Rédigé par
Wim D'Haese & David Ghezal
Head Investment Strategist - Investment Strategist
En résumé :
Nous prévoyons une croissance soutenue de l'économie mondiale en 2021. En outre, les marchés ont anticipé une remontée de l’inflation au cours de ces derniers mois. Les taux d'intérêt à long terme ont déjà augmenté dans plusieurs économies. Il semblerait donc a priori que l’on revienne tout doucement à une certaine «normalité».
Le hic, c’est que si la croissance économique et l'inflation repartent à la hausse, personne ne s'attend à un retour rapide des taux d'intérêt d’antan. Dans une perspective historique, les taux d'intérêt sont encore au plus bas aujourd'hui. Cela ne semble pas devoir changer dans l'immédiat : les grandes banques centrales continuent d'insister sur le fait qu'elles maintiendront les taux directeurs à un niveau bas pendant longtemps encore, tant que les hausses de l’inflation demeurent temporaires et que l'inflation ne dérape pas.
Les faibles taux d'intérêt ne sont pas seulement la résultante de la pandémie de coronavirus. La crise sanitaire n'a fait qu'accélérer une tendance préexistante. En réalité, la répression financière remonte à 2008. Au lendemain de la crise financière, les banques centrales ont abaissé leurs taux directeurs et/ou acheté des obligations pour stimuler l'économie. Plus de dix ans après, ces mesures « temporaires » de l'époque sont toujours en vigueur.
Les banques centrales et la faiblesse persistante de la croissance économique n'ont pas été les seuls responsables de cette situation au cours de la dernière décennie. D’autres facteurs jouent également un rôle et continueront à le faire. Prenons, par exemple, l'évolution démographique : les gens vivent plus longtemps et le pourcentage de la population active diminue dans plusieurs économies (Europe, Japon, Corée du Sud et aussi Chine). Cela renforce le phénomène de stagnation (croissance molle), qui engendre à son tour des taux d'intérêt bas, nécessaires pour fournir de l’oxygène à l'économie.
Si la répression financière contribue à la stabilité économique (le remboursement des dettes devient plus supportable), elle ne garantit pas la stabilité des marchés financiers. En effet, elle a une incidence considérable sur le prix des actifs, qu'il s'agisse des biens immobiliers, des obligations ou des actions.
C’est une question qui concerne tous les épargnants et tous les investisseurs. Les faibles rendements des comptes d'épargne et des obligations d'État sûres peuvent, par exemple, encourager les investisseurs inexpérimentés à prendre davantage de risques qu'ils ne le souhaitent. Et les petits mouvements du marché peuvent entraîner une plus grande volatilité dans un tel environnement.
La menace d'instabilité sur les marchés est également exacerbée par le fait que la faiblesse des taux d'intérêt a encore fait grimper la montagne de dette des gouvernements, des entreprises et des particuliers. Les niveaux d’endettement de nombreux pays industrialisés ont déjà dépassé 100% de leur PIB (Produit Intérieur Brut).
Vu la faiblesse des taux d'intérêt, certaines entreprises non rentables parviennent à survivre grâce aux faibles coûts de financement. Ces «entreprises zombies», comme on les appelle, peuvent ralentir le processus de « destruction créatrice » et, partant, les changements économiques et le progrès technologique nécessaires. Nous sommes actuellement dans une impasse. D'une part, il n’est pas souhaitable de maintenir en vie ces entreprises zombies, mais d'autre part, si le robinet des liquidités bon marché se ferme, nous risquons potentiellement un séisme économique.
Une troisième épine dans le pied vient s’ajouter au taux d'endettement croissant et au phénomène des entreprises zombies : la perte de pouvoir d'achat. La dévaluation graduelle de l'argent et la perte de pouvoir d'achat due aux taux d'intérêt réels négatifs rongent les patrimoines. Cela conduit les épargnants et les investisseurs à faire un difficile ‘grand écart’. En effet, ne rien faire en tant qu'épargnant et investisseur comporte aujourd’hui des risques (de dilution du patrimoine), tandis que passer à l’action en tant qu'épargnant et investisseur comporte aujourd’hui tout autant de risques.
Sans changements majeurs, la croissance risque de rester faible. Et pour plaire aux électeurs, les gouvernements éviteront les mesures d’austérité. Par conséquent, les niveaux d'endettement resteront (dans le meilleur des cas) plus ou moins constants, mais il est plus probable qu'ils continueront à augmenter. Les banques centrales devront donc maintenir des taux d'intérêt bas.
Dans ce scénario, les autorités mettent en œuvre des réformes structurelles et favorables à la croissance (par exemple, l'augmentation de l'âge de la retraite) et poursuivent une discipline budgétaire (réduction des dépenses publiques et/ou augmentation des impôts). Cette solution peut toutefois s’avérer impopulaire pour les responsables politiques. Mais une reprise de la croissance, associée à un contrôle budgétaire, devrait réduire le taux d'endettement et entraîner une hausse des taux d'intérêt et la fin de la répression financière.
L'objectif de taux d'intérêt bas consiste, entre autres, à créer de l'inflation. La hausse de l’inflation accroît le PIB nominal alors que le niveau de la dette nominale reste le même. Ici, la répression financière crée un transfert de valeur du créancier vers le débiteur en termes réels.
Actuellement, les pressions inflationnistes semblent modérées. À moyen terme, elles pourraient néanmoins augmenter et la répression financière pourrait même s'intensifier si les taux d'intérêt ne suivent pas. Les banques centrales n’auront alors d’autre choix, pour lutter contre une inflation trop élevée, que de relever les taux d'intérêt.
La hausse de l'inflation conjuguée à la hausse des taux d'intérêt peut mener à une situation précaire. La hausse des taux d'intérêt peut freiner l'activité économique car le refinancement devient plus coûteux et les investissements doivent générer des rendements plus élevés. Une inflation élevée peut également entraîner une hausse des salaires, créant ainsi une spirale inflationniste débouchant, au final, sur la stagflation : stagnation de la production et forte inflation.
La politique monétaire accommodante se poursuivra en 2021 et sans doute aussi les années suivantes. La répression financière rend la préservation du patrimoine encore plus difficile. Les obligations de qualité ne fournissent plus de rendements nominaux significatifs (dans de nombreux cas, ils sont même négatifs). Et malgré la récente hausse des taux d’intérêt nominaux aux États-Unis, les taux d’intérêt réels sont toujours négatifs. Il est plus difficile que jamais d'obtenir des rendements supérieurs à l'inflation, en particulier pour les investisseurs en obligations de la zone euro.
Une hausse des taux d'intérêt réels pourrait être stimulée par une hausse des taux d'intérêt nominaux (en supposant que l'inflation n'augmente pas), et une hausse des taux d'intérêt nominaux va de pair avec une baisse des cours des obligations. À l'inverse, si la hausse des taux d'intérêt réels est le résultat d'une baisse de l'inflation, les banques centrales feront tout ce qu'il faut pour combattre ce qu'elles considèrent comme une inflation dangereusement basse, en diminuant encore plus les taux d'intérêt pour encourager la croissance économique. La répression financière est donc susceptible de se poursuivre. Aujourd'hui, les investisseurs obligataires n'ont d'autre choix que de prendre plus de risques pour augmenter leur rendement potentiel. Cela rend le rendement moins prévisible, mais aussi sensible à la volatilité.
Une réaction qui peut paraître évidente serait d'allouer une plus grande partie de vos investissements aux actions.
Les faibles taux d'intérêt ont surtout dopé les actions, et les actions de croissance en particulier. Les «actions de croissance» sont des actions qui sont censées croître plus rapidement que la moyenne du marché. Lorsque les bénéfices futurs de ces entreprises sont escomptés à un taux d'intérêt plus bas, leur valeur actuelle augmente, ce qui les rend plus attrayantes. La répression financière a ainsi entraîné des changements sur les marchés boursiers, les valorisations de certains secteurs ayant augmenté davantage que d'autres.
Pour les actions, la situation deviendrait complexe en cas de hausse des taux d'intérêt réels, mais d'une manière différente de celle des obligations. Les taux d'intérêt réels et les prix des actions montrent généralement une corrélation positive. Lorsque les taux d'intérêt réels augmentent, les cours des actions ont tendance à leur emboîter le pas : une hausse des taux d'intérêt réels est associée à de meilleures perspectives de croissance, ce qui entraîne une hausse des cours des actions. Des mouvements rapides des taux d'intérêt réels peuvent cependant déboucher sur une corrélation négative. Ceci étant, cette corrélation négative est généralement de courte durée. Une hausse des taux d'intérêt réels pourrait entraîner une rotation des actions de croissance vers les actions de valeur, car les investisseurs seraient contraints d’actualiser les bénéfices futurs à des taux plus élevés, réduisant ainsi l'attrait des actions de croissance.
La répression financière requiert un changement de paradigme concernant l’allocation d’actifs.
L’absence de possibilités de rendements réels positifs sur les obligations contraint les investisseurs à prendre plus de risques. Cela porte les valorisations des actions à de nouveaux sommets, ce qui peut être problématique, en particulier pour les investisseurs en actions moins enclins au risque.
Mais, pour obtenir un rendement raisonnable, il peut être nécessaire d'accroître l'exposition aux actions et/ou d'opter pour des investissements plus risqués en obligations. Cette situation peut s’avérer inconfortable pour tout investisseur, car les revirements de situation peuvent être inattendus et rapides. Compte tenu de la répression financière, une diversification élargie et une gestion des risques solide dans les portefeuilles revêtent donc plus que jamais toute leur importance.
Pour atteindre cette gestion robuste, le portefeuille peut être construit autour d'un cœur solide basé sur une allocation stratégique des actifs. En outre, il est également possible d'utiliser des techniques de couverture pour limiter le risque d'une plus grande exposition aux actions.
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