2, le chiffre le plus crucial du siècle

Investissements

2, le chiffre le plus crucial du siècle

24 août 2021 - Lu en 3 min 30

Rédigé par

Wim D'Haese
Head Investment Strategist

En résumé :
  • Le rush visant à limiter à 2°C la hausse des températures par rapport au niveau préindustriel s’accompagne d’une autre ruée : celle sur les métaux qui seront nécessaires pour que la vie sur terre reste climatiquement supportable.
  • Plusieurs métaux pourraient en profiter, tels que le cuivre, le nickel et l’aluminium, en particulier pour le secteur des transports et des déplacements individuels.

Les matières premières – et les métaux en particulier – sont une classe d’actifs appelée à jouer un rôle décisif dans la transition vers un monde climatiquement supportable. Les matières premières sont les pierres angulaires de l’économie. Mais la transition ne se déroulera pas de manière identique pour chacune d’entre elles. À quel scénario s’attendre dans les prochaines décennies ?

Première phase : le démarrage (dans les 5 prochaines années)

À mesure que nous évoluons vers un monde climatiquement supportable, nous allons devoir modifier nos infrastructures et sources énergétiques. Ce processus nécessitera des efforts et investissements considérables de la part de tous : États, entreprises et particuliers. Cette transition ne se fera pas du jour au lendemain. À notre avis, le verdissement du marché des matières premières relèvera davantage de l’évolution que de la révolution, avec une transition en plusieurs phases.

Lentement mais sûrement

La première phase consistera à remplacer directement certaines technologies ‘carbone’ existantes par des technologies ‘propres’. Parmi les exemples les plus marquants, citons le secteur du transport et des déplacements individuels. Ce secteur est une importante source d’émissions : 15,1% des émissions de gaz à effet de serre sont générées par les transports1. Seul hic, le remplacement du moteur à explosion n’est pas une mince affaire.

Pour illustrer l’ampleur du défi, observons la Chine. Depuis quelques années, ce pays a rejoint les États-Unis au rang de plus grand marché national pour les voitures neuves. La Chine a toutefois décrété que plus aucune voiture à moteur à combustion ne pourrait être vendue à partir de 2035. Malgré les subventions publiques accordées depuis 2013, 10% seulement des nouvelles voitures achetées par les Chinois en 2020 sont des véhicules électriques (EV)2. La lenteur de cette transition dans une des deux plus grandes économies mondiales semble confirmer notre thèse : la décarbonation se fera progressivement, et non sous forme de ‘big bang’.

Palladium, rhodium et platine

À mesure que le parc automobile mondial se renouvelle, les États continueront selon toute probabilité à renforcer les normes d’émission applicables aux véhicules conventionnels. Durant cette phase, la demande en métaux précieux industriels va probablement augmenter. Ces métaux sont utilisés dans la fabrication des systèmes d’échappement, et servent à réduire les émissions de composés toxiques. Les solutions alternatives, telles que la réduction de la puissance des moteurs, n’étant pas infinies, le renforcement des normes d’émission devrait induire un accroissement de la demande en métaux tels que le palladium, le rhodium et le platine. Pour la plupart de ces métaux, la demande excède déjà l’offre, de sorte que toute augmentation de cette demande devrait pousser les prix à la hausse à court terme.

Le cuivre à l’honneur

À mesure que les véhicules électriques gagnent en popularité, de nouvelles infrastructures seront nécessaires pour les pourvoir en énergie. Citons d’abord le réseau de rechargement, tant privé que public. La généralisation des EV engendrera aussi une nette augmentation de la demande en électricité, ce qui nécessitera des investissements additionnels pour accroître la capacité du réseau. Dans ce domaine, les métaux industriels tels que le cuivre jouent un rôle clé. Un véhicule électrique contient en effet de 3 à 4 fois plus de cuivre qu’une voiture conventionnelle.

L’émergence des véhicules électriques devrait aussi doper la demande pour d’autres métaux, tels que le nickel et le cobalt, qui entrent dans la fabrication des batteries.

Outre le secteur des transports, la construction, l’industrie et l’électronique sont aussi de grands consommateurs de cuivre. Selon nos prévisions, ces différents secteurs devraient rester robustes.

Pour décarboner la production d’électricité, nous nous attendons à ce que les technologies éoliennes et solaires jouent un rôle majeur. Toutes deux requièrent davantage de cuivre que les technologies conventionnelles pour produire une même quantité d’énergie. Cette transition aura aussi pour effet de stimuler la demande pour le cuivre.

Le rush sur les métaux

Du côté de l’offre, nous n’anticipons pas à l’heure actuelle de réaction notable des producteurs. À l’issue d’une longue période de prix bas pour les matières premières, les investissements se sont réduits à peau de chagrin. Les nouveaux projets ou extensions de capacité se sont donc raréfiés. Cette évolution soutient les prix, d’autant qu’elle se conjugue aux fastidieux échéanciers d’approbation et de mise en œuvre de nouveaux projets.

En résumé, on peut s’attendre à ce que, durant cette première phase, ce soient surtout le cuivre, le nickel, le palladium et le platine qui profitent de la décarbonation, en particulier dans le secteur des transports.

Deuxième phase : l’accélération (les 10 à 15 prochaines années)

À mesure que le monde évolue vers une économie climatiquement supportable, la part de marché des technologies décarbonées devrait augmenter, au détriment des technologies fossiles. Ce qui distinguera cette phase (l’accélération) de la première (le démarrage), c’est que la transition n’impactera plus seulement les secteurs qui évoluent rapidement, comme les déplacements individuels, mais aussi les secteurs à cycle beaucoup plus long, tels que la production d’énergie (en raison de l’importance des capitaux à investir et de la multitude des réglementations). Ce n’est que durant cette phase que les combustibles fossiles traditionnels commenceront à être sous pression, tandis que la demande en métaux s’intensifiera, en poussant les prix à la hausse.

Aluminium, un grand potentiel

Nous nous attendons à ce que la percée des véhicules électriques et l’extension des infrastructures de rechargement continuent à soutenir la demande – et le cours – du cuivre. Selon certaines estimations, le seul cuivre destiné aux infrastructures de rechargement devrait doper de 250% la demande en 2030 par rapport à 20193. L’aluminium devrait profiter de cette tendance, dans la mesure où un EV en contient deux fois plus qu’une voiture traditionnelle, et ce en raison des impératifs de poids et d’autonomie. La production d’aluminium requiert cependant beaucoup d’énergie et génère beaucoup d’émissions, ce qui pourrait inhiber la montée en puissance de l’offre. La Chine, qui est le plus grand producteur d’aluminium au monde, a d'ores et déjà annoncé un plafonnement de sa production. Cette décision est de nature à soutenir les prix.

Pour le nickel, l’évolution de la technologie des batteries sera un paramètre déterminant. Historiquement, toute augmentation du prix et/ou réduction de la disponibilité d’une matière première favorisent l’innovation. Nous avons déjà remarqué ce phénomène pour le cobalt, pour lequel les incertitudes d’approvisionnement et les flambées des prix ont incité les constructeurs automobiles à adopter des batteries contenant aussi peu de cobalt que possible.

La menace qui pèse sur ces perspectives très positives à moyen terme réside dans la réaction du côté de l’offre. Dans les prochaines années, les extracteurs et les producteurs de métaux pourront obtenir de nouvelles autorisations et extensions, en approvisionnant ainsi le marché. Parmi les arguments contraires, citons la difficulté d’atteindre et d’exploiter les nouveaux gisements. Soit ils requièrent des investissements de très grande ampleur, soit ils sont situés dans des pays instables, soit encore ils sont sujets à des complications politiques.

Troisième phase – Une nouvelle génération de technologies (15 ans et plus)

À mesure que la production d’énergie bascule du fossile vers le renouvelable, le stockage de l’énergie devrait gagner en importance. L’approvisionnement énergétique par les combustibles fossiles est en effet constant, à l’inverse des sources renouvelables. Les panneaux photovoltaïques ne produisent pas (encore) d’électricité pendant la nuit, le vent peut être absent et la production hydroélectrique est dépendante du débit de l’eau. Pour combler cette lacune, des systèmes de stockage de l’énergie devront être adjoints au réseau électrique. Pour ce faire, il faudra mettre en œuvre d’énormes quantités de plomb, de nickel, de lithium, de cobalt et de zinc.

Le recul des moteurs à explosion exercera sans doute une pression accrue sur le prix du platine et du palladium, notamment. Il est cependant possible que la demande reprenne vigueur au cours de cette phase, en particulier pour le platine, à mesure que les véhicules électriques à pile à hydrogène se généralisent. Dans la technologie actuelle, les voitures à hydrogène consomment dix fois plus de platine que les voitures diesel pour alimenter la réaction chimique qui produit de l’électricité.

Par ailleurs, on s’attend à ce que la demande en cuivre et en aluminium (deux métaux entrant dans la fabrication des éoliennes) reste forte au cours de cette phase. La percée de l’énergie photovoltaïque devrait aussi accroître la demande en cuivre, un des composants des panneaux solaires.

Cette phase s’accompagnera certes de multiples incertitudes, mais elle offrira aussi les plus grandes opportunités. Si l’on en croit l’histoire des progrès technologiques, les matières premières font partie intégrante de toutes les grandes transitions et avancées technologiques.

Le présent article est inspiré du rapport DWS ‘Commodities: Leading the
way in Global De-carbonization’ (juin 2021). 

Curieux.se de savoir quelles solutions nous offrons en matière de gestion de portefeuille ?

Curieux.se de savoir quelles solutions nous offrons en matière de gestion de portefeuille ?

Curieux.se de savoir quelles solutions nous offrons en matière de gestion de portefeuille ?

Recevez pendant un an Money Expert, le magazine pour les investisseurs.

Recevez pendant un an Money Expert, le magazine pour les investisseurs.

Recevez pendant un an Money Expert, le magazine pour les investisseurs.

1 Source : https://ourworldindata.org/ghg-emissions-by-sector
2 Source: Bloomberg BNEF (2021)
3 Source: EV sector will need 250% more copper by 2030 just for charging stations - mining.com (2019)