Rédigé par
Ivo Višić
Senior Investment Officer
- Les marchés d'actions européens ont été particulièrement ébranlés par la guerre en Ukraine. La préférence au niveau du style s'est également déplacée des actions cycliques et de valeur vers les actions défensives.
- Par le passé, le sentiment du marché boursier s'est redressé relativement rapidement après des conflits "localisés", mais les sanctions signifient que la guerre en Ukraine aura des implications plus larges.
- Nous évaluons trois scénarios possibles pour le reste de l'année 2022 et leur impact potentiel sur les marchés d’actions.
La guerre en Ukraine secoue les marchés boursiers mondiaux
Avant même le conflit russo-ukrainien, les premières semaines de l'année 2022 avaient déjà été assez difficiles pour les marchés d'actions mondiaux, car le durcissement de la rhétorique des grandes banques centrales laissait entrevoir un cycle de resserrement monétaire beaucoup plus agressif que prévu quelques mois auparavant.
Cependant, l'invasion de l'Ukraine par la Russie a déclenché des sanctions sans précédent de l’Occident qui, à leur tour, ont provoqué des mouvements de marché spectaculaires, et pas seulement sur les marchés boursiers. Les mouvements des marchés sont désormais dominés par les gros titres sur le conflit, les nouvelles sanctions potentielles ou les mesures de rétorsion. Les fortes variations des prix des matières premières - les plus fortes depuis plusieurs décennies - ont alimenté un sentiment « risk-off » sur les marchés. Dans le même temps, la volatilité boursière a atteint son plus haut niveau depuis la chute des marchés liée à l'apparition du Covid, du moins en Europe (voir graphique 1).
Compte tenu de leur proximité géographique avec le conflit et de leur degré d'exposition aux sanctions imposées, les marchés européens ont été les plus pénalisés. En général, les indices boursiers mondiaux sont également dans le rouge, mais le S&P 500 a bien résisté jusqu'à présent en raison de l'éloignement géographique des États-Unis et de l'exposition très limitée des revenus des entreprises du S&P 500 à la Russie. Sur la base du ratio cours/bénéfices des 12 prochains mois, l'Europe se négocie actuellement avec une décote historique par rapport aux États-Unis.
L'énergie reste le secteur le plus performant du marché
L'énergie reste le secteur le plus performant du marché, car la prime de risque géopolitique a été rapidement prise en compte dans les prix de l'énergie - le pétrole Brent a atteint son plus haut niveau depuis 2008 et les contrats à terme sur le gaz naturel européen ont atteint de nouveaux records. Dans le contexte de ce choc géopolitique, la préférence au niveau du style s'est toutefois détournée des secteurs cycliques et de valeur au profit des secteurs défensifs.
Le secteur financier et les banques, en particulier, ont été affectés par l'évolution des taux d'intérêt, car le resserrement monétaire des banques centrales, combiné au sentiment « risk-off » global, a entraîné un nouvel aplatissement de la courbe des taux.
Forte incertitude persistante
La guerre en Ukraine a entravé la ré-accélération de l'activité économique. L'ampleur des révisions à la baisse de la croissance économique sera déterminée par l'évolution des prix des matières premières et, bien sûr, par la durée de la dislocation. Le président Biden a annoncé qu'il allait interdire les importations d'énergie russe aux États-Unis, et il semble que la pression en faveur d'un embargo sur l’énergie augmente dans les pays européens. Si l'impact exact de ces mesures sur l'économie et les bénéfices des entreprises est difficile à quantifier, il est clair que la vie va devenir encore plus compliquée pour les banques centrales. Si les matières premières se maintiennent aux niveaux élevés actuels, les banques centrales devront trouver un équilibre délicat entre d’une part empêcher l'inflation de s’installer sans d’autre part exacerber le ralentissement économique par des taux d'intérêt plus élevés. Dans ce contexte, les craintes d’une éventuelle stagflation pourraient devenir un véritable défi pour les actions en général.
Étant donné la situation très changeante à laquelle nous sommes confrontés, caractérisée par un degré d'incertitude élevé, il semble utile d'évaluer brièvement les scénarios de marché potentiels qui pourraient se produire. L'expérience historique des sept dernières décennies suggère que la majorité des conflits militaires, surtout s'ils sont localisés, n'ont pas eu tendance à affecter trop longtemps le sentiment des investisseurs en actions des deux côtés de l'Atlantique (voir graphique 2 : -1 mois est la performance de l’indice au cours du mois précédant le début du conflit, -1 sem est la performance de l’indice au cours de la semaine précédant le début du conflit, +1 sem est la performance de l’indice au cours de la semaine suivant le début du conflit etc.). Mais l'histoire ne se répète généralement pas à l’identique et, cette fois-ci, les événements et les décisions déjà prises ont probablement inauguré une nouvelle ère. Les effets négatifs des sanctions sur le comportement des consommateurs, par exemple, ne peuvent être décrits comme "locaux", l'économie européenne dans son ensemble étant fortement affectée. Des conséquences inattendues des sanctions pourraient également se matérialiser dans les mois à venir.
Futurs scénarios possibles
De façon simplifiée, nous pourrions assister soit à une désescalade, soit à un maintien du statu quo avec une incertitude persistante, soit à une nouvelle escalade du conflit.
Le premier scénario, à savoir une résolution du conflit à court terme, impliquerait probablement un rebond des marchés d'actions - soutenu par une diminution sensible des primes de risque et des révisions positives des bénéfices. La hausse des taux d’intérêt réels, la diminution des anticipations d'inflation et le resserrement des conditions de financement pourraient toutefois créer de modestes vents contraires. Les actions cycliques et de valeur profiteraient grandement d'un tel scénario par rapport aux actions défensives. En raison du ralentissement du rythme des révisions de bénéfices et de la décélération de la croissance économique, les valeurs défensives profiteraient sans doute le plus du passage à un environnement de fin de cycle au 2e semestre de l'année. Les financières bénéficieraient pour leur part clairement des hausses de taux des banques centrales.
Le deuxième scénario, celui d'une incertitude persistante pour le reste du 1er semestre 2022, constituerait sans doute un frein pour les marchés boursiers, avec un impact variable sur les bénéfices et les revenus en fonction des sensibilités aux mouvements des prix des matières premières et de l'exposition directe à la Russie. Dans ce contexte, le secteur de l'énergie pourrait dans un premier temps continuer à bénéficier du conflit, qui maintiendrait les prix du pétrole et du gaz naturel à un niveau élevé. Au second semestre, en supposant que la situation s'améliore sur le front géopolitique, le secteur financier et certains secteurs cycliques pourraient notamment bénéficier de la hausse des taux obligataires et de la modération des prix du pétrole.
Dans un troisième scénario, dans lequel le conflit s'intensifierait encore, nous pensons qu'une hausse significative de la prime de risque, combinée à une incertitude persistante, pourrait entraîner un nouveau recul des marchés d'actions au sens large au 1er semestre 2022. Les révisions des revenus et des bénéfices deviendraient négatives et la croissance ralentirait considérablement, entraînant très probablement une ruée vers les actions défensives, ainsi qu’un mouvement de fuite vers la sécurité.
Une nouvelle réalité s'annonce
Une politique monétaire plus accommodante nuirait certainement au secteur financier, tandis que l'énergie et les matériaux devraient bénéficier de la hausse des prix des matières premières. Même si la prime de risque géopolitique pourrait s'inverser à un moment donné, un nouveau resserrement des conditions de financement pourrait représenter un obstacle majeur pour les marchés d'actions dans leur ensemble, parallèlement à une incertitude structurellement plus élevée concernant l'environnement politique.
Indépendamment de son issue, la guerre en Ukraine a fait apparaître de nouvelles réalités qui ont désormais un impact significatif sur certaines hypothèses traditionnelles auxquelles nous nous étions habitués au cours des dernières décennies. En raison du conflit, les dépenses en matière de défense et d'infrastructure vont augmenter, ce qui profitera évidemment aux secteurs concernés. En outre, l'intensification du débat sur l'indépendance énergétique va remettre l'accent sur des tendances existantes comme, par exemple, l'énergie durable et propre.
Un optimisme prudent sur un horizon de 12 mois
Pour l'instant, notre scénario de base d'une croissance plus modérée mais soutenue et de taux d’intérêt réels négatifs persistants offre un certain potentiel de hausse pour les marchés d'actions sur un horizon de 12 mois. Néanmoins, nous insistons sur le fait qu'une détérioration significative des fondamentaux économiques, conjuguée à une augmentation substantielle de l'incertitude générale, assombrira les perspectives de la classe d'actifs et que la proximité géographique de la guerre en Ukraine et les dépendances individuelles à l’énergie seront déterminantes à court terme. Une gestion des risques adéquate sera donc cruciale pour faire face à la forte volatilité des marchés boursiers, qui ne devrait vraisemblablement pas s'atténuer de sitôt.
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