Le pouvoir de fixation des prix au centre de l’attention

Marchés

Le pouvoir de fixation des prix au centre de l’attention

20 avril 2022 - Lu en 6 min. 

Rédigé par

Ivo Višić
Senior Investment Officer

En résumé :

  • Le récent rebond partiel des marchés boursiers a été remis en question par un regain d'inquiétude quant au resserrement futur de la politique monétaire de la Fed.
  • Les craintes d'inflation ont de multiples implications pour les consommateurs et les banques centrales. Pour les actions, le pouvoir de fixation des prix devrait être un facteur de performance clé.
  • Les prévision du consensus pour le 1er trimestre 2022 indiquent que la dynamique de croissance des bénéfices s'estompe.

Un rebond boursier en ligne avec les données historiques

La seconde moitié du 1er trimestre 2022 a été indéniablement dominée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. La combinaison d'un choc géopolitique, de sanctions sévères de l’Occident à l'encontre de la Russie et d'inquiétudes croissantes concernant une nouvelle escalade éventuelle du conflit a entraîné un important mouvement d’aversion au risque chez les investisseurs. À la suite de ce mouvement de ventes massives, plusieurs grands indices boursiers, dont le S&P 500 et le Stoxx Europe 600, étaient entrés en territoire de correction par rapport à leurs précédents sommets.

Toutefois, après les planchers atteints début mars, de nombreux marchés d'actions ont pu se redresser partiellement. Leur trajectoire a ainsi été largement conforme aux schémas historiques où la baisse médiane du S&P 500 lors d'une crise géopolitique a été d’environ 6% sur une période de 17 jours, et où il a fallu à peu près le même temps pour récupérer ces pertes (16 jours).

Cela dit, la plupart des régions s’inscrivent toujours en baisse depuis le début de l’année. La surperformance remarquable du secteur de l'énergie se poursuit dans un contexte marqué par la flambée des prix de l’énergie, tandis que les investisseurs optent pour un style plus défensif (les secteurs des services aux collectivités et de la santé ayant enregistré les plus fortes progressions en mars, derrière l'énergie).

Nous pensons que les marchés américains pourraient être relativement stables au cours des prochaines semaines, si la volatilité se poursuit à l’échelle globale. Compte tenu du risque accru de remontée des taux obligataires, le secteur de la santé devrait rester en vogue, car il combine des caractéristiques de valeur refuge et de croissance avec des valorisations raisonnables.

Le pouvoir de fixation des prix - le facteur déterminant

L'accélération continue de l'inflation a été aggravée par la guerre en Ukraine. Celle-ci a entraîné une très forte hausse des prix de l'énergie et d’une série d’autres produits de base essentiels, ainsi qu'une nouvelle perturbation des chaînes d'approvisionnement. Cette situation préoccupe beaucoup les consommateurs, les banquiers centraux et les investisseurs. L'inflation aux États-Unis a atteint 8,5% au mois de mars, soit un nouveau sommet inédit depuis 40 ans, tandis que l'inflation dans la zone euro s'est établie à +7,5 %, son niveau le plus élevé depuis la création de la monnaie unique.

Si l'on considère l'inflation des prix à la production, le tableau est pire encore, surtout dans la zone euro. L’augmentation des prix à la production a dépassé 30% sur un an en février (contre environ 10% aux États-Unis). L'interaction entre les coûts élevés de l'énergie, de la main-d'œuvre et les pénuries persistantes de puces électroniques laisse présager des pressions continues sur le coût des intrants. De nouvelles hausses des prix au cours des prochains trimestres pour compenser les coûts élevés de l'énergie, des matériaux, de la main-d'œuvre, des voyages et du transport semblent plausibles.

Compte tenu de l'intensification des pressions inflationnistes, le pouvoir de fixation des prix des entreprises par rapport à leur exposition aux coûts sera très probablement un facteur déterminant de la performance des actions et une source de surperformance du marché à l'avenir. Les entreprises ayant un pouvoir de fixation des prix important se trouvent principalement dans le camp de la "qualité" - un style que nous apprécions dans ce contexte difficile et dans la phase actuelle de ralentissement économique – mais cet argument de « pricing power » fonctionnera sans doute également dans les segments moins qualitatifs du marché. De manière générale, les marques de consommation haut de gamme, la plupart des entreprises du secteur industriel et les entreprises technologiques devraient être résistantes. Inversement, les marques de consommation courante matures ou les entreprises de télécommunications pourraient se trouver davantage en difficulté.

La modération de la dynamique de croissance des bénéfices

Dans ce contexte de forte incertitude géopolitique et d'accélération de l’inflation, il sera très intéressant de voir comment les marges des entreprises réagiront initialement aux nouvelles réalités lors de la saison des résultats du 1er trimestre 2022. Si nous pensons qu'il y a de bonnes chances pour que l’évolution des chiffres d’affaires soutienne les bénéfices, le risque pour les marges est clairement orienté à la baisse, les marges en Europe étant sans doute plus vulnérables qu’aux Etats-Unis. Outre les différentes orientations sectorielles régionales, qui impliquent divers degrés d'exposition à l'énergie, aux goulets d'étranglement dans les chaînes d'approvisionnement et aux sensibilités salariales, les expositions aux régions et aux pays représentent actuellement un facteur crucial pour les marges et les bénéfices des entreprises.

Malgré ces difficultés, les prévisions des analystes pour les bénéfices agrégés du S&P 500 au 1er trimestre 2022 ont baissé de moins de 1% depuis le début de l'année. Pour l'instant, le consensus de marché table sur une hausse de 4,7% sur un an du bénéfice par action (bpa) de l'indice S&P 500 au 1er trimestre, et de 10,7% des chiffres d’affaires. En Europe, les prévisions sont encore plus optimistes : les bénéfices de l’indice Stoxx Europe 600 sont attendus en hausse de 23,6% sur un an au 1er trimestre, et les chiffres d’affaires de 19,9%. Comme aux États-Unis, ce sont aussi les secteurs de l'énergie et de l'industrie qui devraient connaître la plus forte croissance des bénéfices en glissement annuel au 1er trimestre en Europe. Sur l'ensemble de l'année 2022, les estimations du consensus indiquent une croissance annuelle des bénéfices agrégés de +9,5% pour le S&P 500 et de +9,8% pour le Stoxx Europe 600.

Après une forte croissance des bénéfices lors des trimestres précédents, la dynamique globale de la croissance bénéficiaire commence maintenant à s'estomper - une tendance qui est soutenue par la part croissante d’entreprises révisant leur guidance à la baisse et qui sera très probablement exacerbée par les circonstances géopolitiques. La toile de fond fondamentale pourrait être moins favorable pour le reste de l'année. A une échelle plus large, il faudra voir si les vents favorables du pouvoir de fixation des prix, des gains de productivité et des faibles attentes du consensus pourront compenser les vents contraires provenant des pressions sur le coût des intrants.

Les leçons de l'inversion de la courbe des taux US

Au début du 2e trimestre, la courbe des taux US (taux 10 ans – taux 2 ans) s’est inversée pour la première fois depuis 2019, avec des taux courts supérieurs aux taux longs. Cette évolution a entraîné de longs débats sur le risque de récession, car une telle inversion a historiquement indiqué que l'économie est en fin de cycle. En fait, toutes les récessions de ces 70 dernières années aux Etats-Unis ont été précédées d'une inversion de la courbe des taux US. Il est intéressant de noter que la Fed a essayé de minimiser les risques de récession en mettant l’accent sur la courbe des taux à plus court terme, qui n’est pour sa part pas inversée. Le discours de la Fed est que l’excédent d'épargne important des consommateurs et des bilans sectoriels sains seront en mesure d'atténuer les effets de tout ralentissement économique. Toutefois, au cours des 70 dernières années, il n'y a eu que deux occasions où la Fed a relevé les taux de 300 points de base et a fait diminuer l'inflation sans provoquer de récession.

Pour les investisseurs en actions, le moment où survient une récession est essentiel, étant donné que les rendements et les bénéfices des entreprises sont étroitement liés aux cycles économiques. À première vue, il est juste de dire que l'inversion de la courbe des taux US n'a historiquement pas été un bon indicateur de vente car la durée moyenne entre l'inversion de la courbe et le début de la récession suivante a été d'environ 18 mois et la performance des actions a eu tendance à être assez bonne au cours des cycles d'inversion / récession passés, l’indice S&P 500 ayant gagné en moyenne 4%. Dans ce contexte, il convient de noter que durant les quatre cycles antérieurs à 1980, le S&P 500 a perdu en moyenne 7%, alors que chacun des cycles postérieurs à 1980 s'est accompagné d'un gain moyen de 11% du S&P 500 entre l'inversion de la courbe des taux et la récession (voir graphique) dans un marché haussier structurel de 4 décennies. Par conséquent, il pourrait être trompeur de ne considérer que les seules moyennes sans reconnaître l'importance possible des super-cycles. En supposant que nous soyons toujours dans ce marché haussier structurel, et si l'histoire est un guide, il semble qu'il y ait encore une certaine marge de progression à partir des niveaux actuels, ce qui serait conforme à nos objectifs de cours sur 12 mois pour les principaux indices boursiers.

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