- Les nouvelles dispositions législatives, qui prévoient des réductions d’impôts immédiates et des réductions de dépenses différées, devraient stimuler l’économie américaine à court terme. Toutefois, cet effet positif sera probablement en partie contrebalancé par les conséquences négatives de la hausse des droits de douane à l’importation.
- Bien que la loi permette d’augmenter immédiatement la capacité d’emprunt en relevant le plafond de la dette fédérale de 5.000 milliards de dollars, elle accentue les préoccupations budgétaires à long terme, le ratio dette/PIB étant désormais attendu à au moins 124% d’ici dix ans.
- Les marchés obligataires avaient déjà intégré un risque accru sur le financement à long terme. Malgré un certain soulagement observé récemment, nous déconseillons tout excès d’optimisme et réaffirmons notre position actuelle prudente sur une duration trop longue.
Que s’est-il passé ?
Le 4 juillet, le président américain Donald Trump a promulgué la loi baptisée « One Big Beautiful Bill Act » (OBBBA), à la suite de l’adoption, par les républicains de la Chambre des représentants, de la version votée au Sénat du projet de loi portant sur des baisses d’impôts et des réductions de dépenses de plusieurs milliers de milliards de dollars. Le vote final s’est soldé par 219 voix contre 214 –un résultat relativement confortable, compte tenu des scrutins très serrés des dernières semaines. Bien que cette loi accorde une capacité d’emprunt immédiate et instaure d’importantes réductions fiscales ainsi que des réallocations de dépenses, elle entraîne aussi une forte accélération de la croissance de la dette fédérale américaine, suscitant de vives inquiétudes sur le plan budgétaire à long terme.
L’OBBBA prolonge de manière permanente plusieurs dispositions clés de la Tax Cuts and Job Act (TCJA) de 2017, mises en place sous la présidence de Trump, qui devaient expirer fin 2025. Cette législation réduira les recettes fiscales fédérales projetées de 4.500 milliards de dollars sur les dix prochaines années. Elle introduit également de nouveaux avantages, tels que l’exonération fiscale des pourboires et des heures supplémentaires jusqu’à 25.000 dollars pour certains travailleurs (jusqu’en 2028), une déduction des intérêts d’emprunt automobile pouvant aller jusqu’à 10.000 dollars, ainsi qu’un relèvement progressif du plafond de déduction des impôts locaux et d’État (SALT deduction) de 10.000 dollars à 40.000 dollars à partir de 2025, avec une suppression complète d’ici 2030 pour les contribuables dont le revenu annuel dépasse 500.000 dollars.
Cette baisse de recettes sera partiellement compensée par des coupes budgétaires totalisant 1.400 milliards de dollars sur dix ans, notamment via des ajustements aux programmes Medicaid, aux prêts étudiants fédéraux et au programme d’aide alimentaire (Supplemental Nutrition Assistance Program, SNAP ou encore Food Stamps).
Enfin, l’OBBBA relève le plafond de la dette fédérale, auparavant fixé à 36.100 milliards de dollars, de 5.000 milliards de dollars, ce qui permet de prolonger la capacité d’emprunt jusqu’en 2027 voire au-delà (en fonction du rythme de croissance de la dette).
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?
Selon le Bureau du budget du Congrès (Congressional Budget Office ou CBO), l’OBBBA augmentera la dette fédérale de 3.400 milliards de dollars entre 2025 et 2034. De plus, le coût des intérêts supplémentaires devrait contribuer à hauteur d’environ 700 milliards de dollars sur les dix prochaines années, portant ainsi le coût total de la législation à 4.100 milliards de dollars.
Si certaines dispositions fiscales temporaires étaient prolongées sans mesures compensatoires, le coût de la loi pourrait encore croître. Si ces dispositions étaient rendues permanentes, le coût sur dix ans de l’OBBBA atteindrait 5.500 milliards de dollars. La dette fédérale détenue par le public devrait doubler au cours de la prochaine décennie, passant de 28.200 milliards de dollars (98% du PIB) en 2024 à 56.100 milliards de dollars (124% du PIB) en 2034, contre une estimation pré-OBBBA de 52.000 milliards de dollars (117% du PIB). Ce ratio pourrait grimper à 129% si la loi est rendue permanente, et même à 133% si les taux d’intérêt restent élevés.
L’augmentation des droits de douane pèsera sur le coup de pouce économique
À court terme, les réductions d’impôts immédiates et les réductions de dépenses différées devraient stimuler l’économie américaine. Les entreprises bénéficieront rapidement des baisses d’impôts sur les sociétés, notamment grâce à la rétroactivité partielle. Les réductions d’impôts pour les ménages devraient se matérialiser principalement au printemps prochain, pendant la période des remboursements fiscaux, dont profiteront probablement la plupart des consommateurs américains, bien que les modifications des prêts étudiants et du programme SNAP puissent limiter cet effet pour certains. Toutefois, d’un point de vue macroéconomique, ce soutien pourrait être au moins partiellement neutralisé par la hausse des droits de douane à l’importation.
D’un point de vue sectoriel, les dépenses supplémentaires en défense et en sécurité frontalière devraient soutenir à court terme les sous-traitants et fournisseurs concernés, tels que les entreprises industrielles ou celles avec une dépense importante en Recherche & Développement. Cependant, cet effet semble déjà largement intégré dans les valorisations actuelles. À l’inverse, les coupes budgétaires dans la santé et les énergies renouvelables devraient pénaliser ces secteurs, avec des effets de contagion possibles sur l’économie au sens large.
Impact sur le marché obligataire
L’OBBBA a déjà eu un impact sur le marché obligataire américain, en exerçant une pression haussière sur les taux des Treasuries (obligations d’État américaines) à long terme. Ce mois-ci, les rendements des Treasuries à 10 ans ont progressé de 17 points de base, passant de 4,23% à près de 4,40% au 8 juillet. Une tendance similaire a été observée sur les Treasuries à 30 ans, dont le rendement est passé de 4,76% à 4,92% sur la même période.
L’émission d’obligations d’État américaines à 10 ans du 8 juillet dernier a suscité une forte demande, entraînant une baisse du rendement après cinq journées consécutives de hausse. L’attention s’est ensuite portée, le 9 juillet, sur les nouvelles obligations à 30 ans. Ces rendements évoluant dans la même direction que ceux à 10 ans.
Les préoccupations sous-jacentes persistent
Malgré le repli récent sur la partie longue de la courbe des taux, nous appelons à la prudence et déconseillons tout excès d’optimisme puisque les inquiétudes fondamentales demeurent. Au-delà des anticipations d’inflation élevées, la hausse des rendements à long terme reflète une prime de risque accrue sur la dette, les investisseurs exigeant une rémunération plus importante face à l’augmentation des déficits et du ratio d’endettement.
Par ailleurs, la partie à long terme pourrait subir une pression accrue au début du quatrième trimestre. À la suite de la hausse du plafond de la dette fédérale permise par l’OBBBA, le Trésor américain peut désormais reconstituer le Treasury General Account (TGA). Cette opération augmentera temporairement l’offre de titres de dette à court terme. Mardi, le Trésor a annoncé viser un solde du TGA de 500 milliards de dollars d’ici fin juillet, contre 360 milliards de dollars actuellement. Il prévoit d’atteindre un objectif de 800-850 milliards de dollars d’ici septembre, soit un niveau similaire à celui de février 2025, lorsque le précédent plafond de dette de 36.100 milliards de dollars avait été atteint et que le Trésor avait commencé à financer les dépenses via le TGA et des mesures extraordinaires.
Conclusion
Tant que le Trésor privilégiera l’émission de dette à court terme pour reconstituer le TGA, cette stratégie pourrait contenir les rendements sur la partie longue. Toutefois, une fois le TGA réapprovisionné, la dynamique pourrait s’inverser et entraîner une augmentation des émissions à long terme, provoquant une pentification de la courbe des taux via une hausse des taux longs (bear steepening). Ce scénario renforcerait ainsi notre approche prudente sur les obligations à long terme.
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