Rédigé par
Stefan Köhling
Investment Strategist Europe
- La BCE a décidé de continuer ses achats nets d'actifs dans le cadre du PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) à un rythme élevé, en les maintenant autour des niveaux du 2e trimestre.
- Aucun changement de politique monétaire n'ayant été annoncé, la réaction des marchés financiers a été modérée. Ce sont surtout les nouvelles prévisions de la BCE qui ont retenu l'attention.
- La politique monétaire de la BCE va rester très accommodante ces prochains mois. Le maintien d'achats nets d'actifs élevés devrait contribuer à limiter la pression à la hausse sur les taux d'intérêt.
Que s’est-il passé ?
La réunion de la BCE en juin était potentiellement intéressante à bien des égards. D’une part, le Conseil des gouverneurs devait notamment décider comment poursuivre les achats d'actifs effectués dans le cadre du programme d'achats d'urgence face à la pandémie (PEPP). En mars, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, avait annoncé que la BCE procéderait à des achats d'obligations plus importants au 2e trimestre que pendant les premiers mois de l’année. La BCE a décidé de poursuivre ce rythme d'achats plus élevé (environ 80 milliards d'euros par mois) pendant les mois d'été. Tous les autres instruments de politique monétaire sont restés inchangés. La BCE s'en tient donc aux décisions prises en mars et en avril derniers.
Augmentation des prévisions de croissance et d’inflation
La BCE a également présenté ses nouvelles projections macroéconomiques, l'autre domaine d'intérêt potentiel. Par rapport aux projections établies en mars dernier, elle a légèrement augmenté ses prévisions de croissance du PIB de la zone euro pour 2021 (+4,6%) et pour 2022 (+4,7%) et laissé inchangée sa prévision pour 2023 (+2,1%). De même, la BCE a révisé à la hausse ses prévisions d'inflation pour 2021 (+1,9%) et pour 2022 (+1,5%) et maintenu sa prévision d’inflation pour 2023 (+1,4%). Les nouvelles prévisions d’inflation restent donc inférieures à l’objectif d’une inflation proche de mais inférieure à 2% visé par la BCE sur l’horizon de projection.
Rebond transitoire de l’inflation suite à la reprise économique
Depuis la dernière réunion de la BCE en avril, la situation économique s'est nettement améliorée dans la zone euro. Les campagnes de vaccination ont progressé et cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochains mois. Les contaminations ont fortement diminué et les restrictions liées à la pandémie ont été graduellement levées. Les indicateurs avancés tels que les indices des directeurs d'achat (PMI) se sont nettement améliorés, signalant une reprise économique robuste.
Parallèlement, l'inflation a commencé à s'accélérer avec un chiffre plus élevé que prévu en mai (+2 % en glissement annuel). Elle devrait augmenter davantage ces prochains mois en raison des effets de base, de la demande refoulée et des contraintes du côté de l'offre. La présidente de la BCE a souligné que le Conseil des gouverneurs de la BCE s'attend à ce que le rebond de l'inflation soit transitoire et considère que la trajectoire de l'inflation sous-jacente reste modérée.
Enfin, la BCE ne considère plus que les risques pour les perspectives de croissance de la zone euro sont orientés à la baisse. Une reprise plus forte que prévu en raison de la levée des restrictions et l'alternative d'une nouvelle vague de la pandémie sont désormais considérées comme des risques équilibrés. C'est le principal changement apporté à la formulation de la déclaration introductive de la BCE.
Comment les marchés financiers ont-ils réagi ?
Dans l'ensemble, à la clôture de ce jeudi 10 juin, les marchés financiers ont peu réagi aux dernières décisions de la BCE. Du côté des marchés boursiers, l'indice Euro Stoxx 50 a fini à l’équilibre. Sur les marchés obligataires, le taux allemand à 10 ans s’est pour sa part légèrement détendu à -0,257 % (-1 point de base) tandis que le taux italien à 10 ans a baissé à 0,79% (-3 points de base). Sur le marché des changes, le taux de change EUR/USD est resté relativement stable à un niveau proche de 1,22.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?
La BCE a clairement indiqué qu'elle ne pense pas que le moment soit déjà venu de réduire son soutien monétaire et a réaffirmé qu'elle restera accommodante au cours des prochains mois. La baisse des taux obligataires en zone euro ces dernières semaines a en partie relâché la pression sur la BCE pour en faire davantage. Comme la BCE anticipe que la dynamique récente de l'inflation sera transitoire, la BCE va poursuivre ses achats plus élevés dans le cadre du PEPP et regardera à travers l'inflation plus élevée dans les mois à venir. Il est par ailleurs très peu probable que l’inflation de la zone euro se rapproche du chiffre d’inflation de 5% publié hier aux Etats-Unis.
L’économie européenne encore loin des niveaux pré-Covid
En outre, la plupart des économies de la zone euro sont encore loin de leurs niveaux de PIB pré-pandémique et affichent des taux de chômage élevés. Tant que la reprise économique restera fragile et que la trajectoire d'inflation d’avant la crise ne sera pas atteinte, il est peu probable que la BCE modifie l'orientation générale de sa politique monétaire.
En ce qui concerne le PEPP, la taille de l'enveloppe globale et la durée du dispositif ne seront probablement pas modifiées. La BCE pourrait bien sûr être mise sous pression si la situation sanitaire continue de s'améliorer à tel point que le PEPP n'est plus nécessaire. Dans ce cas, la BCE devrait penser à augmenter d'autres programmes, par exemple le programme d'achat d'actifs (APP). Le PEPP doit officiellement prendre fin en mars 2022 et c'est peut-être à ce moment-là qu'il sera autorisé à expirer, si aucun nouveau variant du virus difficile à contrôler n'apparaît. Cependant, la BCE a de nouveau souligné que l'enveloppe du PEPP pourrait être recalibrée si cela s’avère nécessaire au maintien de conditions de financement favorables pour contrer tout choc négatif sur la trajectoire de l'inflation.
Hausse limitée des taux obligataires ?
La BCE a clairement précisé lors de sa dernière réunion qu'elle pense qu'il est encore trop tôt pour commencer à réduire progressivement ses achats dans le cadre du PEPP. Étant donné que les achats nets d'actifs vont se poursuivre à un rythme élevé pour le moment, les mouvements de hausse des taux obligataires devraient être limités. Cela dit, la BCE pourrait en définitive être confrontée à une réalité différente, et ses propres prévisions ne devraient alors être qu'un paramètre parmi d'autres pour recalibrer l'orientation de sa politique monétaire.
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