Au pouvoir depuis 2005, Angela Merkel est une des personnalités les plus stables de la scène politique, tant européenne que mondiale. Au cours de ses 16 années en tant que Chancelière allemande, elle a remporté quatre élections pour son parti, le CDU. Mme Merkel a survécu à de multiples tempêtes : le choc financier de 2008, la crise des réfugiés (le fameux « Wir schaffen das »), le Covid et la montée du populisme en Europe, tout en tenant la dragée haute à Donald Trump et à Vladimir Poutine. Sous sa houlette, l’économie allemande s’est débarrassée de son statut de parent pauvre de l’Europe, pour devenir un pilier du Vieux Continent.
Angela Merkel est également connue pour son indécision et son pragmatisme. Comme le formule un de ses biographes, son approche des problèmes consiste à ‘attendre que ça passe’. Au lieu de nourrir de grands projets, elle s’efforce de ‘résoudre les problèmes du jour, d’une manière qui lui permet de rester au pouvoir’. D’abord, elle était favorable à l’énergie nucléaire. Après Fukushima, elle a changé d’avis. Durant la crise de l’euro, elle s’est érigée en ‘Chancelière de fer’ contre les Grecs, à la grande satisfaction de l’Allemagne conservatrice. En 2015, elle s’est par contre muée en ‘Mère Thérésa’ pour accueillir les réfugiés syriens.
Quoi qu’il en soit, la succession d’Angela Merkel sera difficile à assumer. Aux yeux des investisseurs, les deux points essentiels de l’agenda politique allemand sont le changement climatique et la politique budgétaire. Jusqu’à présent, les partis qui ont une chance de participer à un gouvernement sont restés relativement vagues sur ces deux thématiques. Il n’y a rien d’étonnant à cela. En Allemagne, il est impossible de gouverner en dehors d’une coalition. Plus les partis tracent de lignes rouges avant les élections, plus les négociations post-électorales seront épineuses. Aujourd'hui, impossible donc de lire clairement dans les cartes des différents partis. Des certitudes se dessinent néanmoins.
Un des grands enjeux des prochaines années est le changement climatique, certainement au lendemain des inondations catastrophiques de l’été. En juin dernier, le parlement a voté la ‘Klimaschutzgesetz’ 2021 (loi de protection climatique). Cette loi avance de 2050 à 2045 l’objectif de neutralité carbone pour l’ensemble du pays. Cet objectif climatique est particulièrement ambitieux. Die Grünen – qui pourraient faire partie de la prochaine coalition – souhaitent même encore anticiper cette échéance, à 2040. Au sein d’une coalition, très certainement si le CDU/CSU ou le FDP en font partie, le parti écologiste allemand devrait toutefois avoir beaucoup de mal à faire accepter ce vœu.
Quelle que soit la coalition qui se forme, le climat sera un thème central de l’accord de gouvernement. La nouvelle échéance fixée pour atteindre les objectifs climatiques ne devrait pas être modifiée. L’investissement dans des solutions qui contribuent à freiner le changement climatique reste plus que jamais une opportunité attrayante à long terme, et ce que la coalition soit teintée de vert clair ou de vert foncé.
La principale ligne de fracture entre les partis de gauche et les partis conservateurs réside dans la politique fiscale. À en juger par leur programme, une coalition entre le CDU/CSU et le FDP pourrait déboucher sur un allègement fiscal pour tous les citoyens. Le budget pourrait toutefois s’en trouver sous pression, avec pour effet collatéral d’accroître légèrement les inégalités de revenus.
Une coalition de gauche, rassemblant Die Grünen, le SPD et Die Linke, axerait selon toute vraisemblance sa politique budgétaire sur la réduction de ces inégalités, et ce par un allègement de la pression fiscale au bas de l’échelle, combiné à un surcroît de taxation des catégories supérieures. Les projets de la gauche allemande auraient pour but d’injecter davantage de fonds dans le budget de l'État.
La pression fiscale cumulée que supportent actuellement les entreprises est de 30% environ. Les différents partis formulent dans ce domaine des propositions très divergentes, allant d’une baisse à 25% dans le clan libéral à un renforcement à 40% pour la gauche. Quant aux écologistes, ils plaident pour un impôt des sociétés minimum de 25% dans l’ensemble de l’Union européenne.
Les partis qui, dans leur programme, souhaitent mettre le budget sous pression – en particulier le FDP – disent vouloir freiner dès que possible l’emballement de la dette et revenir à un budget en équilibre. Les partis situés plus à gauche de l’échiquier veulent au contraire davantage de marge de manœuvre pour emprunter. Die Linke envisage même de desserrer totalement le ‘frein à la dette’ (un mécanisme qui limite la capacité d’emprunt annuelle des pouvoirs publics à 0,35% du PIB).
En comparaison avec les autres pays, l’Allemagne est à la traîne depuis plusieurs années en matière d’investissements publics. En chœur, tous les partis souhaitent combler cette lacune, en investissant massivement dans de multiples secteurs : isolation des bâtiments, construction d’infrastructures pour le transport électrique et la production d’énergie durable, etc. Les partis s’accordent aussi sur un autre point : des investissements substantiels dans l’enseignement et la digitalisation.
Selon toute vraisemblance, la prochaine coalition gouvernementale devrait fortement intensifier les investissements publics, une décision de nature à offrir des opportunités aux investisseurs qui misent sur les infrastructures, la technologie et (une fois de plus) les solutions environnementales. Dans cette hypothèse, un nouvel allègement de la pression fiscale n’est pas réaliste, quels que soient les partis au pouvoir. Le cap budgétaire que choisira l’Allemagne peut être important pour les investisseurs en obligations. Un surcroît de dépenses (financées par de la dette) impliquerait une nette augmentation de l’émission d’obligations souveraines. Une augmentation des dépenses publiques peut toutefois aussi attiser l’inflation, avec à la clé un risque de surchauffe.
Malgré certaines divergences, les quatre partis qui ont le plus de chances de participer à une coalition - CDU/CSU, FDP, Die Grünen et SPD – sont pro-européens et pro-atlantiques. Tous sont favorables à une intensification de l’intégration européenne via l’UE et considèrent l’OTAN comme un élément essentiel de la politique étrangère et de la défense allemande.
Pour ce qui concerne les relations avec la Russie, tous les partis – sauf l’AfD et Die Linke - sont en faveur d’un subtil équilibre entre la poursuite des interactions avec ce pays et la réaction à certaines de ses visées. Ils considèrent comme essentiels le dialogue et la collaboration avec la Russie sur certaines questions, comme le changement climatique. Il faut savoir que l’Allemagne est fortement dépendante de l’énergie russe.
Le CDU/CSU, le FDP, Die Grünen et le SPD plaident pour la mise en œuvre d’une stratégie européenne commune à l’égard de la Chine. Les conservateurs et les Verts se prononcent aussi pour une collaboration transatlantique dans les relations avec la Chine. Via l’approche 'Wandel durch Handel', l’Allemagne a tenté par le passé d’utiliser ses relations économiques avec l’Empire du Milieu pour l’encourager à mener des réformes progressistes. Sans succès, malheureusement.
Une détérioration des relations sino-allemandes pourrait influencer négativement (temporairement) le ressenti des investisseurs. Selon toute vraisemblance, l’Allemagne devrait adopter une attitude plus ferme à l’égard de la Chine, en matière d’acquisition d’entreprises, de technologie et de droits humains. Un changement radical – ‘trumpien’ – de sa politique étrangère avec la Chine et la Russie est cependant improbable, eu égard à l’importance de la Chine comme marché d’exportation et de la Russie comme fournisseur d’énergie.
Le présent article est inspiré de l’article DWS: German Federal Election et du rapport German Élections - life after Merkel du groupe Deutsche Bank (documents disponibles en anglais uniquement).
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