Obligations : le retour des beaux jours

Marchés et investissements - 20 décembre 2023

Obligations : le retour des beaux jours

Rédigé par Kris Temmerman - Head of Discretionary Portfolios & Wim D'Haese - Head Investment Strategist

En résumé

  • Après une décennie de faibles rendements, les hausses des taux directeurs décrétées par les banques centrales offrent désormais des rendements plus élevés aux investisseurs en obligations.
  • Le contexte actuel recèle d’attrayantes opportunités d’achat, et surtout la possibilité de sécuriser pour plusieurs années les hauts rendements actuels.
  • Dans la perspective de la baisse attendue des taux, le niveau actuel des rendements représente, selon nous, une occasion unique pour les investisseurs.

Les investisseurs en obligations émergent d’une décennie perdue. Pendant 10 ans, les banques centrales ont maintenu leurs taux directeurs proches de zéro. Leur objectif ? Tenter de dynamiser l’économie et de relancer l’inflation au lendemain de la crise financière.

En raison de cette période prolongée de taux zéro, le modèle de rendement traditionnel des obligations a été vidé de sa substance. Là où les investisseurs pouvaient jadis tabler sur les rendements honorables et prévisibles des actifs à taux fixes, ils n’ont plus obtenu – après inflation – qu’un rendement nul, voire négatif. Au fil de ces années, les marchés obligataires se sont dès lors enfoncés dans une profonde hibernation, avec des rendements guère enthousiasmants.

Armageddon sur le marché obligataire

Dans leur quête d’actifs présentant un signe de vie, même ténu, nombre d’investisseurs n’ont eu d’autre recours que de se tourner vers des classes d’actifs plus risquées. Les actions, surtout, se sont présentées comme une solution alternative, dans un monde où les obligations étaient synonymes de stagnation. À titre d’exemple, le S&P 500 a progressé de 300% entre 2010 et 2020. À l’inverse, les investisseurs restés fidèles aux obligations ont vu leur pouvoir d’achat s’évaporer d’année en année.

Pour ces derniers, le plus grand péril restait pourtant à venir. En 2022, les banques centrales sont en effet passées de la marche arrière à la surmultipliée, en haussant leurs taux directeurs au pas de charge. Les personnes qui étaient encore investies en obligations ont ainsi vu ces actifs porteurs d’un rendement famélique enregistrer une importante perte de valeur. Une débâcle, que les anglophones ont baptisée ‘ bondaggedon’. L’armaggedon des obligations.

Pour rappel, les obligations se caractérisent par une valeur nominale fixe et un taux fixe (coupon). Lorsque les taux du marché augmentent, les obligations existantes à taux plus faibles deviennent moins intéressantes pour les investisseurs. De ce fait, ces obligations voient leur valeur de marché diminuer. La raison en est simple : lorsque des obligations à taux plus élevé sont émises, les obligations à plus faible coupon perdent de la valeur pour rester compétitives.

Désert hier, terre fertile aujourd’hui

Le millésime 2022 a été une annus horribilis pour les investisseurs en obligations qui s’étaient cramponnés pendant des années à leurs actifs. Pour les nouveaux acheteurs sur le marché obligataire, le rendement des obligations s’est cependant amélioré depuis lors. Cela s’explique par le fait qu’ils peuvent acquérir des obligations à moindre prix sur le marché secondaire, mais qu’ils en percevront la valeur nominale intégrale à l’échéance, ainsi qu’un coupon dans l’intervalle (ils peuvent bien sûr aussi souscrire à des obligations nouvellement émises).

Pour les investisseurs plus ‘flexibles’, l’année 2022 a plutôt marqué l’ouverture d’un nouveau chapitre. Après une décennie d’aridité, il redevenait possible de dénicher des opportunités dans le segment obligataire. Ces opportunités se sont concrétisées plus vite que prévu. On a en effet assisté à une forte hausse du rendement des obligations avec la hausse des taux directeurs des banques centrales (en mars 2022 pour la Fed et en juillet 2022 pour la BCE). Une hausse à ce point forte que, aujourd’hui, le rendement des obligations d’entreprises Investment Grade1 en euros évolue à son plus haut niveau depuis 2011.

Un certain temps…

Tout semble indiquer que les rendements obligataires actuels se maintiendront pendant un certain temps encore à un niveau élevé. Il y a plusieurs explications à cela. En marge des hausses de leurs taux directeurs, la plupart des grandes banques centrales ont mis un terme à leurs programmes d’achats d’obligations. Certaines d’entre elles ont même commencé à réduire leur portefeuille obligataire. Or, une augmentation de l’offre disponible sur le marché exerce une pression sur les cours et a pour effet de soutenir les rendements élevés.

Ces dernières années, cette situation est en outre compliquée par l’excellente tenue de l’économie américaine. Les USA sont la plus importante économie au monde et exercent une influence considérable sur les marchés financiers et sur l’environnement économique mondial. Les excellents chiffres de la croissance impliquent aussi que l’inflation peut rester forte, et que les taux directeurs doivent en conséquence rester élevés. C’est en vertu de ce mécanisme que le taux des obligations souveraines US à 10 ans est passé d’un plancher de 0,5% en 2020 à ±4,5% à la fin 20232.

Autre élément à prendre en compte, le ministère américain des Finances devra émettre de nouvelles obligations pour financer la substantielle dette publique des États-Unis. Les spécialistes évaluent à 23% l’augmentation moyenne en volume des émissions d’obligations d’État en 20243, pour toutes les maturités. Là aussi, le marché va donc devoir absorber une vague de nouvelles obligations. Parmi les sources de préoccupations, soulignons que les investisseurs japonais – qui ont toujours été de fervents acheteurs d’obligations souveraines US – se tournent de plus en plus vers les obligations nipponnes, et rapatrient donc leurs capitaux. Ce phénomène s’explique par le fait que les obligations japonaises sont devenues sensiblement plus attrayantes que les obligations américaines, après couverture du risque de change.

Mais pas éternellement

Les obligations ne sont pas seulement soumises à des forces haussières. En effet, si les banques centrales devraient maintenir encore pendant un certain temps leurs taux à un niveau élevé, nous ne prévoyons plus de nouvelles hausses de ces taux. Tout au contraire, les forces qui poussent les taux à la baisse se multiplient. Ainsi, on anticipe un ralentissement à court terme de la croissance US, en raison d’un resserrement des conditions de financement, d’une baisse du surplus d’épargne des ménages, ainsi que de la reprise du remboursement des prêts étudiants. Nous nous attendons en outre à une faible récession outre-Atlantique, suivie d’une reprise modérée. Les événements géopolitiques jouent aussi un rôle certain, et notamment le conflit au Moyen-Orient. En période d’incertitude, les préférences des investisseurs vont aux obligations d’État américaines et allemandes en raison de leur sécurité relative. Cette tendance peut également pousser les rendements à la baisse.

Une fenêtre d’opportunité ?

Depuis 2022, le niveau général des taux est remonté de manière spectaculaire. Du fait de la ténacité de l’inflation, il est possible que l’actuel niveau des taux se maintienne pendant un certain temps encore mais, selon nous, le pic est passé. En partant de l’hypothèse que la politique des banques centrales porte ses fruits, elles pourraient commencer à baisser leurs taux à partir du second semestre 2024 – lorsque l’inflation sera maîtrisée – dans le but de stimuler la croissance économique. Cette baisse et cette croissance entraîneront à leur tour une baisse des taux à long terme.

La période actuelle semble donc être une fenêtre d'opportunité idéale pour renforcer le segment obligataire de son portefeuille et ainsi ‘verrouiller’ les rendements actuels pour une période prolongée. Le contexte que les investisseurs en obligations attendaient en vain depuis plusieurs années se matérialise enfin : un rendement nominal (avant inflation) positif et honorable. À ce point honorable même que l’on peut aujourd’hui affirmer, pour la première fois depuis le début de la crise financière de 2008, que les obligations sont devenues intéressantes pour presque tous les profils d’investisseurs.

Nos préférences vont aux obligations d’entreprises Investment Grade1 en euros, qui conjuguent deux atouts : une haute qualité et un rendement attrayant. D’une part, la prime offerte pour le risque émetteur est historiquement assez élevée, parce qu’elle se fonde sur un scénario économique trop négatif. D’autre part, le rendement actuel dans la zone euro (±4,25%) est à son plus haut niveau depuis plus de 10 ans4. Ce rendement continuera à favoriser l’afflux de capitaux dans ce segment, avec pour effet de pousser les cours à la hausse et de comprimer les rendements.

Les taux de défaut ont déjà augmenté pour les obligations High Yield5 et continueront vraisemblablement à évoluer à la hausse à mesure que les émetteurs à faible rating rencontrent des difficultés à se refinancer à des taux plus élevés. Cette évolution nous pousse à faire preuve de circonspection pour cette catégorie, malgré ses rendements plus élevés.

Trois raisons supplémentaires de monter dans le train

Le semestre écoulé a déjà proposé d’intéressantes fenêtres d’embarquement pour les investisseurs désireux de compléter leur portefeuille avec des obligations. Aujourd’hui, tous les feux sont au vert.

  1. Vous pouvez bétonner sur le long terme les rendements attractifs actuels en investissant structurellement une partie de vos avoirs dans des obligations.
  2. Vous pouvez tenter de battre l’inflation moyennant un risque restreint en investissant dans des obligations. Les obligations à moyen et long terme se distinguent actuellement par un rendement notablement supérieur aux prévisions d’inflation sur la même durée.
  3. Le rendement des obligations est à ce point attrayant que vous n’êtes plus dans l’obligation d’opter pour des titres de longue durée (10 ans, par exemple). Même des maturités moindres (jusqu’à 6 ans) permettent aujourd’hui de sécuriser des rendements attrayants.

Investir dans le segment obligataire ?

Les produits d'investissements sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et vous pouvez ne pas récupérer le montant de votre investissement. Toute décision d’investissement doit être conforme à votre Financial ID (profil d’investisseur). Plus d’infos sur deutschebank.be/financialid.

Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement. Fourni exclusivement à titre d’illustration.

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1 Les obligations Investment Grade sont des obligations d’émetteurs dont la situation financière est considérée comme solide. Elles obtiennent une notation comprise entre AAA et BBB- chez Standard & Poor’s, ou équivalent chez Moody’s ou Fitch. Plus la notation est élevée, plus l’investisseur a de chances de récupérer son capital à l’échéance (sauf en cas de faillite de l’émetteur).

2 Bloomberg Finance L.P.

3 Source: reuters.com/markets/rates-bonds/bond-vigilantes-circle-battered-us-treasury-market-2023-10-05/

4 Source: Bloomberg Finance L.P.

5 Les obligations 'Non-Investment Grade' (High Yield) sont des obligations provenant d’émetteurs dont la situation financière est considérée comme beaucoup plus risquée. Elles ont une notation comprise entre BB+ et D chez Standard & Poor’s, ou une notation équivalente chez Moody’s ou Fitch. Comme le risque de défaut de paiement des émetteurs High Yield est sensiblement plus élevé, elles offrent un rendement potentiel plus élevé que les obligations 'Investment Grade'.

6 Le terme "fonds" est l’appellation commune pour un Organisme de Placement collectif (OPC), qui peut exister sous le statut d'OPCVM (UCITS) ou d'OPCA (non–UCITS), et prendre diverses formes juridiques (SICAV , FCP etc). Un OPC peut comporter des compartiments. Les fonds sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant de leur investissement.

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