour trouver le bon équilibre dans le segment des actions, nous cherchons à balancer judicieusement les trois clusters que sont la stabilité, la croissance et les cycliques. Pour l’instant, notre préférence va au cluster ‘stabilité’. Il s’agit essentiellement de sociétés défensives proposant d’intéressants rendements via dividende, actives notamment dans le pharmaceutique ou les télécommunications.”
“La valorisation du cluster ‘Croissance’ est sous pression en raison de l’augmentation des taux obligataires. Bien que de nombreuses actions de croissance, par exemple dans l’économie digitale, soient également exposées à des éléments cycliques, nous pensons que les perspectives de ces actions sont appelées à s’améliorer, dès lors que l’inflation ralentit et que les marchés s’attendent à ce que la Réserve fédérale (Fed) cesse d’appuyer sur l’accélérateur durant le premier trimestre 2023. Dans ce sens, nous pensons que les actions de croissance doivent continuer à constituer un compartiment important d’un portefeuille d’actions équilibré.”
“Pour le moment, nous sommes très circonspects avec les cycliques. Même si nous sommes positifs par rapport au secteur financier – qui devrait continuer à profiter des taux élevés – nous sommes plus sceptiques par rapport à d’autres secteurs, tels que l’énergie et les matières premières.”
Comment avez-vous réagi aux baisses boursières et à l’augmentation des taux ?
“Notre approche du marché des actions s’était déjà faite plus prudente à la fin 2021. Nous avons non seulement réduit notre exposition aux actions, mais nous avons en outre davantage opté pour les défensives. Cette approche nous a permis d’amortir une partie du recul durant l’année 2022.”
“Plus importante est notre vision des actifs à taux fixe. Nous avons non seulement réduit les risques de sensibilité aux taux, mais nous les avons même complètement éliminés. Durant presque toute l’année 2022, notre stratégie obligataire a consisté à appliquer une sensibilité négative aux taux, afin de pouvoir profiter d’éventuelles hausses des taux. Nous avons récemment ajusté cette stratégie en optant très sélectivement pour des obligations de sociétés affichant un robuste bilan. L’augmentation des rendements des actifs à taux fixe commence à en faire une alternative raisonnable aux actions.”
Europe, États-Unis ou pays émergents : où investir ?
“Nous ne raisonnons pas tant en termes de régions que d’implantation géographique réelle de chaque entreprise. La plupart des sociétés dans lesquelles nous investissons sont actives dans le monde entier, et certaines d’entre elles tirent plus de 50% de leurs revenus de marchés émergents”, poursuit Klaus Kaldemorgen. “Pour notre part, nous réfléchissons plus en termes de clusters : défensives, croissance, cycliques. Le segment ‘croissance’ de l’économie digitale est dominé par les entreprises américaines, tandis que l’Europe abrite plutôt les sociétés défensives, qui attribuent des dividendes stables et substantiels.”
Les devises étrangères offrent-elles des opportunités ?
“Pour les investisseurs européens en USD, l’année 2022 a été très rentable. Nous avons anticipé assez tôt cette tendance en accroissant dès 2021 notre exposition au dollar US. Compte tenu des excellentes performances récentes, nous estimons toutefois que la marge de progression est désormais réduite à sa plus simple expression.”
Qu’en est-il de l’or et de l’augmentation des taux ?
“Pour nous, l’or fait office de devise alternative. Dans ce rôle, il a parfaitement rempli sa mission en 2022. Tandis que le cours de l’or en USD fléchissait, les investisseurs en euros ont bénéficié d’une augmentation de valeur. Bien que l’or ne protège généralement pas de l’inflation à très court terme, l’évolution de son cours est historiquement parallèle à l’inflation à moyen et long terme. À nos yeux, l’or fait aussi office de protection contre les risques géopolitiques, ainsi que d’actif de diversification en période de stress. Cet avantage potentiel compense le coût d’opportunité d’un tel investissement, qui ne génère aucun revenu”, fait valoir Klaus Kaldemorgen. “Depuis quelques années, on entend souvent dire que les cryptomonnaies pourraient servir d’amortisseur en période de stress. Ce ne fut pas le cas en 2022, car l’or s’est beaucoup mieux comporté.”
Le timing est-il important ? Faut-il investir maintenant
“À notre avis, la flexibilité est beau coup plus importante que le timing. Lorsque nous décelons des opportunités sur les marchés, nous devons pouvoir effectuer des ajustements substantiels. C’est vrai pour toutes les classes d’actifs, mais aussi à l’intérieur de chaque classe. Cette approche a prouvé son efficacité au fil des ans, et également en 2022. Pour un investisseur particulier, je ne dérogerais pas à la règle selon laquelle le temps est plus important que le timing. Si vous disposez d’un bon cœur de portefeuille, adapté à votre horizon de placement personnel, vous devriez pouvoir dormir l’esprit tranquille.”
Et votre argent, qu’en faites-vous ?
“J’investis dans un mix équilibré d’actions et d’obligations. J’ai une préférence pour les entreprises qui distribuent un dividende stable et attrayant, ainsi que pour les obligations d’entreprises à bon rendement, ce qui n’a pas été simple à trouver ces dernières années. Par ailleurs, je pense qu’il est important de se prémunir contre les risques (géopolitiques). Voilà pourquoi j’ai l’intention de continuer à répartir mes actifs entre les euros et les dollars US. Mon approche personnelle est d’ailleurs très similaire à la stratégie que j’applique à ma gestion professionnelle.”
À quoi ressemblera le monde dans 10 ou 20 ans ?
“Je crois que le changement climatique fera pleinement sentir ses effets. Les tensions géopolitiques devraient s’intensifier, tout comme la lutte pour les matières premières. Ces évolutions devraient déboucher sur des changements globaux dans la richesse publique et privée. Le coût réel des énergies alternatives augmentera, ce qui réduira le pouvoir d’achat des consommateurs. Outre les coûts directs auxquels nous sommes confrontés dans le monde occidental, une autre évolution cruciale résultera du changement climatique : la pénurie en eau. Cette pénurie devrait provoquer un surcroît de migration. Les États, les entreprises et les particuliers devront s’adapter à ces nouveaux défis, qui auront inévitablement des conséquences pour les marchés.”
Un dernier conseil ?
“Soyez prudents, mais ayez confiance. De nombreuses crises se sont succédé au cours des dernières décennies. L’avenir apportera d’autres défis, engendrés notamment par le changement climatique. Les entreprises des pays libres ont cependant déjà largement prouvé leur capacité à relever les défis, à ajuster leur business et à trouver de nouvelles solutions. Leurs idées doivent être financées, d’où des opportunités d’investissement. En synthèse, restez ouvert au changement, gardez confiance dans l’avenir et restez constructif.”
Le présent article a été rédigé par Deutsche Bank AG Succursale de Bruxelles et est cofinancé par le gestionnaire de fonds DWS Investment S.A. Les opinions formulées dans cet article (et en particulier les citations entre guillemets) appartiennent à l’auteur et non au groupe Deutsche Bank ni à Deutsche Bank AG Succursale de Bruxelles. Les produits d’investissements sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et l’investisseur peut ne pas récupérer le montant de son investissement. Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.
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