Plafond de la dette américaine : la date-butoir approche

Marchés & Investissements - 25 mai 2023

Plafond de la dette américaine : la date butoir approche

Rédigé par Deepak Puri, CFA® (Chief Investment Officer Americas), Sam Matthews (Head of Chief Investment Office Americas) & Wolf Kisker (Senior Capital Market Strategist)

En résumé :
  • Le Trésor américain confirme que son incapacité à honorer ses engagements financiers, également connue sous le nom de "date X", sera atteinte au début du mois de juin - peut-être même dès le 1er juin.
  • Les commentaires récents du Président Biden et des chefs de file des deux partis au Congrès alimentent l'espoir d'un accord rapide pour éviter un défaut de paiement imminent.
  • Bien que ce ne soit pas notre scénario de base, en l'absence d'une résolution négociée traditionnelle, une dégradation de la note souveraine des Etats-Unis ou même un défaut de paiement ne peuvent être exclus, avec à la clé des perturbations importantes sur les marchés des capitaux mondiaux.

Le plafond de la dette fixe une limite légale aux montants que les Etats-Unis peuvent emprunter, via le marché des bons du Trésor US, pour financer leurs dépenses. La question du creusement des déficits budgétaires est un thème récurrent et, étant donné que les États-Unis sont la première économie mondiale, il n'est pas surprenant que les chiffres en jeu soient significatifs. Depuis 1960, le plafond de la dette a été relevé à 78 reprises, la dernière fois en décembre 2021 jusqu’à 31.400 milliards de dollars.

La politique partisane au cœur des négociations

Comme lors des dernières élections, l'attention des investisseurs du monde entier est braquée sur la Maison-Blanche et le Congrès, qui doivent trouver un accord pour relever le plafond de la dette actuel et ainsi éviter que le gouvernement américain ne se retrouve en défaut de paiement. Les répercussions d'un tel défaut seraient extrêmement négatives pour l'économie américaine et pourraient déclencher une crise financière plus large, compte tenu de l’importance du dollar américain et de la demande de bons du Trésor US à l’échelle globale.

Alors que le 26 avril dernier, les Républicains de la Chambre des Représentants ont adopté de justesse le "Limit Save Grow Act", qui associe des mesures de réduction du déficit public de près de 4.800 milliards de dollars à un relèvement du plafond de la dette jusqu’à l'année prochaine, les Démocrates du Sénat prévoient d'ignorer le projet de loi des Républicains de la Chambre des Représentants, car ils demandent un relèvement du plafond de la dette sans conditions supplémentaires. Les principaux éléments de la proposition des Républicains adoptée par la Chambre des Représentants jettent un peu de lumière sur les principales réductions de dépenses qui pourraient faire l'objet de négociations à l'avenir.

Si le plafond de la dette reste inchangé, il existe un risque important que les liquidités et les mesures extraordinaires sur lesquelles le Trésor US s’appuie actuellement pour faire face à ses dépenses soient épuisées au cours des deux premières semaines de juin. Une fois cette échéance atteinte, également appelée "date X", le gouvernement devrait alors soit retarder les paiements pour certaines activités, soit faire défaut sur sa dette, soit les deux. Toutefois, si les liquidités et les mesures extraordinaires du Trésor US s'avèrent suffisantes pour financer le gouvernement jusqu'au 15 juin, le service du budget du Congrès (CBO) estime que les recettes fiscales trimestrielles attendues et les mesures extraordinaires supplémentaires permettront probablement au gouvernement de continuer à financer ses opérations jusqu'à la fin du mois de juillet au moins.

La recherche d’un compromis…

Après des entames de négociation difficiles, illustrant l’important fossé qui sépare toujours les deux camps, la situation a semble-t-il évolué récemment dans un sens plus favorable. Le Président Biden a annoncé qu'il existait un consensus parmi les chefs de file du Congrès "sur le fait qu’un défaut de paiement sur la dette n'est tout simplement pas une option" et a affirmé "Mais je pense vraiment qu'il y a un désir de leur part et de la nôtre d'arriver à un accord. Je pense que nous y parviendrons...". De son côté, le Président de la Chambre des Représentants, Kevin MCarthy, a déclaré "Le ton des discussions était meilleur que toutes les fois précédentes ... (nous) avons eu une discussion productive. Mais nous n'avons pas encore d'accord." À l'heure où nous écrivons ces lignes, les deux parties poursuivent leurs tractations et vont essayer de capitaliser sur la dynamique plus positive observée ces derniers jours.

La nature des négociations, surtout dans un pays aussi politiquement divisé que les États-Unis, signifie cependant que l'incertitude quant à la conclusion d'un accord demeurera, même si un accord tente d'être adopté à la fois par la Chambre des Représentants et le Sénat. Par conséquent, il y aura sans doute encore des rebondissements dans les jours à venir, alors que le gouvernement américain se rapproche de la désormais fameuse "date X".

L'histoire comme guide ? Les précédentes négociations sur le plafond de la dette

Dans l'histoire récente, les États-Unis ont frôlé le défaut de paiement à diverses reprises. Les événements de 1996, 2011 et 2013 sont en partie comparables à la situation actuelle autour du plafond de la dette, bien que deux voies différentes puissent être identifiées. Les résolutions de 1996 et 2013 ont eu lieu pendant des marchés boursiers haussiers et, après une pause due à l'incertitude liée au plafond de la dette, les marchés ont repris une tendance haussière après la résolution. En revanche, l'année 2011 a été marquée par une situation de marché plus difficile et par une grande incertitude politique à la suite de la crise financière mondiale. Les actions ont chuté avant la résolution et ils ont continué à baisser après celle-ci et la dégradation de la note souveraine des Etats-Unis de AAA à AA+ par l’agence de notation Standard & Poor’s.

De manière générale, les tensions autour du plafond de la dette peuvent avoir un impact sur les marchés des bons du Trésor par différents canaux. Si l'impact sur la croissance et l'austérité budgétaire (en raison des réductions de dépenses prévues) et l'impact sur le sentiment et la fuite vers la qualité (en raison de la baisse anticipée de l’appétit pour le risque sur les marchés) devraient être positifs pour les bons du Trésor US, le risque de ventes forcées de bons du Trésor en cas d'abaissement de la note souveraine des Etats-Unis constitue un élément négatif.

Scénarios possibles

Malgré leurs positions opposées, tant les Démocrates que les Républicains sont susceptibles d'être incités à trouver une solution. Après tout, les sondages montrent qu'en cas de perturbation économique de grande ampleur, les électeurs ont tendance à blâmer les deux camps. Aujourd'hui, plusieurs scénarios semblent possibles. Un financement à court terme du gouvernement avec une extension du plafond de la dette jusqu'au 30 septembre ou un relèvement du plafond de la dette avec un plafond de dépenses sur deux ans, ou une combinaison de ces deux solutions semblent les options plus probables. Une autre solution de "négociation" possible, bien que beaucoup moins probable, serait un relèvement/une extension du plafond de la dette, comme le propose la loi républicaine "Limit Save Grow Act" récemment adoptée par la Chambre des Représentants.

Si les négociations échouent et que la "date X" est franchie, plusieurs issues sont possibles. Une option qui a été discutée serait la "priorisation" des titres émis par le Trésor US par rapport aux autres dépenses. Bien que techniquement réalisable, la décision de suivre cette voie reviendrait au Président et à la Secrétaire au Trésor et pourrait avoir des coûts politiques considérables. Elle pourrait également avoir d’importants coûts économiques en mettant à l’arrêt une part substantielle de la consommation dans l'économie américaine. En outre, si le Trésor US devait manquer un paiement, on peut supposer que les titres échus mais non remboursés pourraient continuer à circuler dans le système de règlement de la Fed, Fedwire, et que la Fed accepterait - avec réticence - ces titres en garantie afin d'assurer le bon fonctionnement des marchés financiers.

Enfin, certaines actions unilatérales sans précédent, telles que l'invocation du 14e amendement de la Constitution américaine qui stipule que la dette fédérale "ne doit pas être remise en question" et qui pourrait théoriquement conduire le Président à ordonner le remboursement des dettes sans tenir compte du plafond de la dette, pourraient être envisagées par l'administration. Les inquiétudes pour la stabilité de l'économie et des marchés financiers, si de telles options étaient sérieusement explorées, pourraient toutefois générer la pression nécessaire pour que le Congrès relève le plafond de la dette en temps voulu.

Conclusion

En conclusion, nous ne nous attendons pas à ce que le Trésor américain fasse défaut sur ses obligations, ce qui serait un événement sans précédent dans l'histoire récente des États-Unis. Depuis 1960, le Congrès a toujours été en mesure de parvenir à un accord sur une nouvelle législation relative au plafond de la dette avant la "date X".

S'il est vrai qu'il serait judicieux d'agir le plus tôt possible, la politique de la corde raide des deux camps, qui croient chacun que l'autre fera un compromis en premier pour éviter une catastrophe, contribue à augmenter la volatilité des marchés et pourrait entraîner l'économie mondiale en territoire inconnu. Bien qu'il ne s'agisse pas de notre scénario de base, un défaut de paiement, ou même le risque légitime d'un tel défaut de paiement, aurait des conséquences négatives significatives pour les marchés financiers. Les actions ont bien résisté jusqu'à présent - l'indice S&P 500 a par exemple progressé de plus de 9 % cette année - mais certains signes précurseurs indiquent que les investisseurs commencent à faire preuve d’une plus grande prudence à l’approche de la date butoir. Pour l’instant, il semble y avoir de la lumière au bout de ce tunnel politique et l'optimisme grandit quant à la possibilité de conclure un accord. Toutefois, compte tenu de la nature imprévisible de la politique, ce n'est que lorsqu'un nouvel accord arrivera sur le bureau du Président Biden pour y être signé que les investisseurs pourront enfin pousser un soupir de soulagement.

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