Rédigé par
Wim D'Haese
Head Investment Strategist
En résumé :
Les 100 premiers jours d’une nouvelle administration permettent aux nouveaux dirigeants de mettre en avant leurs priorités.
Pour M. Biden, la reprise de la croissance économique et du marché de l’emploi ne suffiront pas. Du côté diplomatique aussi, la nouvelle administration américaine cherchera à restaurer la confiance en rétablissant des alliances, afin de redonner aux États-Unis son rôle de leader sur la scène mondiale.
Nous mettons en évidence les initiatives clés sur lesquelles le nouveau président a choisi de se concentrer au cours des 100 premiers jours, tout en vous fournissant un guide de ce à quoi les investisseurs peuvent s’attendre.
Nous les avons divisées en quatre domaines.
Déployer la campagne de vaccination contre le Covid aussi rapidement que possible a toujours été un préalable essentiel à une réouverture durable de l'économie américaine. Alors que M. Biden s'était fixé comme objectif initial d’administrer 100 millions de doses au cours des 100 premiers jours de son mandat, les États-Unis auront finalement réussi à atteindre le cap des 200 millions de vaccinations en avril.
Si les USA maintiennent leur rythme de vaccination d'environ 1% de la population adulte par jour, 3 mois devraient suffire à atteindre le seuil de 75%, considéré comme un niveau important pour atteindre l'immunité de groupe. Le rythme de vaccination reste crucial, compte tenu des nouveaux variants du coronavirus, mais à ce jour, la campagne vaccinale aux États-Unis a été l'une des plus rapides et des plus efficaces au monde.
Les « Bears » sur le dollar (soit ceux qui ont une vue pessimiste sur billet vert) ont longtemps pointé du doigt les « déficits jumeaux » élevés aux USA (un déficit budgétaire cumulé à un déficit courant) comme une raison pour vendre le dollar. Ces deux déficits ont encore été exacerbés par la pandémie.
Les variations dans les progrès de la vaccination ont également eu un impact significatif sur les marchés des changes. Au premier trimestre, l'accélération des développements des vaccins semble avoir été l'un des facteurs ayant donné un coup de fouet au dollar, malgré le pessimisme des investisseurs en début d'année.
Nous pensons toujours que les différentiels de croissance et de taux d'intérêt en faveur des États-Unis soutiendront la vigueur du dollar à moyen et à long terme, ce qui le ramènera dans une fourchette comprise entre 1,15 et 1,20 EUR/USD.
L'administration Biden a entrepris d'ouvrir encore davantage les robinets budgétaires avec son premier ensemble de mesures historiques, baptisé « American Rescue Plan » (ARP, plan de sauvetage américain). L'ARP est centré sur l’envoi de chèques de relance de 1.400 dollars aux consommateurs, ce qui porte le total des chèques de relance à 2.000 dollars depuis décembre 2020. La réponse budgétaire américaine au coronavirus est d’ores et déjà la plus grande mesure de relance budgétaire jamais mise en œuvre en temps de paix.
Le plan de sauvetage américain de 1.900 milliards de dollars (ainsi que les deux projets de loi précédents sous l'administration Trump) est beaucoup plus concentré sur la phase de redémarrage de l’économie, ce qui le différencie nettement des plans de relance historiques. Les chèques de relance ainsi que la hausse des allocations de chômage ont contribué à préparer l'économie américaine à un redémarrage rapide.
Contrairement à une récession classique, les revenus des citoyens américains ont, en réalité, augmenté pendant la pandémie (grâce aux aides publiques). Le taux d'épargne des ménages a atteint 33,7%, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré. Les ménages ont en effet thésaurisé leurs chèques de relance, créant ainsi un excédent d'épargne de 1.700 milliards de dollars. Par conséquent, la croissance en 2021 devrait être principalement tirée par une forte consommation des ménages, à mesure que la réouverture se poursuivra. Nous prévoyons une croissance du PIB de 5% pour l'ensemble de l'année 2021, la plus forte depuis 1984. La croissance de la consommation devrait quant à elle atteindre 6,8% (consensus), un record depuis le début des années 1950.
Certains secteurs profiteront plus particulièrement de la grande réouverture de l'économie grâce à la solidité de la consommation et à la reflation. Le secteur de la consommation discrétionnaire est susceptible de connaître un rattrapage dans certains des secteurs les plus touchés par la pandémie, comme l'habillement et l’hôtellerie.
Le secteur financier devrait continuer à bénéficier d'une normalisation des taux d’intérêt, tout en offrant toujours une décote de valorisation raisonnable. Le secteur financier est actuellement le secteur le moins cher, si l'on compare son cours à la croissance anticipée des bénéfices au cours des 12 prochains mois.
Sur le marché obligataire, l'histoire suggère que la courbe des taux a tendance à se pentifier jusqu'à 250 points de base (différence entre le taux à 10 ans et le taux à 2 ans) avant que la Fed n'entame un nouveau cycle de hausse des taux. Les investisseurs pourraient chercher un moyen de raccourcir la duration globale de leur portefeuille obligataire. Les obligations à haut rendement (High Yield) ont tendance à être soutenues par la baisse des défauts que l'on observe habituellement à ce stade du cycle économique.
« Build Back Better » a longtemps été un slogan de campagne du candidat Biden, destiné à construire un projet et une vision en tant que tels en dehors du monde post-Covid. La nécessité d'investissements stratégiques dans les infrastructures du pays a toujours bénéficié d'un soutien de la part des Démocrates et des Républicains.
Au début du mois d’avril, la Maison-Blanche a publié ses désidératas pour l’American Jobs Plan (AJP, Plan pour l'emploi américain). Les dépenses totales de 2.250 milliards de dollars peuvent être scindées en deux composantes :
D'autres dépenses d'infrastructure pourraient venir s’ajouter à la liste. M. Biden a présenté l'American Family Plan (AFP, plan américain pour les familles), qui prévoit des dépenses supplémentaires de 1.800 milliards de dollars. Cela porte à plus de 4.000 milliards de dollars le montant total des mesures de relance en termes d’infrastructures, au sens large. Le principal objectif de l'AFP sera d'offrir des avantages en matière de capital humain, tels que des crédits d'impôt pour réduire la pauvreté et les frais de garde d'enfants, la gratuité de la maternelle et des collèges publics, ainsi qu’un programme national de congés payés. Nous pensons aussi que le renforcement de l’Affordable Care Act (loi sur les soins de santé abordables) par le biais de l'AFP aura un effet bénéfique sur le secteur des soins de santé.
La composante ESG (environnement, société et gouvernance) des investissements en infrastructures sera très importante. L'un des principaux objectifs de la proposition de M. Biden est de s'attaquer à la crise climatique en mettant l'accent sur les énergies vertes et renouvelables. Le financement d’initiatives en matière d'énergies propres (pensons aux véhicules électriques et aux millions de bornes de recharge supplémentaires) ainsi que la modernisation des bâtiments et la conscientisation des ménages à réduire leurs émissions sont autant de thèmes ESG clés que les investisseurs devraient prendre en compte dans le cadre de leur allocation d’actifs stratégique. En outre, l'énergie durable ou renouvelable jouera également un rôle essentiel dans les futurs plans énergétiques du pays. Les investisseurs doivent continuer à rechercher des allocations ESG en vue d’améliorer la performance ajustée au risque, en particulier dans le sillage de l'American Jobs Plan.
D'un point de vue sectoriel, une approche de type hybride (aussi appelée ‘barbell’ dans le jargon) peut s’avérer intéressante pour combiner le potentiel haussier des valeurs cycliques avec celui des secteurs de croissance de qualité plus robuste, comme la technologie. Les valeurs de croissance de qualité devraient dégager un flux de bénéfices plus stable, tout en bénéficiant des tendances de croissance séculaires (telles que la digitalisation) à long terme.
À un niveau sous-sectoriel, les semi-conducteurs sont susceptibles de jouer un rôle essentiel dans l'expansion des réseaux à large bande dans les zones rurales, ainsi que dans le thème plus large de l'électrification présent dans le plan d’infrastructures. L'industrie automobile devrait également bénéficier de l'accélération de la transition colossale qui s’opère au détriment des moteurs thermiques. Le plan de M. Biden comprend une approche diversifiée de 174 milliards USD pour stimuler la production de véhicules électriques, ce qui devrait donner un coup de pouce supplémentaire au secteur de la consommation discrétionnaire.
Les investisseurs devraient également envisager d'investir dans des grands noms du secteur de l’infrastructure au sens large. L'infrastructure est l'un de nos principaux thèmes d'investissement mondiaux depuis 2018, et ces initiatives politiques viennent renforcer les arguments en sa faveur.
En dehors des investissements typiquement défensifs tels que les routes, l'AJP se concentrera sur le renforcement des infrastructures de réseau pour soutenir la large bande et le maillage digital dans les zones plus rurales. Les mégatendances dans les tours de télécommunication, les centres de données et la fibre optique devraient s’en trouver exacerbées.
Ces propositions ambitieuses en matière d'infrastructures (tant physiques qu'humaines) devraient être partiellement financées par de nouvelles taxes sur les riches, notamment en fermant certaines portes dérobées dans le régime fiscal américain. La Maison-Blanche a récemment proposé un relèvement significatif des taux de taxation des plus-values et des dividendes, qui porterait le taux maximal à 39,6% pour les ménages dont les revenus s’élèvent à au moins 1 million de dollars par an. Une augmentation de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de 37% à 39,6% est également envisagée pour les plus hauts revenus.
L'administration a choisi de financer les dépenses de l’American Jobs Plan (AJP) principalement par des augmentations du taux d'imposition des sociétés. Les propositions de M. Biden visent également à faire évoluer les États-Unis vers un système mondial fondé sur les revenus (de sorte que les entreprises seraient redevables d’un montant minimum sur leurs revenus mondiaux), ce qui découragerait le recours aux entités intermédiaires ‘offshore’ qui ont gagné en popularité depuis le début des années 1980.
L'augmentation des impôts des particuliers et des sociétés n’a aucune chance avec les Républicains et, vu la majorité démocrate très mince au Sénat, les investisseurs devront surveiller de près les opinions et le comportement de la cohorte modérée d’élus démocrates. Cela atténuera probablement les perspectives de hausses d'impôts importantes pour les particuliers et les entreprises.
Néanmoins, nous partons du principe que les bénéfices par action (BPA) en seront affectés de 14 USD (soit 7%) par rapport à notre prévision de BPA de 191 USD pour 2022 pour le S&P 500. Les multinationales dont les revenus proviennent de ‘paradis fiscaux’ pourraient faire l'objet de la plus grande attention. L'augmentation du revenu mondial incorporel faiblement imposé (GILTI) vise spécifiquement les grandes multinationales de la technologie qui placent leurs bénéfices dans des zones ‘offshore’ faiblement taxées via des actifs incorporels tels que des codes logiciels, des brevets et d'autres propriétés intellectuelles.
Un peu plus de cent jours après l’intronisation de l'administration Biden, la situation macroéconomique générale des États-Unis semble s'améliorer et la stratégie de vaccination a sans doute été l’une des plus efficaces et rapides de tous les grands pays développés. Les mesures extraordinaires de relance budgétaire qui ont été adoptées (tant par la nouvelle administration que par la précédente) depuis le début de la pandémie ont préparé l'économie américaine à une grande réouverture, qui devrait s’intensifier durant ce deuxième trimestre de 2021 et se poursuivre ensuite.
Les investisseurs doivent également se souvenir que les marchés financiers anticipent l’évolution économique. À ce titre, les marchés semblent actuellement s'attendre à une adoption législative relativement aisée des initiatives globales « Build Back Better ». La dynamique partisane et une majorité démocrate étroite au Congrès pourraient cependant donner lieu à des compromis en termes d'ampleur des hausses d'impôts et de dépenses. Lorsque l’on sait que le S&P 500 a réalisé, au cours des 100 premiers jours de la présidence de M. Biden, sa plus forte performance depuis 1932, et que les cours boursiers sont proches de leurs plus hauts historiques, le marché serait déçu si les développements positifs déjà intégrés dans les cours ne se produisaient pas. Dans un contexte de volatilité probable, les investisseurs doivent rester concentrés sur leurs objectifs à long terme tout en maintenant une allocation d’actifs stratégique diversifiée qui devrait générer une performance solide au fil du temps.
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