Économie mondiale

Marchés & Investissements - 27 décembre 2023

Économie mondiale : vers un ralentissement contrôlé

Rédigé par David Ghezal - Senior Investment Strategist

En résumé :
  • Les taux directeurs élevés freinent non seulement l’inflation, mais aussi la croissance économique.
  • Bien que l’activité faiblisse et que les poudrières géopolitiques continuent à couver, nous estimons qu’une récession mondiale n’est pas à l’ordre du jour.
  • La constance de la croissance en Asie – et en particulier en Inde – devrait compenser le ralentissement dans les pays industrialisés.

États-Unis : le temps est venu de modérer l’allure

L’économie américaine a poursuivi son essor au 3e trimestre, en affichant une croissance annualisée du PIB (produit intérieur brut) de 5,2%. Taux d’intérêt élevés, inquiétudes géopolitiques ou baisse des réserves d’épargne ? Les ménages ne s’en sont guère souciés, notamment grâce à la bonne santé du marché de l’emploi. L’Américain moyen a vu l’argent affluer et n’a pas hésité à le dépenser à nouveau. Cela s’est traduit non seulement par une augmentation de la consommation de biens, mais aussi par une hausse significative des dépenses consacrées aux activités de loisirs (concerts, voyages …).

Malgré cette forte dynamique, les cartes sont légèrement différentes aujourd’hui de celles d’il y a quelques mois. Le marché du travail n’est plus en pleine effervescence et l’inflation s’est également en partie calmée. L’excédent d’épargne des ménages – constitué pendant la pandémie – devrait continuer à se réduire, le moratoire sur le remboursement des prêts étudiants est fini et les conditions générales de financement se sont resserrées. Nous anticipons dès lors que les consommateurs délieront moins souvent les cordons de leur bourse en 2024. Le durcissement des conditions de crédit devrait également freiner les investissements des entreprises. Nous nous attendons donc à un ralentissement au cours des prochains trimestres. Pour 2024, nous tablons sur une croissance de 0,8%, après une croissance plus que solide de 2,3% en 2023. Bien qu’un atterrissage en douceur constitue notre scénario de base, il reste à voir si ce sera effectivement le cas. Une légère récession ne peut a priori pas être écartée.

Pour la Réserve fédérale (Fed), la normalisation du marché du travail et la baisse de l’inflation constituent des évolutions encourageantes. Seulement, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’inflation revienne autour de 2%. Si la Fed a achevé sa série de hausses de taux (le taux directeur se situe entre 5,25% et 5,50%), cela ne signifie pas que des baisses de taux soient imminentes. Avant cela, les chiffres devront également montrer que l’inflation continue de se modérer. Nous n’anticipons pas de première baisse des taux d’intérêt avant mi-2024.

Zone euro : un nouvel élan est nécessaire

L’économie de la zone euro a connu un coup d’arrêt au cours de ces derniers trimestres. Après une croissance nulle au 2e trimestre, l’économie s’est même légèrement contractée au 3e trimestre (-0,1 %). Le resserrement des conditions de financement et l’augmentation du coût du crédit pèsent de plus en plus sur l’activité, en particulier sur l’investissement et la construction. La faiblesse de la demande mondiale est un frein supplémentaire pour les secteurs orientés vers l’exportation. Le sentiment dans les secteurs de l’industrie manufacturière et des services n’est pas au beau fixe et les indices des directeurs d’achat suggèrent que l’économie devrait rester faible, voire enregistrer une récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction) à court terme.

Nous anticipons une croissance modeste en 2024, mais une (forte) récession semble peu probable. La consommation privée devrait bénéficier de la hausse du revenu disponible réel des ménages, grâce au marché du travail relativement dynamique et à la poursuite de la baisse de l’inflation. Les exportations devraient elles aussi finir par suivre la reprise de la demande extérieure. En outre, le plan de relance ‘Next Generation EU’, déployé en 2021 pour améliorer la compétitivité et financer la transition verte et numérique, devrait progressivement avoir un impact positif sur l’économie.

Compte tenu d’une croissance anémique et de la forte baisse de l’inflation au cours des derniers mois (à son plus bas niveau depuis 2 ans), la Banque centrale européenne (BCE) a cessé de relever ses taux d’intérêt directeurs ; le taux de dépôt est actuellement de 4%. La BCE devrait maintenir les taux à leur niveau actuel pendant un certain temps, jusqu’à ce que les pressions inflationnistes se relâchent davantage et que l’objectif d’inflation de 2% soit en vue. À l’instar de la Fed, nous ne nous attendons pas à ce que la BCE abaisse ses taux avant mi-2024.

Japon : croissance supérieure à son potentiel

Après un premier semestre tonitruant, l’économie japonaise s’est affaiblie comme prévu au 3e trimestre (-0,5% par rapport au 2e trimestre). Le rebond consécutif à la levée des restrictions s’est largement estompé, et tant la demande intérieure que les exportations ont reculé. L’inflation élevée a également mis un frein aux dépenses de consommation des Japonais ces derniers mois. Malgré ce revers, le PIB du Japon devrait avoir augmenté de plus de 2% sur l’année écoulée, ce qui est mieux que prévu.

Pour maintenir la flamme allumée, le gouvernement a annoncé un plan de relance massif de 17.000 milliards de yens (plus de 105 milliards d’euros). Il comprend notamment une réduction de l’impôt sur le revenu et une prolongation des subventions à l’énergie afin de soutenir le pouvoir d’achat des ménages et de stimuler la croissance. Il s’agit également de renforcer la production nationale de semi-conducteurs et d’investir dans la transition verte et les infrastructures. Les pouvoirs publics souhaitent également que les salaires progressent davantage l’an prochain, surtout dans les petites et moyennes entreprises, car cela constituerait un levier positif majeur pour l’économie nippone. Enfin, nous pensons que la Banque du Japon restera prudente dans la normalisation de sa politique monétaire afin de ne pas compromettre la reprise, et qu’elle devrait globalement maintenir une politique très souple.

La combinaison de ces différents facteurs devrait permettre à l’économie japonaise de continuer à croître à un rythme supérieur à son potentiel, avec une croissance attendue autour de 1% l’an prochain.

Chine : prête à sortir de l’ornière ?

Un an après la réouverture de l’économie, la reprise en Chine n’est toujours pas sur la bonne voie. Au cours des deux dernières années, la croissance n’a été ‘que’ de 4,1%. Ce chiffre est nettement inférieur à la croissance de plus de 6% à laquelle nous avions été habitués auparavant. L’économie chinoise est loin de tourner à plein régime. Le marché du travail n’est pas au mieux de sa forme, la demande de financement est en berne et la Chine flirte avec la déflation. Les difficultés du secteur immobilier et la forte baisse de l’inflation ont créé un cercle vicieux entre les dépenses de consommation, les bénéfices des entreprises et les prévisions de ventes et de prix. Un choc positif est nécessaire pour sortir de cette spirale.

Seul le gouvernement peut relancer l’économie grâce à des politiques plus fortes et plus coordonnées. Nous supposons que Pékin s’engagera davantage et fixera un objectif de ‘croissance supérieure à 4,5%’ pour 2024. L’expansion budgétaire est l’outil politique le plus efficace pour stimuler la demande et faire monter les prix dans le contexte actuel de croissance et d’inflation relativement faibles. Le gouvernement a déjà assoupli sa politique budgétaire au 3e trimestre en accélérant les dépenses et en aidant les gouvernements régionaux et locaux à faire face à leurs problèmes d’endettement. Il a également annoncé récemment de nouvelles mesures d’incitation pour les investissements dans les infrastructures et le logement, ainsi que de nouvelles initiatives pour soutenir les promoteurs immobiliers en difficulté.

Inde : à toute vapeur

Jusqu’à présent, l’économie indienne a fait preuve d’une résistance remarquable. Selon nos projections actuelles, la croissance du PIB sera d’environ 6,4% en 2023, ce qui est supérieur à la prévision de 6% que nous avions faite l’année dernière à la même époque. Cette croissance inattendue est due au renforcement de l’activité industrielle, ce qui montre également que l’Inde bénéficie du réalignement des chaînes d’approvisionnement globales et devient un acteur de plus en plus important sur la scène internationale.

Bien que la croissance se soit avérée plus forte que prévu en 2023, la dynamique devrait ralentir légèrement à partir de 2024. Cela est dû à l’impact différé du resserrement de la politique monétaire et à la modération de la demande refoulée. L’Inde ne devrait pas non plus être immunisée contre le ralentissement de la croissance mondiale. Enfin, les facteurs météorologiques défavorables (notamment El Niño) pourraient également perturber le secteur agricole. Néanmoins, nous estimons que l’Inde devrait encore être en mesure d’afficher une croissance de plus de 6% en 2024, confirmant ainsi son statut d’économie à la croissance la plus rapide au monde.

Prévisions de croissance pour 2023 – 2024 (PIB réel, %)

 

 2023

 2024

Monde
3,0 (+0,1)*
2,8 (+0,1)
États-Unis
2,3 (+0,3)
0,8 (+0,4)
Zone euro
0,7 (-0,1)
0,7 (-0,2)
Royaume-Uni
0,5 (+0,2)
0,6 (-0,1)
Japon
2,1
1,0 (-0,1)
Chine
5,2 (+0,4)
4,7 (+0,2)
Inde
6,4 (+0,2)
6,2
Brésil
3,0
1,5
Russie
2,0 (+1,0)
1,5

Source: Deutsche Bank Wealth Management, novembre 2023
* Révisions à la hausse et à la baisse par rapport à octobre 2023

Les prévisions contenues dans le présent article sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques de Deutsche Bank AG Succursale de Bruxelles, qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

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