Le don bancaire : quelques pièges à éviter

Estate Planning & Fiscalité - 8 décembre 2023

Le don bancaire : quelques pièges à éviter

Rédigé par Benoît Verschueren - Senior Estate Planner

La technique du don bancaire est déjà bien connue et souvent utilisée. Il existe cependant des pièges à éviter à tout prix, mais que nous rencontrons parfois dans notre pratique quotidienne. Et il arrive aussi que l'administration fiscale mette des bâtons dans les roues. Cet article s'y intéresse de plus près.

Le don bancaire – petit rappel

Don bancaire

Selon notre Code civil, les donations doivent toujours être notariées. Cela implique non seulement des frais de notaire mais aussi des droits de donation puisque l'acte de donation notarié doit être obligatoirement enregistré. Pour rappel, les droits de donation pour les donations de biens en ligne directe et entre époux sont de 3 % en Région flamande et en Région de Bruxelles-Capitale et de 3,3 % en Région wallonne.

Cependant, il existe depuis longtemps des formes alternatives de donation qui ne nécessitent pas d'acte notarié et dont l'enregistrement n'est pas non plus obligatoire. L'une de ces formes alternatives de donation est la donation indirecte. Dans cet article, nous nous concentrerons exclusivement sur une forme particulière de donation indirecte, à savoir le don bancaire d'un portefeuille de titres. Pour les principes généraux concernant les donations mobilières, nous renvoyons également à notre article précédent "Donations mobilières aux enfants".

Pour qu'une donation indirecte soit valable, il faut un acte juridique autonome et neutre qui opère un transfert de patrimoine définitif et immédiat. On fait donc une donation d’une façon indirecte. Autonome signifie que l'acte juridique doit avoir ses caractéristiques formelles et intrinsèques propres. Neutre signifie que l'acte juridique ne peut pas indiquer sa nature: à titre gratuit (sans contrepartie comme par exemple une donation) ou à titre onéreux (avec contrepartie comme par exemple un prêt ou une vente). Si cet acte juridique indique néanmoins qu'il s'agit d'une donation directe, il est nul et non avenu puisque les conditions de forme (donation notariée) n'ont pas été respectées. Du vivant du donateur, cette nullité est absolue, après le décès du donateur, la donation devient relative, c'est-à-dire que seuls les intéressés (par exemple les héritiers) peuvent invoquer la nullité. Il est généralement admis qu'un virement bancaire constitue un acte juridique neutre et autonome.

Mais bien sûr, cela ne prouve pas encore que cet acte juridique neutre et autonome a été fait dans l'optique d'une donation. Habituellement, cette preuve est apportée par l'établissement d'un acte sous seing privé supplémentaire, le "pacte adjoint", signé par le donateur et le donataire. Dans le pacte adjoint, le donateur déclare explicitement que le virement bancaire a été effectué dans l'intention de faire une donation et que le donataire accepte explicitement la donation. En outre, le document mentionne souvent certaines charges, conditions et modalités liées au don bancaire (voir ci-dessous).

Pièges possibles

Ceci nous amène immédiatement aux premiers pièges. Dans la pratique quotidienne, on rencontre parfois des donations bancaires dans lesquelles le donateur et le donataire ont établi un document rédigé au présent : "Je te donne un portefeuille de titres ...". Cela peut indiquer que c'est le document lui-même qui fait titre de la donation, c'est-à-dire qu'il y a effectivement une donation directe. Et comme les conditions de forme de l'acte notarié n'ont pas été respectées, cette donation est donc en principe nulle! Il est donc impératif que le pacte adjoint fasse référence à un virement bancaire effectué dans le passé.

La question de savoir si le virement bancaire lui-même peut porter la communication "donation" est étroitement liée à cette question. Cette mention compromet-elle la neutralité et donc la validité d'un don bancaire ? Une certaine doctrine et une jurisprudence récente affirment que non. Néanmoins, par prudence, nous recommandons de ne pas indiquer la mention "donation" sur le virement bancaire. En effet, à notre connaissance, il n'y a pas encore de jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question.

Attention à certaines charges et modalités 

Comme mentionné ci-dessus, diverses charges, conditions et modalités peuvent être couplées à une donation bancaire, comme par exemple l'interdiction de disposer ou la clause de retour conventionnel. Bien que ces clauses soient assez bien connues et très souvent liées à un don bancaire, il existe là aussi certains pièges qu'il convient d'éviter à tout prix.

L'interdiction de disposer

Lorsque des parents font un don bancaire d'un portefeuille de titres à leurs enfants, ils souhaitent parfois que ces derniers ne puissent pas disposer de l'objet du don, en le vendant, en le mettant en gage ou en le donnant, à moins qu'ils n'y consentent. De cette manière, les parents conservent un certain contrôle sur les biens donnés.

Ce que l'on oublie parfois, c'est qu'une telle interdiction de disposer va à l'encontre du principe général de libre circulation des biens et est en principe nulle. Attention, ce n'est pas la donation dans son ensemble qui est considérée comme nulle, mais seulement la clause elle-même. Toutefois, la jurisprudence et la doctrine admettent depuis longtemps qu'une interdiction de disposer peut être valablement stipulée si elle n'est que temporaire et répond à un intérêt sérieux et légitime.

En ce qui concerne le caractère temporaire, la jurisprudence et la doctrine considèrent qu'une interdiction de disposer liée à l'âge du donateur est en principe valable. En revanche, si cette interdiction est liée à la durée de vie du donataire, elle n'est plus acceptable et la clause sera considérée comme nulle. Un intérêt sérieux et légitime est alors en jeu si, par exemple, le donateur a également stipulé une charge financière en sa faveur. En effet, dans ce cas, le donateur a intérêt à ce que le bien donné ne puisse pas être aliéné par le donataire, puisque les revenus de ce bien peuvent servir à payer les charges financières en sa faveur.

Par conséquent, si vous envisagez de faire un don bancaire à vos enfants et que vous souhaitez qu’ils ne puissent pas disposer des biens donnés de votre vivant, il est préférable d'assortir votre don bancaire d'une interdiction de disposition liée à votre vie et assortie d'une charge financière en votre faveur. Dans le cas contraire, l'interdiction de disposer pourrait être considérée comme non écrite et donc inapplicable !

La clause de retour conventionnel

clause de retour conventionnel


De quoi s'agit-il ?

Un don bancaire est souvent assorti d'une "clause de retour conventionnel". En ajoutant cette clause, le don bancaire est fait "sous la condition résolutoire du prédécès du donataire". En d’autres termes, cela signifie que le don bancaire est résolu si le donataire décède avant le donateur. Le bien donné revient alors en principe au donateur. Sur le plan fiscal, un tel retour est normalement exempt de droits de succession ou d'enregistrement. Mais attention, un nouveau piège fiscal est apparu récemment, nous allons vous l’expliquer un peu plus en détail.

Pour quelles raisons ?

La clause de retour conventionnel peut être utile pour de nombreuses raisons dont l'une est le souhait du donateur de ne certainement pas laisser les biens donnés revenir aux héritiers du donataire en cas de son prédécès. Supposons que Jean envisage de faire un don bancaire à sa bonne amie Rita. Il pourrait ne pas vouloir qu'en cas de prédécès de Rita, les biens donnés reviennent à ses héritiers, avec lesquels Jean n'a aucune affinité. Jean préférerait que les biens donnés lui reviennent afin qu'il puisse, par exemple, les donner à quelqu'un d'autre. Une clause de retour conventionnel peut en effet rencontrer ce souhait.

Il peut également y avoir des raisons fiscales à prévoir une clause de retour conventionnel dans un pacte adjoint au don bancaire. Supposons que Marc envisage de faire un tel don à sa sœur Diane, célibataire et mère de deux enfants. Si Diane décède et que Marc n'a pas assorti sa donation d'une clause de retour conventionnel, les biens donnés seront en principe hérités par les enfants de Diane. Cette succession est soumise aux droits de succession (dont le taux maximal est de 27 % en Région flamande et de 30 % en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale). En incluant une clause de retour conventionnel dans son pacte adjoint au don bancaire, Marc peut s'assurer que les biens donnés lui reviendront, en principe sans droits de succession ou d'enregistrement. Marc est alors libre de redonner les biens restitués aux enfants de Diane (à condition, bien sûr, que Marc soit capable ou qu'il existe un mandat extrajudiciaire permettant une telle donation) et ce, à des droits de donation forfaitaires beaucoup plus intéressants de 5,5 % en Région wallonne, et de 7 % en Régions flamande et de Bruxelles-Capitale.

Une clause de retour conventionnel à titre optionnel

Une clause de retour conventionnel peut également être stipulée à titre optionnel. Au décès du donataire, le donateur obtient alors le droit de choisir d'invoquer ou non la clause. Si le donateur décide d’invoquer la clause, cela entraîne la résolution de la donation.

Jusqu'à récemment, la réalisation de la condition résolutoire (c'est-à-dire le prédécès du donataire) avait pour effet de résoudre la donation de plein droit et avec effet rétroactif. Ainsi, tout se passait comme si le transfert de propriété par la donation n'avait jamais eu lieu et que le bien donné n'était donc jamais sorti du patrimoine du donateur. Toutefois, le 1er janvier 2023, le droit des obligations modernisé est entré en vigueur, ce qui a entraîné une modification importante des dispositions légales relatives à la condition résolutoire. Désormais, la réalisation de la condition résolutoire ne s'opère plus rétroactivement, mais seulement pour l'avenir. En effet, le législateur a trouvé assez artificiel de faire résoudre une convention rétroactivement et de prétendre ainsi que la convention était effacée depuis sa réalisation, d'où la modification législative.

Conclusion

Le don bancaire est encore toujours une forme de donation très intéressante, notamment en raison de sa simplicité, de son caractère privé et de son faible coût. Néanmoins, il y a quelques pièges à éviter. En effet, un don bancaire mal réalisé peut même être nul, avec toutes les conséquences que cela implique. De plus, l'administration fiscale peut parfois réagir de façon surprenante et désagréable. Vous envisagez donc de faire un don bancaire ? Utilisez alors un projet de document validé ou faites-vous conseiller par un spécialiste de planification successorale.

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