Les marchés sous-estiment-ils une récession imminente aux Etats-Unis ?

Marchés et investissements - 14 mai 2025

Les marchés sous-estiment-ils une récession imminente aux Etats-Unis ?

Depuis l’annonce des droits de douane lors du « Liberation Day », les investisseurs ont rapidement réévalué la probabilité d'une récession aux États-Unis. Les marchés d’actions ont enregistré l'une de leurs baisses les plus rapides depuis la Seconde Guerre mondiale, accompagnées d’un élargissement des écarts de crédit, de courbes de taux plus raides et d’un repli des prix du pétrole.

Mais malgré ces mouvements, il est évident que les marchés ne semblent pas encore intégrer pleinement l’éventualité d’une récession. En effet, les baisses des actions restent moins marquées que lors des récessions récentes, tout comme l'élargissement des écarts de crédit et la chute des prix du pétrole.

Les marchés ne semblent donc pas considérer une récession comme inévitable, surtout si les nouveaux tarifs ne sont finalement pas appliqués à l’issue de la dernière prolongation de 90 jours. Mais bien sûr, le fait que les marchés n’intègrent pas pleinement ce risque ouvre la porte à des baisses potentiellement importantes si une récession venait à se concrétiser - aucune des principales classes d'actifs n’ayant, pour le moment, réagi de manière comparable aux précédentes récessions.

Comment les différentes classes d’actifs ont-elles réagi par rapport aux périodes de récession ?

Actions : les baisses restent inférieures à celles observées lors des récessions récentes

  • Depuis l’annonce du « Liberation Day », le S&P 500 a chuté jusqu’à 18,9% au point bas atteint le 8 avril.
  • Cependant, cette correction reste, pour l’instant bien inférieure à celles observées lors des récessions récentes. Par exemple, si l'on regarde les 5 récessions américaines les plus récentes et les baisses de marchés enregistrées entre les pics et les creux, le recul actuel ne dépasse aucun de ces seuils. De plus, la baisse récente n'a même pas atteint celle de 2022, lorsque les craintes de récession avaient fait chuter le S&P 500 de plus de 25%, ni celle du repli de fin 2018.

S&P500 : écarts en pics et creux (ombre rouge pour les récessions)

1980-82
-27.1%
1987
-35,5%
1990
-19,9%
1998
-19,3%
2000-02
-49,1%
2007-09
-56,8%
2015-16
-18,3%
2018
-19,8%
2020
-33,9%
2022
-25,4%
2025
-18,9%

Source : Bloomberg Finance LP, Deutsche Bank

Crédit : élargissement des écarts bien en dessous des niveaux observés lors des récessions précédentes.

  • Un examen rapide des niveaux d'écart montre que nous sommes loin des niveaux atteints lors des récessions récentes ou d'autres périodes de stress accru.
  • Par exemple, les écarts de crédit High Yield (HY)1 américains se situent actuellement à 397 bps. Ce niveau n’atteint même pas ceux observés lors de scénarios sans récession, comme en 2022 (583 bps), en 2016 (839 bps) ou en 2011 (876 bps). Et encore moins ceux constatés lors de véritables récessions, comme la crise du Covid-19 (1100 bps) ou la crise financière mondiale (1971 bps). Certes, ces épisodes représentaient des récessions particulièrement graves sur le plan historique, mais même lors de la récession de 2001, les écarts HY avaient dépassé 900 bps.
  • Ainsi, comme pour les actions, nous ne constatons pas de tensions sur les marchés à une échelle cohérente avec les récessions récentes, ce qui signifie qu’il existe encore une large marge de progression des spreads si une récession devait effectivement se produire.

Prix du pétrole : une baisse inférieure à celle des récessions récentes (à l'exclusion des récessions comme 1973 ou 1990 où des prix du pétrole plus élevés ont directement contribué à la récession).

  • Lorsqu’on observe l’évolution des prix du pétrole au fil du temps, on constate une corrélation claire entre les récessions (qui provoquent un choc de demande) et la baisse des prix du pétrole.
  • L'exception évidente à cela est lorsque des prix du pétrole plus élevés causent directement une récession via un choc d'offre négatif. Par exemple, les prix ont augmenté après l'invasion du Koweït par l’Irak en 1990, ce qui a directement contribué à la récession américaine de 1990-91. De même en 1973, les prix ont augmenté après le choc pétrolier, ce qui a été un facteur majeur de la stagflation observée aux États-Unis au cours de cette décennie.

Si nous nous concentrons uniquement sur les récessions récentes où les prix du pétrole eux-mêmes n'étaient pas un facteur déclencheur, nous constatons une fois de plus que la baisse actuelle reste bien inférieure à celles observées auparavant. Après tout, le Brent est actuellement en baisse de -17% par rapport à son niveau lors du ««Liberation Day ». Il s’agit d’un repli significatif, mais loin d’atteindre les deux tiers de baisse du Brent enregistrés durant la crise du Covid-19 et de la crise financière mondiale, ou même en 2001 (lorsque les prix du pétrole ont fortement baissé après les attentats terroristes du 11 septembre).

Il est évident que de nombreux facteurs perturbateurs influencent les prix du pétrole, mais le fait que le recul reste relativement modeste suggère que les investisseurs n’anticipent pas encore un fort ralentissement de la croissance mondiale.

Taux : des signaux plus ambigus, les courbes ayant tendance à se pentifier avant une récession – ce que nous observons actuellement. Mais encore une fois, cette pentification est en cours depuis la mi-2023 à mesure que le scénario d’un atterrissage en douceur devenait plus probable.

  • Un thème récurrent avant les récessions est une pentification marquée de la courbe des taux. Comme nous l'avons déjà souligné, lors des cycles récents, la récession ne commençait pas pendant que la courbe était inversée, mais seulement après qu'elle se soit redressée et repassée en territoire positif. Cela s’explique souvent par une baisse rapide des taux directeurs décidée par les banques centrales pour faire face au ralentissement ou à la récession - les rendements à court terme chutent alors fortement, même si les rendements à long terme baissent également (mais dans une moindre mesure).
  • Un mouvement similaire de pentification de la courbe s'est produit cette fois-ci également. Mais les causes sont moins évidentes, car la Réserve fédérale (Fed) ne s’est pas précipitée pour baisser ses taux. En effet, le président de la Fed, Jerome Powell, a exprimé son inquiétude face aux pressions inflationnistes, affirmant que leur ««obligation » est de maintenir les anticipations d’inflation à long terme bien ancrées. De plus, la pentification actuelle de la courbe résulte en partie de la forte hausse des rendements à long terme, reflétant une sortie des bons du Trésor américain alors que les investisseurs remettent en question leur sécurité future. Autrement dit, la pentification actuelle repose sur des dynamiques bien différentes de celles observées lors des récessions récentes.

Conclusion

Á ce stade, les marchés n’ont pas encore pleinement intégré le scénario d’une récession. Cela s’explique par les nombreuses incertitudes qui subsistent sur la possibilité d’une future récession, notamment en raison de la perspective d'une nouvelle prolongation des droits de douane au-delà du délai de 90 jours, ainsi que de la perspective d'accords commerciaux entre les États-Unis et d'autres pays qui pourraient entraîner une réduction progressive des droits de douane. En 2022, les marchés avaient baissé plus fort qu'aujourd'hui (tant les actions que les écarts de crédit) sans qu'une récession ne se produise.

Dans ce contexte, les données économiques concrètes des prochaines semaines seront cruciales. Les investisseurs hésitent à intégrer pleinement une récession faute de preuves tangibles de son imminence. Mais si cela venait à changer et que nous commençons à voir des chiffres de contraction, cela conduirait à une réévaluation qui pourrait ouvrir la voie à une nouvelle chute. Or, l’histoire montre clairement que si une récession devait effectivement survenir, les actifs risqués pourraient subir une baisse supplémentaire.

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