Jean et Marie, respectivement âgés de 64 et 62 ans, sont à l’aube de la pension et commencent concrètement à planifier leur avenir.
Mais ces parents de deux filles adultes font plus que rêver. Ils se demandent aussi ce qu'il adviendrait de leurs biens soigneusement acquis si l'un d'eux venait à décéder. Marie et Jean sont mariés et ont signé un contrat de mariage à l’époque. Jusqu’à présent, ils n’ont rien entrepris en terme d’organisation patrimoniale.
Depuis leur mariage et durant leur carrière professionnelle, Jean et Marie se sont constitués un beau patrimoine:
A ce stade, la préoccupation principale de Jean et Marie est de s’assurer une protection mutuelle au décès de l’un d’eux. Ils se posent plusieurs questions : que recevra le survivant dans la succession de son conjoint ? Cela suffira-t-il à maintenir le niveau de vie habituel ? Et le conjoint survivant pourra-t-il toujours librement disposer - par exemple vendre - des biens, ou le conjoint survivant dépendra-t-il partiellement des enfants ?
Dans notre exemple, supposons que Jean est le premier à mourir et que les deux partenaires n'ont encore pris aucune mesure dans le domaine de la planification des actifs.
Par suite du décès, le mariage cesse d'exister et, en l'absence de toute autre disposition, le droit successoral légal attribuera les biens faisant partie de la succession de Jean à Marie pour l'usufruit et aux deux filles pour la nue-propriété.
Mais il y a un élément essentiel : préalablement à l’application du droit successoral, il convient de liquider le contrat de mariage de Jean et Marie et de partager les biens du couple entre eux. Seuls les biens revenant à Jean suite à la liquidation du contrat de mariage composent effectivement sa succession.
Dans leur cas, en fonction du contrat de mariage choisi et partant de l’hypothèse qu’aucune clause particulière ne figure dans leur contrat, les biens du couple sont partagés de manière égale.
Les enfants reçoivent dans les deux cas la nue-propriété des biens de la succession. En tant qu’usufruitière, Marie n’a donc pas la libre disposition des biens concernés. Tout acte de disposition requiert l’accord de ses enfants.
C’est au niveau du partage des biens du couple suivant le décès que le contrat de mariage va pouvoir exprimer tout son potentiel en termes de protection et de transmission patrimoniale entre conjoints. Il permet en effet aux conjoints de partager le patrimoine de manière inégale au bénéfice du survivant, c’est-à-dire, en lui octroyant plus que sa moitié des biens de la communauté ou des biens indivis entre époux. La pratique parle dans ce cas d’avantage matrimonial obtenu par le conjoint survivant.
„Pour la répartition des biens entre époux, le contrat de mariage démontre son utilité, plus précisément pour la protection et le transfert des biens.“
D’un point de vue civil, les biens faisant l’objet d’un avantage matrimonial ne sont pas recueillis par le conjoint survivant par succession puisqu’ils le sont suite à la liquidation du contrat de mariage et au partage des biens du couple qui précède la succession. Une telle attribution n’est en principe pas non plus qualifiée de libéralité (donation ou legs) faite au conjoint survivant par le conjoint défunt.
Ne faisant pas partie de la succession du conjoint défunt, les enfants ne recueillent aucun droit sur les biens attribués à leur parent survivant au titre d’avantage matrimonial. Ces biens ne sont a fortiori pas pris en compte afin de calculer la réserve héréditaire des enfants. Les enfants auront en principe des droits sur ces biens dans la succession de leur second parent.
De tels avantages matrimoniaux peuvent en principe être prévus dans les différents types de contrats de mariage. Mais il convient toutefois d’analyser la situation au préalable.
En régime de communauté des biens, une clause d’attribution permet au survivant, au décès de son conjoint, de choisir les biens communs qui lui sont attribués ainsi que le mode d’attribution de ces biens, en pleine propriété ou en usufruit.
Marie aurait par exemple donc la possibilité de recueillir l’appartement à la côte en pleine propriété (au lieu d’une moitié en pleine propriété et d’une moitié en usufruit), ce qui lui donne la possibilité d’en disposer en totale liberté dans le futur. Cela peut également s’envisager sur tout ou partie des avoirs bancaires par exemple.
En régime de séparation des biens, la constitution d’un patrimoine commun interne accessoire (on parle parfois de société d’acquêts) auquel un ou les conjoints apportent, de manière limitée, un ou plusieurs biens propres peut également s’envisager. Il est alors possible de prévoir une clause d’attribution des biens compris dans ce patrimoine commun interne au bénéfice du conjoint survivant. Jean pourrait par exemple apporter son appartement à un tel patrimoine commun interne. Marie deviendrait alors propriétaire de la moitié de ce bien et pourrait le cas échéant opter pour l’attribution de l’autre moitié en pleine propriété au décès de Jean.
„Attention : d'un point de vue fiscal, la protection du conjoint survivant par le biais des avantages matrimoniaux peut avoir un impact sur les droits de succession dus.“
Il est également possible de tempérer le principe de la séparation des biens par l’adoption d’une clause de participation aux acquêts permettant au conjoint survivant de bénéficier de l’augmentation du patrimoine du conjoint défunt durant le mariage. Supposons que Marie, ayant travaillé à mi-temps pour pouvoir libérer plus de temps pour les filles, n’a pu se constituer une épargne équivalente à celle de Jean. Une telle clause lui permet de pouvoir corriger ce déséquilibre au décès de Jean en recueillant une partie de l’enrichissement de Jean durant le mariage.
Mais attention car, d’un point de vue fiscal, la protection du conjoint survivant par le biais des avantages matrimoniaux peut avoir un impact en termes de droits de succession. En fonction de la région compétente, ces avantages peuvent engendrer une taxation plus importante. Une analyse préliminaire approfondie est donc indispensable.
D’un point de vue civil, ces solutions sont moins protectrices étant donné la nature révocable de la donation faite du vivant entre époux et du testament. L’avantage matrimonial est, quant à lui, inscrit dans le contrat de mariage et ne peut donc être modifié qu’avec l’accord des deux conjoints.
Enfin, la donation entre conjoints ou le testament gratifiant le conjoint survivant ne pourra excéder la quotité disponible du conjoint défunt. A défaut, les enfants pourraient en demander la réduction afin d’obtenir au minimum leur réserve héréditaire.
D’un point de vue fiscal, le legs testamentaire est soumis aux droits de succession. La donation peut quant à elle permettre de ne plus devoir payer des droits de succession au décès du donateur. Cela dépend du type de donation envisagé.
Le contrat de mariage se révèle être un outil très utile afin de se protéger entre conjoints. Par l’octroi d’avantages matrimoniaux au survivant, il peut permettre à ce dernier de :
La donation et le testament restent des outils clés en termes de transmission patrimoniale. Ils n’offrent toutefois pas le même niveau de protection que les avantages matrimoniaux mais peuvent certainement venir compléter une planification patrimoniale entreprise au niveau de la famille. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces différentes solutions.
Quelle que soit la solution de transmission patrimoniale envisagée entre conjoints, il convient de s’assurer préalablement des conséquences fiscales. Toute solution patrimoniale découle nécessairement d’une analyse globale de votre situation familiale, patrimoniale et de vos objectifs personnels.
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18 avril 2023