Pourquoi choisir l'Europe et les pays émergents plutôt que les États-Unis ?

Marchés & Investissements - 28 février 2023

Pourquoi choisir l'Europe et les pays émergents plutôt que les États-Unis ?



En résumé :
  • Après une hausse remarquable en janvier, le rallye boursier s’est essoufflé en raison de la réévaluation du cycle de hausse des taux des grandes banques centrales.
  • La croissance des bénéfices au quatrième trimestre 2022 a ralenti aux États-Unis et en Europe, la pression sur les marges des entreprises augmentant davantage.
  • Alors que les valorisations des actions américaines semblent tendues, les actions européennes semblent avoir encore de la marge. Les marchés émergents offrent valeur et croissance à long terme à un prix raisonnable.

Le retour des faucons

Après une année 2022 très difficile, le début de l'année 2023 a été nettement plus encourageant pour les investisseurs en actions. Le sentiment vis-à-vis du risque a été principalement alimenté par la spéculation grandissante selon laquelle les grandes banques centrales pourraient être proches de la fin de leur cycle de hausse des taux actuel. En outre, la baisse des prix de l'énergie, surtout en Europe, a contribué à dégager les perspectives économiques pour la zone euro. Enfin, l'assouplissement continu des restrictions liées au Covid-19 en Chine a soutenu les secteurs les plus sensibles à la réouverture de l’économie.

Dans ce contexte, les principaux indices boursiers ont enregistré des gains importants en janvier, notamment le STOXX Europe 600 (+6,7%), le S&P 500 (+6,2%), le MSCI Japan (+4,7%) et le CSI 300 (+7,4%). Après une année 2022 ardue, les actions technologiques ont quant à elles enregistré des performances particulièrement robustes, avec un bond de +10,7% pour le NASDAQ Composite et de +18,7% pour l'indice FANG+ des 10 méga-capitalisations technologiques. Les banques européennes ont également surperformé, l'indice STOXX Europe 600 Banks ayant signé son meilleur mois de janvier (+14%) depuis 1987.

Néanmoins, l'appétit des investisseurs pour le risque a entre-temps en partie diminué. Depuis la publication du rapport de l'emploi de février aux États-Unis, les marchés ont revu à la hausse le niveau auquel les grandes banques centrales devront relever leurs taux directeurs afin de maîtriser l'inflation. Les données récentes, qui renvoient toujours une image très robuste de l'économie, ont contribué à renforcer ces attentes. Par conséquent, les marchés anticipent désormais des hausses de taux plus agressives de la Réserve fédérale (Fed) et de la BCE, avec un pic pour les taux directeurs qui devrait être atteint en juillet.

La situation fondamentale s'affaiblit

La croissance des bénéfices aux États-Unis et en Europe a été plus faible au quatrième trimestre que lors du trimestre précédent (voir graphique 1), les bénéfices du S&P 500 se contractant même en rythme annuel pour la première fois depuis 2020. Les chiffres de croissance mixtes (réalisés plus attendus) indiquent une baisse de -4,7% en rythme annuel des bénéfices du S&P 500, pour des chiffres d’affaires en hausse de +5,1%. Seuls quatre secteurs sur onze ont affiché une croissance des bénéfices positive en rythme annuel au quatrième trimestre 2022, les plus fortes croissances étant à mettre à l’actif des secteurs de l'énergie et de l'industrie. Les bénéfices du STOXX Europe 600 ont pour leur part progressé de 11,3% sur un an au quatrième trimestre, tandis que les chiffres d’affaires ont augmenté de 5,6%. Ici, le secteur financier est celui qui a affiché la plus forte croissance des bénéfices.

Un examen plus détaillé des résultats du quatrième trimestre 2022 révèle que les résultats supérieurs au consensus aux États-Unis ont été inférieurs à la moyenne à long terme et aux chiffres observés lors des trimestres précédents. A contrario, l'Europe jusqu’ici a bien mieux résisté à cet égard. Compte tenu d’une inflation en baisse mais persistante et d'un marché de l’emploi historiquement tendu aux États-Unis, l'évolution des marges des entreprises devrait être suivie de très près par les investisseurs au cours des prochains trimestres. Nous pensons que les marges nettes sont susceptibles de diminuer à partir de maintenant, car le pouvoir de fixation des prix tend à s'estomper.

Sur une base annuelle, le consensus anticipe une croissance des bénéfices du S&P 500 et du STOXX Europe 600 de respectivement +2,3% et +1,8% pour 2023. Néanmoins, les ratios nets de révision des bénéfices respectifs sont globalement orientés à la baisse depuis l'été dernier.

Croissance trimestrielle du bénéfice par action

Les rendements du passé ne constituent pas un indicateur fiable du rendement futur.

Focus sur la valeur et la croissance à des prix raisonnables

Comme nous l'avons souligné précédemment, les marchés boursiers mondiaux ont rebondi depuis le début de l'année, et beaucoup de changements macroéconomiques récents ont déjà été pris en compte dans les cours. Étant donné que les économies européennes sont sorties largement indemnes de l'hiver tant redouté, que le marché de l’emploi américain reste très vigoureux, et que la Chine s'est réveillée de son coma lié au Covid et sollicite de plus en plus les marchés des matières premières, nous réitérons notre préférence pour les actions de valeur car tous ces facteurs pourraient maintenir la pression sur l'inflation ainsi que sur les taux d'intérêt pendant plus longtemps. De ce fait, nous pensons que les marchés continueront à se concentrer sur les bénéfices actuels plutôt que futurs. Dans ce contexte, nous maintenons notre préférence pour les actions européennes (et japonaises) ainsi que pour les actions des marchés émergents, avec un focus sur l'Asie.

Les chances de récession en Europe diminuent

En ce qui concerne l'Europe, les niveaux de stockage de gaz n’ont jusqu’à présent jamais été proches d’être épuisés cet hiver. L'Allemagne approche même de la fin de l'hiver avec 3 nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL) en service et des capacités de stockage remplies à plus de 70%. Cela signifie que non seulement les risques de rationnement pour la saison de chauffage actuelle ont largement disparu, mais aussi que les inquiétudes se sont apaisées concernant un réapprovisionnement à temps et rentable pour l'hiver prochain.

Cette situation a conduit un nombre croissant d'analystes à écarter une récession en Europe. En outre, les actions européennes devraient bénéficier de leur exposition plus forte à la croissance mondiale. Avec environ 60% des bénéfices générés à l’international, l'Europe pourrait bénéficier de façon disproportionnée non seulement de la reprise économique en Chine, mais aussi de la croissance structurellement plus élevée des pays émergents. Nous entrevoyons également la possibilité que les flux entrants dans les fonds d'actions se redressent grâce à l’amélioration du sentiment. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les actions européennes ont fait l'objet d'importants flux sortants. Malgré sa performance positive, l’indice STOXX Europe 600 se négocie toujours sur base d’un ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois de 13,3, soit environ 8% en dessous de sa médiane à long terme et 27% en-dessous de celui du S&P 500 (voir graphique 2) - soit une décote massive au vu d'un environnement plus favorable et d'une moindre sensibilité aux taux d'intérêt.

Valorisation relative du STOXX Europe 600 par rapport au S&P 500

Les rendements du passé ne constituent pas un indicateur fiable du rendement futur.

Le potentiel du S&P 500 semble limité

En revanche, après le récent rallye, le potentiel de l’indice S&P 500 semble limité. Avec un ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois de 18,3, le S&P 500 est non seulement nettement plus cher que son homologue européen - même en tenant compte des différences de composition - mais il affiche également une prime de 8% par rapport à sa propre médiane sur 10 ans. Si l'économie américaine et son marché de l’emploi sont remarquablement robustes, cette vigueur pourrait s'accompagner de pressions inflationnistes prolongées et plus ancrées. Ce faisant, les taux d'intérêt pourraient continuer à augmenter et rester plus longtemps à des niveaux élevés, ce qui finirait par peser sur les valorisations et pourrait pousser l'économie vers une récession.

Les pays émergents profitent de la Chine

Enfin, nous mettons l’accent sur le fait que les actions des marchés émergents pourraient surperformer les actions des pays développés. Elles bénéficient non seulement de façon disproportionnée du retour de la soif de la Chine pour les matières premières, mais elles offrent également des taux de croissance structurellement plus élevés, en particulier en Asie. Grâce à la fin de la politique zéro-Covid et à la réouverture des frontières, la Chine pourrait redevenir le moteur de la croissance mondiale en 2023. Après avoir été fortement révisé à la hausse, le PIB chinois pourrait ainsi croître d'environ 6% cette année. L'amélioration de la dynamique de croissance devrait soutenir le secteur immobilier en difficulté, atténuer la prime de risque plus élevée induite par les tensions géopolitiques et entraîner des révisions positives des bénéfices. Avec un ratio cours/bénéfices estimés à 12 mois de 10,8 en ligne avec la moyenne historique, l’indice MSCI China ne semble pas encore avoir pleinement intégré ces perspectives favorables. Toutefois, nous mettons en garde contre une trop grande euphorie, car la reprise pourrait être cahoteuse et le rebond remarquable depuis octobre dernier reflète déjà d'importants flux entrants sur le marché. Bien que les actions indiennes, qui sont les plus chères de tous les marchés émergents, aient déjà corrigé, le potentiel de corrections plus importantes semble limité en raison de la croissance à deux chiffres des bénéfices attendue à long terme. Les économies environnantes bénéficiant toutes des ambitions de croissance des deux géants que sont la Chine et l’Inde, l'indice MSCI EM Asia reste ainsi notre choix préféré parmi les marchés émergents.

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