Rédigé par
David Ghezal
Investment Strategist
Le redressement économique qui a caractérisé 2021 devrait se poursuivre en 2022 : nous prévoyons une croissance mondiale de 4,5% après un pic à 5,6% en 2021. Le moteur continuera de tourner à haut régime grâce à un taux de vaccination en progression (même s’il reste disparate), une plus grande propension à consommer (étant donné l’épargne accumulée par les ménages) et les mesures de soutien des États et des banques centrales.
Voilà pour les points positifs. Car tous les risques n’ont pas disparu : résurgence des contaminations au Covid et nouveaux variants, perturbations des chaînes d’approvisionnement, hausse du prix de l’énergie et inflation plus élevée que prévu. Cette dernière évolution est de nature à provoquer un resserrement accéléré de la politique monétaire, surtout aux États-Unis. La crainte d’une stagflation (forte inflation et faible croissance) est cependant exagérée. À ce stade, le risque de surchauffe économique nous semble supérieur au risque de stagflation.
Les derniers chiffres économiques ont été meilleurs que prévu et augurent d’une croissance robuste au 4e trimestre, après un 3e trimestre pénalisé par le variant delta. Pour l’ensemble de l’année 2021, nous anticipons une croissance de 5,6% pour les États-Unis.
En 2022, la croissance devrait être moins tonique. Après deux années de mesures de relance exceptionnelles (qui ont creusé le déficit budgétaire autour de 15% du PIB), l’impulsion budgétaire va logiquement s’atténuer. Les plans d’investissements voulus par l’administration Biden ont aussi été édulcorés par le Congrès, comme le plan pour les infrastructures. Quant à la perturbation des chaînes d’approvisionnement, elle continuera à mettre des bâtons dans les roues de l’économie pendant au moins six mois. Malgré ces divers écueils, nous nous attendons à une croissance robuste de 4% en 2022.
La consommation des ménages devrait continuer à être le principal moteur de la croissance. Leur situation financière est favorable : durant la crise, l’épargne des ménages américains a augmenté de 2.500 milliards de dollars. L’embellie prévue sur le marché de l’emploi – toujours environ 4 millions d’emplois en moins qu’avant la crise sanitaire – et l’augmentation des salaires devraient soutenir la demande.
L’inflation reste la plus grande menace qui plane sur la reprise aux USA. Plus longtemps elle surpasse les attentes, plus elle risque de provoquer un resserrement accéléré de la politique monétaire. La Réserve fédérale (Fed) pourrait ainsi mettre fin à son programme d’achats d’obligations en mars et relever ses taux directeurs à trois reprises l'an prochain. Ces décisions ne peuvent toutefois pas être prises dans la précipitation, car l’emploi n’a pas encore atteint le niveau souhaité.
Les perspectives pour la zone euro restent favorables. Après un net regain d’activité économique au 3e trimestre, les restrictions liées au Covid et les problèmes d’approvisionnement devraient freiner la croissance à court terme. La zone euro a toutefois encore un retard à combler en matière de réouverture des économies, la demande intérieure reste résiliente et les mesures de soutien budgétaires de l’Union européenne – qui complètent les incitants nationaux – vont monter en puissance en 2022. En ce sens, la reprise n’a pas été annulée, mais plutôt postposée.
Dans ce contexte, la zone euro pourrait se retrouver dans la situation inédite de croître plus rapidement (4,6%) que les États-Unis l’an prochain. Tout indique que l’Allemagne passera à la vitesse supérieure dès que les problèmes qui affectent l’industrie seront résolus. Les pays du sud de l’Europe devraient soutenir la comparaison, notamment grâce au plan de relance ‘Next Generation EU’, dont ils sont les principaux bénéficiaires. Pour l’Europe, ces prêts et ces subventions sont aussi l’opportunité de réaliser les investissements nécessaires afin d’augmenter sa croissance potentielle.
Bien que la Banque centrale européenne (BCE) ait revu à la hausse ses prévisions d’inflation, elle ne s’attend pas à une augmentation durable de celle-ci au-delà de l’objectif de 2%. Le recalibrage des programmes d’achats d’actifs sera certes synonyme de diminution des stimulants monétaires en 2022, mais aucun relèvement des taux directeurs ne devrait avoir lieu l’an prochain. En conséquence, la politique monétaire de la BCE restera encore très souple.
Au Japon, la reprise a été ralentie par plusieurs vagues de contaminations et par l’instauration de l’état d’urgence à de multiples reprises. Comme aux États-Unis et en Europe, les problèmes d’approvisionnement ont pesé sur le secteur clé de l’automobile. La conjoncture devrait toutefois progressivement s’améliorer, à mesure que la situation sanitaire se rétablit. On s’attend à ce que le secteur des services résorbe son retard et que les exportations profitent de la reprise mondiale et de la faiblesse du yen.
Le nouveau gouvernement de Fumio Kishida a récemment annoncé une enveloppe budgétaire de 490 milliards de dollars pour dynamiser la reprise économique. Ce plan de relance – qui équivaut à 10% du PIB nippon – doit encore faire la preuve de son efficacité, mais on s’attend en tout état de cause à ce que la croissance l’an prochain soit supérieure à son niveau de 2021.
L’offensive réglementaire a laissé des traces sur l’activité économique en Chine. La croissance a aussi été freinée par de fréquentes coupures d’électricité et par la hausse des prix de l’énergie. Le gouvernement chinois a résolument mis le cap sur la ‘prospérité commune’ dans le but d’accroître les revenus des ménages et de tendre vers une société plus égalitaire. Les douloureuses réformes en ce sens, qui sont nécessaires à court terme, doivent jeter les bases d’une croissance plus saine et plus équilibrée, ce qui bénéficiera à long terme à l’ensemble de l’économie.
Le marché immobilier chinois, qui représente au total environ 30% du PIB, est un des grands secteurs visés par les autorités. Le désendettement dans ce secteur constitue un sérieux frein à la croissance, mais il offre par ailleurs une opportunité d’accélérer la transition vers une économie de services.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement chinois possède suffisamment de leviers dans sa boîte à outils pour soutenir la croissance durant l’Année du Tigre. Plusieurs signes indiquent un assouplissement de la politique de la banque centrale chinoise (baisse du taux de réserves obligatoires, nouvelle facilité de crédit pour les projets verts) et le soutien des mesures budgétaires et monétaires devrait être plus visible dès le début de l’année prochaine. Nous prévoyons une croissance chinoise de 7,7% pour 2021 et de 5,3% en 2022.
En Inde, la situation sanitaire s’est considérablement améliorée, tant en termes de contaminations que de taux de vaccination. Nous anticipons dès lors un mouvement de rattrapage de la consommation privée et des investissements des entreprises. La demande extérieure est également soutenue : les exportations dépassent de 25% leur niveau pré-Covid. Enfin, des réformes ont aussi été annoncées pour stimuler les investissements étrangers. Les risques d’inflation subsistent, mais la banque centrale n’entend resserrer que graduellement sa politique monétaire. La croissance économique, estimée à plus de 9% pour 2021, devrait être suivie d’une expansion de 7,5% en 2022, soit une progression largement supérieure à celle de la Chine.
En Amérique latine, la situation – qui a été jusqu’à présent moins mauvaise que redouté – risque de s’inverser l’an prochain en raison des faiblesses structurelles de ce continent. Au Brésil – la plus grande économie de la région – l’économie a repris de la vigueur à la faveur de mesures budgétaires intensives. Mais les vents contraires sont nombreux : augmentation de l’extrême pauvreté, dérapage de l’inflation, taux d’intérêt en très forte hausse (de 2% à 9,25% en 2021, sans que la fin de cette hausse soit déjà en vue), déclin des investissements, explosion des dépenses publiques et interminable vaudeville politique. Bref, il y a suffisamment d’ingrédients pour justifier des prévisions peu positives. Nous anticipons une croissance de 1,5% seulement en 2022, ce qui est beaucoup trop faible pour un pays émergent de
ce calibre.
Prévisions de croissance pour 2021 – 2022 (PIB réel, %)
2021 | 2022 | |
---|---|---|
Monde | 5,6 (-0,2)¹ |
4,5 |
États-Unis | 5,6 (-0,6) |
4,0 (-0,7) |
Zone euro |
5,0 (+0,5) |
4,6 |
Allemagne |
3,0 | 4,8 (+0,3) |
Italie |
6,2 (+0,2) | 4,7 |
Royaume-Uni | 6,8 | 4,5 (-0,8) |
Japon |
1,9 | 2,9 (+0,3) |
Chine |
7,7 (-0,5) | 5,3 (-0,3) |
Inde |
9,3 | 7,5 (+1,0) |
Brésil |
5,1 (-0,2) | 1,5 (-0,5) |
Russie |
4,3 (+0,5) | 2,5 |
Source : Deutsche Bank Wealth Management, novembre 2021
1 Entre parenthèses, les modifications à la hausse et à la baisse par rapport à septembre 2021.
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