Marchés

Perspectives économiques : quand sortira-t-on du tunnel ?

21 septembre 2020 - Lu en 4 min

Rédigé par

David Ghezal
Investment Strategist

En résumé :

  • Selon nos dernières prévisions, l'économie mondiale devrait se contracter de 3,8% en 2020 et rebondir de 5,3% en 2021. 
  • La Chine sera plus que probablement le seul grand pays à enregistrer une croissance positive en 2020. Depuis peu, les États-Unis ont retrouvé de la vigueur, mais la croissance y reste modérée. 
  • Grâce à un plan de relance colossal, l’Allemagne est mieux placée que les autres pays européens pour sortir de la crise. La situation économique est beaucoup plus délicate au Royaume-Uni.

Hormis la Chine (+3,2%), aucune grande économie n’est sortie indemne du deuxième trimestre 2020. Les chiffres sont éloquents : États-Unis -9,5%, Brésil -9,7%, zone euro -11,8%, Canada -13%, Royaume-Uni -20,4% et Inde -23,9%.

Bien que beaucoup de pays aient allégé leurs mesures de confinement, les restrictions toujours en vigueur entravent la reprise économique. Le consommateur reste prudent et tire lui aussi le frein à main. Voilà pourquoi le scénario que nous privilégions voit l’économie mondiale retrouver son dynamisme précoronavirus seulement dans le courant de 2022.

Beaucoup d’incertitudes subsistent et, malgré le fort rebond initial de la croissance, la reprise se fera au petit trot plutôt qu’au galop. C’est pourquoi le soutien des pouvoirs publics et des banques centrales reste indispensable. Concrètement, nous nous attendons à ce que l’économie mondiale se contracte de -3,8% en 2020, puis progresse de +5,3% en 2021.

1. États-Unis : une reprise forte mettra du temps à se dessiner

Au lendemain du recul record du PIB américain au 2ème trimestre, un rebond sensible s’est amorcé. Comme le confirment plusieurs indicateurs (production industrielle, marché immobilier, indice de confiance des directeurs des achats...), l’économie US a retrouvé de la vigueur. Si l’orientation est positive, la croissance restera cependant modérée pendant un certain temps. Les nouveaux emplois créés ces derniers mois représentent moins de la moitié de l’hécatombe de mars et avril. Le marché du travail reste sous pression. Une reprise plus franche est freinée par les incertitudes quant à l’évolution de la pandémie. L’impasse actuelle sur un nouveau plan de soutien à l’économie (‘Cares Act 2’) est également très problématique pour de nombreux ménages et pour les petites entreprises.

Les États-Unis doivent également composer avec les troubles sociaux et la nervosité préélectorale. Outre la lutte pour la Maison-Blanche, les deux grands partis se disputent aussi le contrôle du Congrès. Actuellement, le Sénat est dominé par les Républicains et la Chambre des Représentants par les Démocrates. Or, lorsque le Président n’a pas l’appui inconditionnel du Congrès, la mise en œuvre de sa politique économique s’en trouve singulièrement compliquée.

2. La zone euro devrait s’en sortir... mais chacun à son rythme

La zone euro a aussi encaissé les coups (-12,1%), avec toutefois des différences très marquées dans les dégâts collatéraux. Là où l’Allemagne a tiré son épingle du jeu (avec un recul de -9,7% ‘seulement’, les guillemets s’imposent), l’Espagne a encaissé la crise de plein fouet (-18,4%). Et la Belgique ? Elle s’en sort avec un honorable -12,2%.

Dès le début des déconfinements, l’économie de la zone euro a commencé à se redresser. Avec le rebond du virus cet été, les blessures n’ont cependant pas pu cicatriser entièrement. La confiance des consommateurs reste mitigée et le marché de l’emploi devrait continuer à se détériorer, ce qui n’encourage pas les ménages à la dépense. Le pire est sans doute passé, mais la revalidation de l’économie européenne promet dès lors d’être lente, incertaine et inégale.

L’Allemagne, qui a élaboré un plan de relance économique aussi colossal que ciblé, semble être en meilleure posture que les autres pays européens. Pour l’Espagne (et dans une moindre mesure l’Italie), les perspectives sont beaucoup moins favorables. Voilà qui explique pourquoi ces deux pays sont les principaux bénéficiaires du plan de relance européen de 750 milliards d’euros. Ces fonds, dont les premiers versements ne commenceront qu’en 2021, ne seront certainement pas un luxe superflu.

La Banque centrale européenne (BCE) a fait savoir qu’elle poursuivrait sa politique monétaire ultrasouple. Ceci étant, pour faire parler la poudre, sans doute aura-t-elle besoin d’une mèche de rallonge d’ici la fin de l’année. La bonne tenue de l’euro est un risque pour la reprise et pèse sur l’inflation, qui reste à mille lieues de l’objectif d’un peu moins de 2%.

Royaume-Uni : retour en 2003

Là où la situation de la zone euro peut être qualifiée d’incertaine, celle du Royaume-Uni est carrément précaire. La lenteur et l’insuffisance de la réponse des pouvoirs publics à la pandémie, combinées à une économie fortement axée sur les services, ont induit un plongeon de -20,4% du PIB. Depuis le début de l’année, ce sont dix-sept années de croissance économique qui ont été réduites à néant.

Avec la fin prochaine du régime de chômage temporaire et une demande qui peine à redécoller, le chômage devrait continuer à s’aggraver d’ici fin 2020. Bien qu’un début de reprise se soit amorcé en juin, la situation reste délicate. Il faudra aussi voir si, malgré l’ambiance glaciale entre Londres et Bruxelles, les négociations post-Brexit déboucheront sur un accord sur leur future relation avant la date fatidique du 31 décembre 2020. Faute de quoi on se dirigera vers un ‘No Deal’, avec des conséquences encore plus funestes.

En Chine, ça redémarre !

Globalement, c’est l’Asie qui résiste le mieux à la crise du coronavirus. En Chine, après le retour de la croissance (+3,2%) au 2ème trimestre, de nombreux indicateurs annoncent une poursuite de la reprise. Le gouvernement chinois recueille les fruits de ses incitants fiscaux et monétaires, ainsi que de sa gestion efficace de l’épidémie (la Chine a été le premier pays touché, et aussi le premier pays à ”sortir“ du Covid-19). Ce dynamisme se concrétise surtout par la reprise de l’activité intérieure, et plus particulièrement les investissements en infrastructures et l’industrie.

Pékin va en outre continuer à soutenir la consommation des ménages et a l’intention d’accélérer la mise à disposition de fonds de soutien aux entités locales. Quant au commerce extérieur, il pourrait encore souffrir pendant plusieurs mois de la faiblesse de la demande étrangère, ainsi que des tensions avec les États-Unis. Au final, la Chine devrait toutefois être le seul pays à clôturer l’année 2020 sur une croissance positive et emmener la reprise mondiale.

L’Inde retient son souffle

L’Inde est aux antipodes de la Chine. Son PIB a plongé de -23,9%, en raison notamment d’un confinement draconien. Les indicateurs suggèrent cependant que le recul de la production et de la consommation a atteint son niveau plancher, mais la rentabilité des entreprises et le niveau des investissements restent préoccupants.

En tout état de cause, le rétablissement est incertain, tandis que l’épidémie est loin d’être maîtrisée. Pour l’instant, les 245 milliards d’euros du plan de relance du gouvernement Modi semblent insuffisants. De surcroît, l’inflation reste proche des 7%, suite à l’augmentation du prix des denrées alimentaires. La banque centrale ne cache plus sa crainte d’une stagflation, c’est-à-dire une stagnation de la croissance économique combinée à une inflation élevée.

Le Brésil retient aussi son souffle

L’Amérique latine paie elle aussi un lourd tribut à la pandémie, du fait notamment des carences en infrastructures sanitaires et d’une forte inégalité des revenus. Au 2èmee trimestre, le Brésil est entré en récession, avec une baisse de 9,7% de son PIB. Le tableau d’ensemble reste sombre. Les mesures de soutien décrétées par le gouvernement (une aide directe aux ménages depuis avril) n’ont pas enrayé la chute. Si le Brésil continue à focaliser l’attention, les autres pays d’Amérique du Sud ne sont pas mieux lotis pour autant. La sortie de crise s’annonce longue et difficile pour cette région.

Prévisions de croissance pour 2020 – 2021 (PIB réel, %)

  2020 2021
Monde -3,8 5,3
États-Unis -5,4 4,2
Zone euro -8,5 5,5
Allemagne -6,0 4,5
Italie -10,0 5,0
Royaume-Uni -9,5 6,0
Japon -5,5 3,3
Chine 2,0 8,5
Inde -5,5 7,0
Brésil -6,5 3,5

Source: Deutsche Bank Wealth Management, septembre 2020

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