Poutine passe à l'action

Marchés

Poutine passe à l'action

23 février 2022 - Lu en 5 min. 

Rédigé par

Deepak Puri, Dr. Dirk Steffen & Sam Matthews

Chief Investment Officer Americas - Global Chief Investment Strategist - Head of Chief Investment Office Americas

En résumé :
  • Après des semaines de négociations et de déclarations publiques entre l'Occident et la Russie, le président Vladimir Poutine reconnaît officiellement les zones contrôlées par les séparatistes en Ukraine comme des républiques indépendantes avant d'ordonner l'envoi de forces militaires dans la région.
  • Les dirigeants des États-Unis et de l'Union européenne dénoncent ces actions et entament immédiatement une procédure de sanctions contre la Russie et des individus ciblés.

Que s'est-il passé ?

Après des semaines de tensions croissantes, la situation en Ukraine s'est encore aggravée. Depuis que la Russie avait fait part de ses intentions de désescalade mardi dernier, la situation a évolué rapidement : Vladimir Poutine reconnaît désormais officiellement les deux républiques autoproclamées d'Ukraine orientale, Donetsk et Louhansk, et a envoyé des troupes dans la région pour "garantir la sécurité". Les États-Unis et l'Union européenne ont pris des sanctions en réponse à ces mouvements militaires. Dans un premier temps, les restrictions se limitent aux nouveaux investissements, aux échanges commerciaux et aux financements à destination, en provenance ou dans les régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk.

L'ampleur de toutes sanctions futures dépendra bien sûr de l'évolution du conflit, qui est actuellement inconnue. Il reste à voir si la "mère de toutes les sanctions" (selon l’expression utilisée par le sénateur américain Robert Menendez) doit être déclenchée. Entretemps, les pays d'Europe occidentale ont précisé davantage les restrictions, l'Allemagne mettant en suspens le processus d'approbation du gazoduc Nord Stream 2.

A l’heure actuelle, l'incertitude reste très élevée quant aux prochaines mesures qui seront prises par toutes les parties concernées (Russie, Ukraine, forces séparatistes, pays européens, États-Unis, OTAN et même la Chine).

Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?

Lorsqu'il s'agit de questions géopolitiques, il est presque impossible de prévoir les résultats exacts. Trois scénarios principaux peuvent cependant être avancés : premièrement, une désescalade, deuxièmement, une escalade et, enfin, le maintien des tensions.

1. Désescalade

Ce serait l'issue la plus souhaitable, dans laquelle les efforts diplomatiques peuvent déboucher sur de petites concessions à la Russie, surtout en termes économiques, et/ou sur une inclusion accrue de la Russie dans la politique internationale. Dans ce scénario, les marchés boursiers sont susceptibles de se reprendre, bien qu'à une échelle limitée, car les ventes massives n'ont pas été aussi sévères que craint au départ. Les prix de l'énergie pourraient quelque peu refluer, mais seulement dans une mesure limitée car d'autres facteurs fondamentaux restent en place (pénurie de gaz, sous-investissement à long terme des grandes compagnies pétrolières, forte demande due aux réouvertures). Malheureusement, la probabilité d'une désescalade rapide semble actuellement assez faible.

2. Escalade

Différents degrés d'escalade sont envisageables, le premier étant celui des actions prises par la Russie lundi, avec la possibilité de nouveaux accrochages militaires dans le reste de l'Ukraine et, enfin, un conflit militaire à part entière avec l'OTAN, même s'il est peu probable. Des sanctions sont la réponse attendue, avec un degré de sévérité croissant en fonction des étapes respectives. Elles comprendront des restrictions "classiques" pour les individus impliqués ainsi que pour les entreprises, des sanctions liées à l'énergie, aux transactions en USD, aux investissements obligataires (marchés primaire et secondaire), des restrictions sur le secteur bancaire, etc. Des mesures plus "modernes" sont également possibles, comme la restriction des exportations de composants clés de technologie. Les marchés de l'énergie resteront sous tension et il faut s'attendre à des prix du pétrole supérieurs à 100 dollars le baril pendant une période prolongée. Les effets de contagion à d'autres marchés incluent le prix de l'essence aux États-Unis, un sujet politiquement sensible à l'approche des élections de mi-mandat. Les marchés boursiers sont susceptibles de subir des revers fréquents jusqu'à ce que la prime de risque soit suffisamment élevée. Des valeurs refuges telles que le dollar US, le franc suisse, l'or et les emprunts d'État bénéficieront d’un mouvement de " fuite vers la sécurité ".

3. Des tensions "ici pour rester"

Enfin, dans le troisième scénario, ces tensions géopolitiques resteront présentes dans un avenir prévisible. Comme on l'a vu avec la situation en Crimée en 2014, les menaces militaires et les sanctions paralysantes pourraient faire partie des conversations pendant un certain temps, avec des effets économiques négatifs évidents en Russie, en Ukraine et dans la plupart des autres pays, qui souffriront des primes de risque élevées intégrées dans les marchés des matières premières.

Cependant, si l'on se réfère à l'histoire, les conflits militaires ont tendance à avoir un impact limité sur les marchés boursiers au fil du temps. Si la réaction initiale des marchés boursiers est presque toujours négative et souvent importante, leurs pertes tendent à s'atténuer avec le temps. Depuis 1941 (Pearl Harbor), l’indice S&P 500 a perdu en moyenne 5% à la suite d'une crise militaire, et a mis en moyenne de 20 à 43 jours pour récupérer ses pertes. Cela dit, les moyennes cachent autant qu'elles révèlent : l'invasion du Koweït par l'Irak avait entraîné une baisse de 17% avec 71 jours avant le point bas et une phase de reprise de 189 jours. La gestion du risque est donc un élément essentiel, et la situation devra être suivie de près.

Le conflit ukrainien survient également à un moment où les banques centrales du monde entier sont confrontées à des pressions sur les prix plus persistantes que prévu il y a quelques mois encore. Il est donc peu probable que la Réserve fédérale (Fed) ralentisse le prochain cycle de hausse des taux avant même qu'il n'ait commencé. Cela pourrait bien sûr changer, une fois que les conditions de financement se détérioreront de manière significative et finiront par entraver l'activité économique, ce qui freinera à son tour les pressions inflationnistes. Heureusement, nous n'en sommes pas encore là, car les pertes boursières et l’augmentation des spreads de crédit se situent encore à des niveaux gérables. En règle générale, c'est le contexte macroéconomique du conflit qui tend à dicter les mouvements de marché plutôt que le conflit lui-même, bien qu'un choc des prix de l'énergie puisse assombrir les perspectives de croissance.

Du côté de la BCE, la situation est similaire puisque ses principaux responsables n'ont quitté que récemment le "camp des transitoires" et sont susceptibles de revoir à la hausse les prévisions d'inflation. Bien sûr, la pression politique est forte car les prix de l'énergie affectent de plus en plus les marchés du détail et de nombreuses économies restent fragiles après la récession sévère liée au Covid-19. Dans l'ensemble, il est difficile d'envisager une réponse monétaire audacieuse des deux côtés de l'Atlantique.

Nous sommes clairement dans la phase initiale du conflit et la volatilité devrait rester forte. Cela dit, des opportunités d'investissement se présenteront au fil du temps et des investissements fondamentalement sains peuvent avoir atteint le stade de la survente. Dans cette optique, nous recommandons de se concentrer sur la gestion des risques, en gardant à l'esprit l’allocation d'actifs stratégique et des réallocations potentielles au fil du temps.

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