Que peut-on attendre des bourses en 2023 ?

Marchés & Investissements - 19 janvier 2023

Que peut-on attendre des bourses en 2023 ?

Ivo Višić - Senior Investment Office & Patrick Kellenberger - Investment Strategist

Dans notre publication « Perspectives 2023 : Résilience contre récession », nous avons présenté nos prévisions pour les différentes classes d'actifs. Dans cet article, nous examinons les perspectives des marchés boursiers mondiaux de manière encore plus détaillée.

En résumé :
  • Bien que de nombreux défis restent à relever pour les marchés d’actions en 2023, nous anticipons en règle générale des rendements légèrement positifs.
  • Du côté des marchés développés, nous estimons que l'Europe est plus attrayante que les Etats-Unis.
  • En ce qui concerne les marchés émergents, la croissance en Asie va se redresser et dépasser celle des autres régions, ce qui devrait profiter aux indices locaux.

Il existe désormais de nombreuses alternatives

Après une année chahutée marquée par de fortes corrections de marché et plusieurs rallyes dans un marché baissier, les marchés boursiers mondiaux ont terminé l'année 2022 en forte baisse.

Que réserve l'année 2023 aux investisseurs en actions ? De multiples perturbations et défis structurels subsistent. Ils incluent notamment une inflation toujours élevée, l'incertitude quant à l'évolution future des politiques monétaires des banques centrales, la dynamique de croissance en Chine, les conflits commerciaux, les changements démographiques, les coûts (et les opportunités) de la décarbonisation et la poursuite de la guerre entre l’Ukraine et la Russie.

Ces dernières années, le contexte de taux bas a sans aucun doute été le principal moteur des marchés boursiers mondiaux (voir graphique 1). Les taux réels à 10 ans aux États-Unis ont été négatifs depuis les premières turbulences de marché induites par la crise sanitaire (ils étaient d'environ -1% à fin 2021). Par conséquent, il n'y a pas eu d'alternative valable aux actions pendant longtemps (d'où l'apparition de l'acronyme TINA, There Is No Alternative).

L’an dernier cependant, les banques centrales ont dû fortement relever leurs taux directeurs pour lutter contre une inflation record, ce qui a fait remonter les rendements nominaux et réels. En conséquence, les actions sont devenues moins attrayantes et la baisse des cours a été de pair avec une forte compression des valorisations, surtout dans les secteurs les plus sensibles aux taux.

Nous pensons que le chemin vers de nouveaux sommets suivra une trajectoire erratique vers le haut cette année et au-delà, et que la volatilité restera de mise.

Les grandes banques centrales devraient encore relever les taux et les maintenir à des niveaux restrictifs

Bien que le pic d'inflation ait peut-être été atteint, l'inflation toujours élevée et tenace incitera probablement les grandes banques centrales à relever encore les taux et à les maintenir à des niveaux restrictifs jusqu'à ce qu'une répétition du scénario d'inflation des années 1970 puisse être écartée. La hausse des taux d'intérêt continuera de peser sur les valorisations boursières.

Entre-temps, les investisseurs pourront trouver des alternatives valables aux actions dans plusieurs segments obligataires : TINA a ainsi été remplacé par TAPAS (There Are Plenty of AlternativeS). Le potentiel de croissance limité des bénéfices des entreprises sur fond de baisse de la demande globale représentera également un autre obstacle de taille pour les marchés boursiers en 2023. Il semble donc peu probable à ce stade que les bénéfices apportent un soutien significatif, en particulier au cours d’un 1er semestre 2023 plus vulnérable à un ralentissement économique.

Néanmoins, nous anticipons un potentiel de hausse modéré pour les principaux indices boursiers, surtout tiré par les rendements de dividendes et une légère hausse des multiples de valorisation. Nos prévisions reposent sur le scénario de base d'une faible récession aux États-Unis et en Europe et d'un atterrissage en douceur des marchés de l’emploi des deux côtés de l'Atlantique. Aidée par la réouverture progressive de l’économie, la croissance en Chine devrait aussi s'accélérer. Les revenus des entreprises devraient bénéficier de l'inflation mais les marges bénéficiaires nettes ont sans doute atteint leur sommet (voir graphique 2) car la capacité des entreprises à répercuter la hausse des prix sur les consommateurs tend à s'estomper. De plus, leurs charges d'intérêts et d'impôts sont susceptibles d'augmenter à l’avenir. Nous anticipons donc une évolution stable des bénéfices par action (en USD) en 2023 et les estimations actuelles du consensus, qui se situent autour de 4%, nous semblent trop optimistes. Par ailleurs, comme une récession plus sévère ne peut être totalement exclue, les risques pour les bénéfices des entreprises sont plutôt orientés à la baisse.

Où trouver de la valeur dans les marchés développés ?

Les marchés se sont rapidement empressés d’anticiper une forte contraction du PIB en Europe après le déclenchement de la guerre en Ukraine, en raison de l’envolée de l'inflation et des inquiétudes liées à l'approvisionnement en énergie. Toutefois, les perspectives se sont ensuite nettement améliorées et les analystes ont revu à la baisse l'ampleur de la récession annoncée, les stocks de gaz naturel étant presque pleins au début de l'hiver et la probabilité d’un rationnement du gaz et donc de pannes industrielles ayant diminué. En outre, les gouvernements ont promis des centaines de milliards d'euros pour protéger leurs économies des prix élevés de l'énergie.

Alors que les cours des actions européennes ont chuté pendant une grande partie de l'année 2022, la croissance des bénéfices est restée très robuste. Compte tenu des mesures de soutien budgétaires et de la persistance d'une inflation élevée, les entreprises européennes devraient être en mesure de confirmer les niveaux de bénéfices de l'an dernier malgré le ralentissement conjoncturel. L’indice STOXX Europe 600 se négocie actuellement à un ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois de 12,5x. Comme ce niveau est inférieur de 14% à la médiane sur 10 ans et d’environ 27% au ratio correspondant de l’indice S&P 500, l'écart de valorisation devrait se réduire légèrement. Le potentiel de cours, certes limité, est complété par un solide rendement de dividende de 3,6%. Au vu de ces éléments, nous privilégions les actions européennes parmi les marchés boursiers développés.

Au niveau sectoriel, nous pensons que les banques européennes vont bénéficier de la hausse des taux d'intérêt et de la renaissance des flux de revenus tirés des dépôts. Le secteur bancaire fait partie des secteurs qui bénéficient non seulement d'une forte dynamique bénéficiaire mais qui est également susceptible de maintenir une hausse du bénéfice par action (BPA). De plus, le ratio cours/bénéfices de 6,9x pour 2023 est très faible, avec une décote de 33% par rapport à la médiane des 20 dernières années, et le rendement de dividende attendu s’élève à 6,8%.

Nous restons prudents sur le S&P 500

En revanche, nous sommes plus prudents sur le S&P 500 en raison de sa valorisation encore élevée. Même si les États-Unis ont introduit plusieurs mesures budgétaires (Bipartisan Infrastructure Bill, CHIPS and Science Act, et Inflation Reduction Act), le stimulus à venir pour 2023 est faible par rapport aux autres marchés développés, l'augmentation des dépenses étant répartie sur les 10 prochaines années. Les dispositions fiscales de la loi sur la réduction de l'inflation pourraient réduire légèrement les bénéfices en 2023. La hausse rapide des taux d'intérêt en 2022 pourrait également faire entrer l'économie américaine dans une légère récession au 1er semestre 2023 et peser sur la consommation privée. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les bénéfices s'affaiblissent au cours des deux premiers trimestres de 2023, avant de se redresser par la suite, et à une croissance bénéficiaire stable sur l’ensemble de l’année 2023.

Avec un ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois de 17,0x, l’indice S&P 500 se négocie presque à sa médiane sur 10 ans et offre un rendement de dividende de seulement 1,7%. Par conséquent, il devrait rester plus vulnérable à la volatilité des taux d’intérêt. Au niveau sectoriel, le secteur des soins de santé pourrait cependant continuer à offrir des rendements corrigés du risque robustes. Avec un ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois de 17,4, le secteur est à peine plus cher que le marché en général alors que ses bénéfices se sont avérés par le passé parmi les plus stables pendant les récessions. Le secteur des soins de santé offre aussi un potentiel évident de croissance à long terme car la population mondiale augmente et vieillit, et de nouveaux traitements sont mis au point.

Convergence entre les marchés d'actions émergents et développés

Les devises étrangères offrent-elles des opportunités ?

Nous restons optimistes en ce qui concerne l'Asie après une année 2022 très morose en raison de l’impact négatif des restrictions liées au Covid-19. L'environnement extérieur ne sera pas totalement facile, la modération de l'activité économique mondiale au 1er semestre 2023 limitant la dynamique de croissance des économies asiatiques orientées vers l'exportation et les perspectives de bénéfices. Toutefois, l'Asie reste la locomotive de la croissance mondiale. La région pourrait entrer dans un nouveau cycle en 2023, lorsque l'inflation et les cycles de hausse des taux atteindront leur apogée au niveau mondial, que le dollar sera moins fort et que la reprise retardée par la pandémie dans la région prendra de l'ampleur.

Dès lors, la croissance en Asie devrait dépasser celle dans les autres régions émergentes et s'accélérer pour atteindre 4,4% en 2023. La Chine et l'Inde, qui pèsent près de 40% et 20% dans l'indice MSCI EM Asia, pourraient être les grands gagnants, avec une croissance du PIB de 5% et 6%, respectivement. La Chine devrait bénéficier de la réouverture de son économie, alors que l'Inde pourra s’appuyer sur la forte dynamique de croissance de 2022 en 2023. De plus, l'utilisation des capacités en Inde a augmenté, ce qui pourrait conduire à de nouveaux investissements des entreprises et soutenir la croissance à long terme du pays.

Outre une croissance économique robuste, la stabilisation du marché immobilier chinois en difficulté et la fin de la réinitialisation réglementaire dans le secteur technologique pourraient contribuer à une revalorisation des actions chinoises. Les marchés de la Corée du Sud et de Taïwan, dominés par la technologie, pourraient être confrontés à des vents contraires plus forts au 1er semestre 2023 en raison du ralentissement global, mais nous pensons que la reprise mondiale pourrait inverser la tendance au 2e semestre. Enfin, les pays de l'ANASE (Singapour, Thaïlande, Indonésie, Malaisie et Philippines) devraient bénéficier de l'expansion économique de leurs grands voisins, des efforts mondiaux de diversification des chaînes d'approvisionnement et d'une reprise du tourisme.

Au vu de ce contexte favorable, nous pensons que le ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois proche de 13x pour l'indice MSCI EM Asia, bien qu’un peu supérieur à la médiane à long terme, est attractif et que la croissance attendue des bénéfices de 4% pour 2023 n'est pas excessive.

Intéressé(e) par les actions européennes ?

Partagez cet article


Ceci pourrait également vous intéresser

10 janvier 2023

“À terme, les actions restent le meilleur moyen de battre l’inflation”

4 janvier 2023

2022, la fin de l’argent bon marché

30 décembre 2022

Ciel couvert au-dessus de l'économie mondiale

×