Mobilité intelligente : les transports réinventés

Investissements

Mobilité intelligente : les transports réinventés

10 novembre 2021 - Lu en 10 min. 

Rédigé par

Diego Jimenez-Albarracin Casado

Investment Officer Europe

En résumé :
  • Le concept de la mobilité intelligente suppose une transformation de l'ensemble de la structure des transports. 
  • Les concepts fondamentaux comprennent l'électromobilité, la connectivité et la mobilité partagée. Les approches d'investissement pourraient passer par les fabricants, les équipementiers, les infrastructures et l'offre de connectivité. 
  • La mobilité intelligente aura de multiples implications pour de nombreux thèmes d'investissement clés, et pas seulement la 5G, l'intelligence artificielle ou les critères ESG en général. 

01. Introduction

Une grande partie de l'opinion publique est aujourd'hui d'accord pour dire qu'il est temps d'agir pour le climat. Ce constat vaut non seulement pour les ‘Millennials’, mais aussi pour toutes les autres générations.
Dans un monde où urbanisation et embouteillages ne font que s'intensifier, la pollution de l'air et la fluidité du trafic constituent des problématiques de plus en plus importantes. Les voitures et les poids lourds conventionnels représentent une part significative des émissions polluantes à travers les particules de dioxyde de carbone, d'oxyde d'azote et d'oxyde de soufre.

Mais ce n'est là que le problème des systèmes de transport existants. Tout cela s'ajoute aux coûts économiques. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les embouteillages auraient à eux seuls un impact négatif de 2 à 5% sur le PIB d’un pays du fait du temps perdu, de la consommation supplémentaire de carburants et du coût accru qu’ils représentent pour les entreprises.

Les systèmes de transport doivent donc s'adapter et c’est déjà visible dans le secteur automobile mondial, qui adopte massivement de nouvelles technologies. On assiste aussi à un changement des habitudes et des préférences des consommateurs, qui remettent en question les modèles d'activité existants. Les ventes de véhicules électriques sont déjà en plein boom et pourraient même dépasser les ventes de véhicules thermiques avant 2040. La politique des gouvernements en matière de taxation et de subsides joue également un rôle majeur à ce niveau.

La mobilité intelligente va toutefois bien au-delà du seul secteur automobile. Une manière d'aborder le sujet consiste à considérer trois thématiques : 
  • l'électromobilité (véhicules électriques) ; 
  • la connectivité (incluant les solutions de conduite autonome) ;
  • la mobilité partagée. 

Comme nous le verrons dans ce rapport, ces tendances ont des implications majeures pour de nombreux autres secteurs, de même que sur notre mode de vie en général.

La mobilité intelligente ne tient pas en une seule solution, mais forme plutôt un mélange complexe de produits, de projets et de services. Certains principes fondamentaux de la mobilité intelligente recouvrent les technologies propres, la sécurité, l'efficacité énergétique, l'intégration, l'accessibilité, les bénéfices pour la société et la flexibilité.

02. Les vecteurs et avantages de l'électromobilité

La réglementation, les coûts, l’efficacité et la réduction de l'empreinte carbone représentent des vecteurs essentiels de l'électromobilité mais d'autres facteurs, comme le déploiement des infrastructures de recharge et le développement de nouveaux véhicules électriques, jouent aussi un rôle.

La réglementation dans la quasi-totalité des grands marchés développés et émergents est de plus en plus favorable à la production de véhicules électriques. De plus en plus de gouvernements, au niveau des villes, des entités fédérées et des États, fixent des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de carbone. 

Les coûts de fabrication des véhicules électriques (VE) diminuent plus vite qu'attendu initialement. En 2010, le coût des batteries pour VE était de 1.200 USD par kilowatt heure (kWh). Aujourd'hui, certaines prévisions dans le secteur automobile font état de la possibilité de produire des batteries pour moins de 100 USD par kWh. 

La simplicité de la conception des VE par rapport aux modèles traditionnels de voitures devrait aussi réduire les coûts de fabrication. Un VE comprend beaucoup moins de pièces mobiles qu'une voiture traditionnelle, dans une proportion d’environ 1 (EV) pour 10 (véhicule thermique), ce qui rend l'assemblage en usine plus rapide et facilite l'entretien pour l'utilisateur. 

L’efficacité énergétique représente un autre avantage des moteurs électriques. Sur 100 km par exemple, un véhicule électrique consomme environ trois fois moins d'énergie qu'un véhicule thermique. Et l'efficacité relative des VE est encore plus grande en ville compte tenu de la faible vitesse et des nombreux freinages.

Les émissions de carbone lors de la fabrication de VE comme de voitures traditionnelles dépendent des sources d'électricité des usines concernées. Dans la plupart des usines, ce mix contient toujours des combustibles fossiles comme le charbon et le gaz naturel. À l'avenir, les installations utilisant des énergies renouvelables auront une empreinte carbone bien plus faible. Pendant la phase d'utilisation, l'empreinte carbone des VE dépend du mix de carburants utilisé pour générer cette électricité. Plus la part des combustibles fossiles est élevée, plus l'empreinte carbone l'est aussi.

03. Les différentes dimensions de la connectivité

L'interconnectivité entre tous les transports et usagers de la route au sein des infrastructures de communication d'une ville peut améliorer sensiblement les capacités des voies de circulation et des centres de dispatching. Les plateformes logicielles intègrent de nouvelles ‘sources de données flottantes’, dont des smartphones et des véhicules connectés, complétant ou remplaçant des sources de données conventionnelles comme les capteurs en bord de route.
 
Les villes doivent veiller à ce que leurs infrastructures technologiques suivent les exigences de l'ère du ‘big data’. Un réseau de télécommunications solide et connecté est essentiel pour la croissance du marché des VA (véhicules autonomes) et des VE. La voiture et ses pendants électriques et autonomes ne sont qu'une partie d'une révolution plus large au niveau de la mobilité. Ils représentent un exemple visible de la manière dont les villes utiliseront les capteurs, l'Internet des objets (IoT) et le big data pour améliorer la qualité de vie et réduire l'impact négatif sur l'environnement.

Les interactions que les nouveaux véhicules auront avec les objets extérieurs et les infrastructures soutiendront la transformation de la mobilité urbaine. Les types de connectivité des véhicules sont multiples : véhicule-piéton, véhicule-véhicule, véhicule-appareils, véhicule-maison (pour les besoins supplémentaires en électricité), véhicule-réseau de données, véhicule-réseau électrique (pour renvoyer l'électricité stockée aux heures de pointe), véhicule-infrastructures (informations sur les embouteillages, les conditions de circulation, les places de stationnement et autres).

Les voitures les plus perfectionnées aujourd'hui embarquent déjà plus de 100 capteurs à bord, générant plusieurs gigabits de données par heure ! Une collecte et une analyse complètes des données permettront de fluidifier le trafic, réduisant ainsi les embouteillages et les accidents dans les zones urbaines. L'intégration de données sur les réseaux urbains, fournies par exemple par des caméras installées sur les feux de signalisation, contribuera à optimiser les flux de circulation.
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Solutions de conduite autonome

Réaliser des véhicules autonomes, entièrement automatisés : voilà qui représente l’un des projets les plus ambitieux de l'histoire de l'automobile.

L'industrie des véhicules autonomes connaît une croissance exponentielle et, selon certaines prévisions, le marché pourrait valoir plus de 65 milliards USD d'ici 2027.

De nombreux obstacles - technologiques, réglementaires et juridiques - devront toutefois encore être surmontés avant de pouvoir envisager une utilisation des véhicules autonomes à grande échelle.
Du fait de cette dépendance par rapport aux données, les réseaux 5G constitueront le principal pilier du développement de la mobilité connectée avec un temps de latence réduit, une plus grande fiabilité et un meilleur débit face à la vitesse plus rapide des véhicules et à l'augmentation de la demande de données.

Les essais de 5G en cours dans plusieurs grandes villes de l'Union européenne étudient la mobilité connectée et les systèmes de transit, et évoluent vers d'autres services d'infrastructures publiques comme l'éclairage, les services de soins de santé ou la réduction de la pollution. Les enchères relatives aux licences 5G aux États-Unis devraient être suivies par le déploiement d'infrastructures qui offriront de nouvelles applications de mobilité et constitueront des soutiens supplémentaires.

04. Le grand potentiel de la mobilité partagée

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Les systèmes de transport partagé comprennent la voiture partagée, les deux-roues partagés, le covoiturage, le covoiturage en temps réel, le covoiturage spontané (‘slugging’), les bus et vans communautaires, le transport à la demande (TAD), le transport adapté (services communautaires sans horaires), une gamme de projets de taxi et même l'auto-stop et ses nombreuses variantes. L'expansion de ces solutions de mobilité et de bien d'autres, y compris la mobilité urbaine aérienne, modifiera notre manière de nous déplacer et de voyager. Les individus disposent aujourd'hui de nombreuses alternatives rentables et pratiques à la détention d'un véhicule et les options devraient encore augmenter au cours de la prochaine décennie.

D’après Bloomberg1, les revenus de l'industrie automobile mondiale devraient pratiquement doubler d'ici 2030 pour passer à 6.600 milliards USD. Les services de mobilité partagée pourraient bien représenter la moitié de cette hausse.

Mais, à vrai dire, qui va capter la plus grande partie de cette croissance attendue ? Certains constructeurs automobiles se sont déjà positionnés en développant leurs propres services ou en s'associant à d'autres acteurs.

Selon le bureau de consultance McKinsey, le marché de la mobilité partagée dépasse aujourd'hui 60 milliards USD sur les trois plus grands marchés que sont la Chine, l'Europe et les États-Unis2. L'avenir pourrait nous réserver une croissance encore plus forte si les taxis-robots et les navettes se multiplient et si la mobilité urbaine aérienne dépasse le stade de la phase pilote. Si ces projets prennent forme, la croissance annuelle des solutions de mobilité partagée pourrait dépasser 20% d'ici 2030.

Si la mobilité partagée est une tendance assez récente, elle n'en a pas moins rapidement modifié le comportement de certains consommateurs. Le fait de passer de la détention d'une voiture individuelle à des formes alternatives de transport constitue une force extrêmement disruptive. Bon nombre des changements seront positifs dans la mesure où la croissance de la mobilité partagée offrira de nouvelles opportunités à de nombreuses entreprises, y compris les constructeurs automobiles, les fournisseurs, les entreprises technologiques et les experts en aérospatiale. 

05. Approches d'investissement

Le thème de la mobilité intelligente peut être abordé de différentes manières. En voici quatre :

Fabricants
  • Fabricants de véhicules électriques.
  • Fournisseurs de groupes motopropulseurs, moteurs électriques, capteurs d'images et systèmes de transmission de données, solutions de conduite autonome.
  • Équipement de production et logiciels de simulation et de prototypage virtuel.


Équipementiers

  • Producteurs de batteries lithium-ion, composants électroniques pour moteurs électriques et recharge de batterie, capteurs et actuateurs, solutions d’éclairage efficient, matériaux légers.


Infrastructures

  • Infrastructures de réseau électrique (réseau principal et réseau de distribution).
  • Chargeurs électriques, y compris chargeurs commerciaux et bornes de recharge rapide.
  • Systèmes de gestion de l'énergie avec génération d'électricité verte, recharge de véhicules électriques et services de réutilisation de l’électricité à partir d’un véhicule électrique (‘vehicle-to-grid’).

Connectivité

  • Logiciels et électronique pour tableaux de bord et cockpits digitaux, ‘infotainment’ & informations pour le conducteur.
  • Services de connectivité, communications de véhicule-à-véhicule.
  • Systèmes avancés d'aide à la conduite (ADAS) avec plateformes de conduite autonome basées sur l'intelligence artificielle (AI) et systèmes de conduite autonome (ADS).

06. Conclusion

Vu l'ampleur de la tâche, la mobilité intelligente devrait offrir des opportunités d'investissement considérables. D'importants investissements devront en effet être effectués dans les réseaux électriques et les réseaux de distribution ainsi que dans le déploiement des infrastructures de recharge. Des alliances entre secteurs (par ex. entre fournisseurs d'énergie, constructeurs automobiles, entreprises d’utilité publique et fournisseurs de services de réseau) pour développer des infrastructures de soutien pour VE sont envisageables. 

Certains devraient être clairement gagnants, comme les fournisseurs de capteurs et de systèmes de connectivité, mais les équipementiers concentrés exclusivement sur la fourniture de pièces pour moteurs thermiques devront repenser leurs modèles d'activité à mesure que les véhicules électriques perceront sur les marchés des voitures et des poids lourds. 

Mais pour évaluer l'impact global de la mobilité intelligente, nous devons regarder plus loin, avec l'impact de la mobilité partagée et de la connectivité des véhicules sur des questions plus larges comme les conditions de conduite et de stationnement, les temps de déplacement, le stress et les taux d'accidents. Nous pouvons déjà observer des progrès pour ce dernier point grâce à l'implémentation de fonctions et de systèmes de sécurité.

En revanche, le débat sur la manière dont la mobilité intelligente influencera la planification urbaine reste entier. Un scénario prévoit une diminution des embouteillages en ville avec, à la clé, moins de voies de circulation nécessaires. L'espace ainsi gagné pourrait être utilisé pour des logements, des espaces verts ou d'autres fonctions urbaines.

D'un autre côté, le côté pratique, le coût, le confort et l'efficacité d'un monde automatisé pourraient doper la demande pour des véhicules sur la route, ce qui pourrait devoir être « freiné » par des systèmes de péage avec suppléments pour les livraisons et déplacements non essentiels (voyage…) aux heures de pointe.

Un autre effet indirect pourrait être une hausse rapide de la demande de cobalt et de lithium pour la production de batteries. 

Au final, la mobilité intelligente aura des implications pour bon nombre de nos autres thèmes d'investissement clés que sont la 5G, la gestion des ressources, l'intelligence artificielle, la cybersécurité, l'économie bleue (extraction de minerais) et pour les critères ESG en général. 

Glossaire

Batterie lithium-ion ou Li-ion : type de batterie rechargeable.
Combustibles fossiles : charbon, pétrole, gaz naturel, schiste et sable bitumineux et pétrole brut lourd.
Émissions de carbone : émissions de carbone (notamment CO2) dans l'atmosphère.
Groupe motopropulseur : ensemble de composants générant la puissance requise pour faire avancer le véhicule et transmettant la puissance aux roues.
Indice MSCI World : grand indice d'actions regroupant des sociétés de grande et moyenne capitalisation de 23 pays développés.
OEM (Original Equipment Manufacturers) : fabricants d'équipements d'origine qui fabriquent des systèmes ou des composants utilisés dans le produit fini d'une autre société.
VA : véhicule autonome.
VE : véhicule électrique.

Investir dans la mobilité du futur ?

1 Source: Bloomberg (2021): Nicholas Albanese: ‘China Ramps Up its Autonomous Vehicle Development?’ https://www.bloomberg.com/news/newsletters/2021-05-04/hyperdrive-daily-china-ramps-up-its-autonomous-vehicle-development

2 Source: McKinsey (2021). Kersten Heineke, Timo Möller, AsutoshPadhi, Dennis Schwedhelm, and Andreas Tschiesner: The irresistible momentum behind clean, electric, connected mobility: Four key trends. April, 2021

3 Le terme « fonds » est l’appellation habituelle pour un organisme de placement collectif (OPC), qui peut exister sous le statut d’OPCVM (UCITS) ou d’OPCA (non UCITS), et prendre diverses formes juridiques (SICAV, FCP, etc.). Un OPC peut comporter des compartiments. Les fonds sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant de leur investissement.

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