Est-ce le bon moment pour cadenasser des rendements plus élevés sur une période plus longue ?

Marchés et investissements - 24 octobre 2023

Est-ce le bon moment pour cadenasser des rendements plus élevés sur une période plus longue ?

En résumé

  • L'histoire suggère que les cycles d'inflation peuvent durer plus longtemps que les marchés ne l'avaient initialement prévu.
  • Comme aucune autre hausse de taux des banques centrales n’est attendue, les rendements obligataires actuels offrent des opportunités d'investissement intéressantes.
  • Dans le contexte de marché actuel, nous recommandons de mettre l’accent sur la qualité et continuons à privilégier les obligations d’entreprises Investment Grade .

Introduction

2022 a marqué la fin du plus long marché haussier obligataire de l'histoire, qui a duré quarante ans. Le relèvement des taux directeurs par la Réserve fédérale (Fed) en réponse à l’envolée de l'inflation fut le déclencheur de la baisse des cours des obligations. Ce mouvement s'est accompagné d'une réduction du bilan de la banque centrale, d'une augmentation du déficit budgétaire aux États-Unis et d'une hausse des coûts de couverture pour les investisseurs japonais. Plus important encore, tous ces facteurs se sont ajoutés à la croissance économique très solide aux États-Unis. Ainsi, les rendements des bons du Trésor US à 10 ans sont passés d'un plancher de 0,5% en 2020 à 4% l'année dernière. Au cours de ces dernières semaines, ces rendements de référence ont continué à augmenter pour atteindre environ 5%, le scénario de taux "plus élevés pendant plus longtemps" s'étant ancré dans les attentes du marché. Toutefois, nous anticipons que les rendements sont proches de leur pic, ce qui crée des opportunités d'investissement intéressantes sur le marché obligataire.

Comment les rendements ont-ils atteint des sommets pluriannuels ?

  1. Banques centrales : après une longue période de stabilité des prix, un choc inflationniste s'est produit en 2021, déclenchant un resserrement monétaire à l’échelle globale. L'inflation a grimpé en flèche et s'est avérée plus persistante que la plupart des analystes et des banques centrales ne l'avaient prévu. Face à cette situation, les banques centrales du monde entier ont réagi en procédant à des hausses inédites (en termes de vitesse et d’ampleur) des taux d'intérêt directeurs. La Fed a relevé sa fourchette de taux cible de 0,00% - 0,25% début 2022 à 5,25% -5,50% en juillet de cette année. De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) a augmenté son taux de dépôt d’un plancher de -0,5% en juillet 2022 jusqu’à un sommet de 4% le mois dernier.
  2. Resserrement quantitatif (Quantitative Tightening) : le resserrement quantitatif constitue un vent contraire additionnel pour les emprunts d’Etats en raison d'une demande plus faible de la part des banques centrales. Avec l’envolée de l'inflation depuis 2021, la plupart des grandes banques centrales ont interrompu leurs programmes d'achats d'obligations. Certaines banques centrales, comme la Fed et la BCE, ont commencé à réduire la taille de leurs portefeuilles d'obligations et ne réinvestissent pas les fonds issus des obligations arrivant à échéance sur les marchés obligataires.
  3. Les acheteurs japonais : les rendements perçus par les investisseurs japonais sur les bons du Trésor américains ont été érodés par les coûts de couverture. Après prise en compte de ces coûts de couverture, le rendement des bons du Trésor US à 10 ans est d'environ -1,17%, contre +0,84% pour les emprunts d'État japonais à 10 ans, soit une différence de 2 points de pourcentage. Cette situation a conduit les investisseurs japonais à réduire leurs avoirs détenus en emprunts d'État à long terme de 215 milliards de dollars depuis l’automne 2021.
  4. Déficit : un autre facteur qui entre en ligne de compte est le déficit public américain élevé persistant. Pour financer ce déficit, le Département du Trésor US doit augmenter ses émissions d'obligations, les estimations pointant vers une augmentation moyenne de 23% de la taille des adjudications d’emprunts d’Etat à travers toutes les échéances en 2024. Il en résulte une offre plus importante qui doit être absorbée par le marché, ce qui exerce une pression à la hausse supplémentaire sur les rendements.

Tirer les leçons du passé

Selon nous, l'époque des faibles rendements est révolue et les taux d’intérêt sont susceptibles de rester élevés plus longtemps. Ce point de vue est étayé par le Fonds Monétaire International (FMI) qui a récemment présenté un document examinant 100 épisodes de chocs inflationnistes dans 56 pays depuis les années 1970. Ce document indique que l'inflation n'a été réduite endéans les 5 ans que dans 60% des cas et que, même dans ces cas "réussis", il a fallu en moyenne plus de 3 ans pour résoudre le problème de l'inflation. La plupart des épisodes non résolus impliquaient des "célébrations prématurées", où l'inflation diminuait dans un premier temps, pour ensuite se stabiliser à un niveau élevé ou s'accélérer à nouveau. Les pays qui ont réussi à maîtriser l'inflation ont mené une politique monétaire plus stricte qui a été maintenue de manière cohérente dans le temps, et ont aussi enregistré une croissance plus faible des salaires nominaux et une dépréciation moindre de leurs devises, par rapport aux pays qui n'ont pas résolu le problème de l'inflation.

Les rendements élevés actuels ne dureront pas indéfiniment

Bien que nous nous attendions à ce que les banques centrales maintiennent les taux à un niveau élevé pendant un certain temps, nous ne prévoyons pas de nouvelles hausses des taux directeurs dans le cycle actuel. D'un autre côté, les facteurs susceptibles de faire baisser les rendements obligataires s'accumulent.

  • D'une part, les événements géopolitiques, au premier rang desquels le conflit au Proche-Orient, jouent un rôle important pour les emprunts d'État américains. En période de forte incertitude, les investisseurs préfèrent les bons du Trésor US en raison de leur sécurité relative. En outre, le rendement actuel du bon du Trésor US à 10 ans est proche du rendement de 5% du S&P 500. Plus le rendement augmente, plus il est intéressant - en termes relatif par rapport aux actions - et plus il peut forcer une réduction du risque dans les portefeuilles, entraînant des afflux de capitaux vers les emprunts d'État.
  • D’autre part, la croissance économique américaine devrait ralentir à l’avenir en raison notamment du durcissement des conditions d’octroi de crédits, de la diminution de l’excédent d’épargne des ménages et de la reprise des remboursements des prêts étudiants. Notre scénario de base reste celui d’une légère récession aux Etats-Unis au 4e trimestre de l’année 2023 et au 1er trimestre de 2024, suivie d’une reprise modérée.
  • Enfin, le risque d'une fermeture de l’administration fédérale américaine ("shutdown") une fois que l'accord de financement temporaire aura expiré le 17 novembre, pourrait aussi être un élément déclencheur d'une entrée de capitaux vers les bons du Trésor US et d'une baisse des rendements. Les précédents shutdowns ont été précédés d'une détente des rendements, avec l'aide d'une Fed accommodante.

Focus sur la qualité : les obligations d’entreprises Investment Grade

Ce que les investisseurs obligataires ont recherché en vain depuis des années est enfin à nouveau disponible : des obligations offrant un rendement nominal digne de ce nom. Parmi les différents segments obligataires, nous privilégions les obligations d'entreprises de qualité ("Investment Grade").

D'une part, la prime offerte pour compenser le risque émetteur est assez élevée dans une perspective historique car elle intègre un scénario économique trop négatif. D'autre part, le rendement actuel d'environ 4,65% dans la zone euro est au plus haut niveau depuis plus d’une décennie2 et devrait continuer à attirer des capitaux dans le segment Investment Grade. Ceci devrait contribuer à soutenir les cours et à faire baisser les rendements.

En ce qui concerne les obligations High Yield3, les taux de défaut ont déjà augmenté et sont susceptibles d'augmenter encore, les émetteurs les moins bien notés ayant des difficultés à se refinancer à des taux d'intérêt plus élevés. Cela nous incite à faire preuve de prudence dans cette catégorie, malgré les rendements très élevés.

Fenêtre d'opportunité ?

Depuis l’an dernier, le niveau général des taux d'intérêt a déjà augmenté de manière spectaculaire en raison de la flambée de l’inflation ainsi que de la réaction de la Fed et de la BCE qui ont relevé leurs taux directeurs de façon agressive. En raison de la persistance de l'inflation, ce niveau élevé des taux d'intérêt devrait être maintenu plus longtemps, mais il devrait déjà être proche de son pic.

Si ces politiques monétaires restrictives portent leurs fruits et que l’inflation revient à des niveaux acceptables, les banques centrales pourraient à nouveau réduire les taux d'intérêt à partir du second semestre 2024 afin de stimuler la croissance économique. Cela devrait également engendrer une diminution des taux d'intérêt à long terme.

Par conséquent, la période actuelle semble constituer un excellent moment pour les investisseurs d’étoffer la partie obligataire de leur portefeuille et de cadenasser ces rendements pour une période plus longue. Nous privilégions en particulier les obligations d'entreprises "Investment Grade", qui combinent qualité de crédit élevée et rendements potentiels attractifs.

Les produits d'investissements sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et vous pouvez ne pas récupérer le montant de votre investissement. Toute décision d’investissement doit être conforme à votre Financial ID. Plus d’informations sur deutschebank.be/financialid.

Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

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1. Les obligations 'Investment Grade' sont des obligations provenant d’émetteurs dont la situation financière est considérée comme robuste. Elles ont une notation allant de AAA à BBB- chez Standard & Poor’s, ou une notation équivalente chez Moody’s ou Fitch. Plus la notation est élevée, plus la probabilité que l'investisseur soit remboursé par l’émetteur à l'échéance finale (sauf en cas de faillite) est grande.

2. Source : Bloomberg.

3. Les obligations 'Non-Investment Grade' (High Yield) sont des obligations provenant d’émetteurs dont la situation financière est considérée comme beaucoup plus risquée. Elles ont une notation comprise entre BB+ et D chez Standard & Poor’s, ou une notation équivalente chez Moody’s ou Fitch. Comme le risque de défaut de paiement des émetteurs High Yield est sensiblement plus élevé, elles offrent un rendement potentiel plus élevé que les obligations 'Investment Grade'.

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