La résilience de l’économie mondiale mise à l’épreuve

Marchés & Investissements - 3 octobre 2022

La résilience de l’économie mondiale mise à l’épreuve

Rédigé par David Ghezal - Investment Strategist

En résumé :
  • Entre un contexte géopolitique incertain, une reprise hésitante en Chine, la flambée des prix de l’énergie et, surtout, le durcissement des politiques monétaires pour dompter l’inflation, de nombreux vents de face soufflent sur la conjoncture mondiale.
  • Les États-Unis devraient enregistrer une récession d’ampleur modérée au 1er semestre 2023.
  • Un net ralentissement économique s'annonce dans la zone euro.

États-Unis : la Fed siffle la fin de la récréation

L’économie américaine continue à envoyer des signaux contrastés depuis le début de l’année. Le PIB a encore reculé de 0,6% entre avril et juin, sous l’effet de la forte baisse du niveau des stocks et du recul de l’investissement résidentiel. Bien que les États-Unis aient ainsi enregistré deux trimestres consécutifs de contraction de leur PIB, l’économie n’est pas encore officiellement entrée en récession. Selon le NBER « une récession implique une baisse significative de l’activité qui s’étend à toute l’économie et dure plus de quelques mois » et se détermine à l’aune de différents critères. Ce n’est pas encore le cas compte tenu de l’augmentation des dépenses des ménages et des entreprises, ainsi que de la production industrielle. De même, le marché du travail reste très robuste : l’économie a créé plus 3,5 millions d’emplois depuis janvier, de sorte que l’emploi a retrouvé son niveau d’avant la pandémie et que le taux de chômage reste historiquement bas.

Bien que la consommation privée, qui représente 70% du PIB américain, bénéficie de la vigueur du marché de l’emploi et que la baisse sensible des prix de l’essence offre aussi un répit bienvenu, le principal moteur de l’économie américaine devrait néanmoins baisser en régime. La persistance de pressions inflationnistes généralisées pèse sur la demande intérieure et, conjuguée à la remontée des taux d’intérêt, elle devrait entraîner une décélération de la croissance.

La solidité du marché du travail exerce aussi une pression supplémentaire sur la Réserve fédérale (Fed) en raison des risques d’une spirale salaires - prix. Comme la priorité de la Fed est de maîtriser l'inflation, le resserrement monétaire va se poursuivre jusqu’à ce que l’inflation retrouve une tendance claire à la baisse, même si cela implique aussi de freiner davantage l’activité économique. Dans ces conditions, la marge de manœuvre de la Fed pour orchestrer un atterrissage en douceur s’est fortement réduite et les États-Unis devraient enregistrer une récession d’ampleur modérée au 1er semestre 2023. Notre prévision de croissance pour les États-Unis est de 1,9% cette année et de 0,7% l’an prochain.

Zone euro : une crise énergétique majeure

Après une croissance meilleure que prévu au 1er semestre, la croissance devrait encore s’avérer positive au 3e trimestre grâce à la forte demande pour les services après la levée des restrictions Covid, et notamment dans le secteur du tourisme. Néanmoins, les perspectives pour les prochains trimestres sont moins réjouissantes et un net ralentissement économique se profile à l’horizon. L’inflation record, alimentée avant tout par l’envolée des prix de l’énergie, est un frein pour l’activité des entreprises et les dépenses des ménages en raison de l’érosion du pouvoir d’achat. Enfin, le contexte géopolitique incertain continue à affecter la confiance.

Beaucoup de pays ont pris des mesures pour amortir l’impact de la crise énergétique. La plupart d’entre eux ont ainsi annoncé une réduction des taxes et/ou de la TVA sur l’énergie et dégagé des moyens pour venir en aide aux ménages aux plus bas revenus. L’Allemagne a par exemple mobilisé au total 300 milliards d’euros (environ 7,5% de son PIB) pour aider les ménages et les entreprises à faire face au choc énergétique. Au niveau supranational, la Commission européenne a aussi dévoilé un plan consistant entre autres à taxer les surprofits des entreprises énergétiques pour réduire les factures d’énergie. Ces diverses mesures devraient en partie soulager la demande intérieure, mais n’empêcheront pas l’activité de se contracter au 4e trimestre 2022 et au 1er trimestre 2023. Le rebond anticipé par la suite devrait être graduel. C’est pourquoi nous tablons sur une croissance limitée à 0,7% l’an prochain après une croissance attendue à 3,1% cette année, un chiffre élevé grâce à l’acquis de croissance du premier semestre.

Malgré les risques baissiers pour la croissance, la BCE a clairement affiché sa volonté de reprendre le contrôle de l’inflation. Celle-ci est déjà supérieure à 10% dans près de la moitié des pays de la zone euro et elle devrait rester très élevée pendant un certain temps. Après avoir déjà relevé coup sur coup ses taux directeurs en juillet (50 points de base) et en septembre (75 points de base), la BCE envisage dès lors de procéder à d’autres hausses de taux importantes lors de ses prochaines réunions pour ramener l’inflation vers l’objectif de 2% à moyen terme, d’autant plus que sa politique monétaire reste encore très accommodante aux niveaux actuels.

Japon : l’économie plus résiliente qu’anticipé

Portée par la hausse des investissements des entreprises et le rebond de la consommation des ménages après la réouverture, l’économie japonaise a progressé à un rythme plus rapide que prévu au 2e trimestre (+3,5%). Ce faisant, elle a non seulement fait preuve de résilience, mais également retrouvé sa taille d’avant la crise sanitaire. Cela dit, l’activité économique devrait marquer le pas en raison de la dégradation du contexte global, des perturbations continues des chaînes de production et de l’impact négatif de l’inflation sur les consommateurs. Le renchérissement des prix de l’énergie, de l’alimentation et d’autres biens importés est encore renforcé par la faiblesse historique de la devise japonaise. L’assouplissement des restrictions sanitaires et les nouvelles mesures de soutien du gouvernement (chèques aux ménages à faibles revenus, subsides aux gouvernements régionaux pour soutenir les ménages et les entreprises, prolongation des subventions aux prix des carburants) laissent cependant augurer la poursuite d’une croissance légèrement positive. Nous anticipons une croissance du PIB de 1,5% pour la 3e économie mondiale en 2022 et de 0,9% en 2023.

Chine : stimulus massif vs stratégie zéro-Covid

Les défis pour la croissance à court terme de la Chine se sont intensifiés. Malgré une approche un peu plus pragmatique des autorités que par le passé, la stratégie zéro-Covid reste en place et continue de freiner l’activité économique. La consommation des ménages reste faible, les dépenses évoluant par à-coups au gré du rythme des fermetures/réouvertures. La faiblesse persistante du marché immobilier n’aide pas non plus à améliorer le sentiment. Par ailleurs, le ralentissement économique en cours chez les principaux partenaires commerciaux de la Chine freine le commerce extérieur.

Face à cette situation, les autorités ne restent pas les bras croisés. A contre-courant de la tendance générale, la banque centrale chinoise (PBoC) a par exemple abaissé ses taux directeurs à trois reprises depuis le début de l’année, dont le taux préférentiel sur les prêts à 5 ans qui sert de référence à de nombreux prêteurs pour fixer leurs taux hypothécaires. Des mesures ciblées sont également prises sur le plan budgétaire, telles que l’approbation d’enveloppes de 1.000 milliards de yuans (plus de 140 milliards d’euros) pour terminer des projets immobiliers inachevés, de même que pour un plan en 19 points visant à stimuler la consommation et l’investissement dans les secteurs les plus touchés par le Covid-19. Les investissements en infrastructures restent également un élément central des initiatives de relance. Au besoin, davantage d’efforts pourraient être mis en œuvre pour stimuler la croissance après le 20e Congrès du Parti communiste chinois à la mi-octobre.

Les effets de ces mesures devraient être visibles dans les chiffres de la croissance l’an prochain. Nous pensons que d'ici à la mi-2023, l'impact négatif conséquent du secteur immobilier sur l'économie se sera atténué et que le secteur contribuera à nouveau positivement à la croissance, bien que de façon beaucoup moins importante que par le passé. La consommation des ménages pourrait s'améliorer avec la stabilisation des prix de l'immobilier et l'ajustement de la stratégie Covid avec la réouverture d'un plus grand nombre de régions. D'autres moteurs soutiendront également la reprise à long terme, grâce à des programmes de relance pour le secteur des énergies renouvelables, la numérisation ainsi que l'innovation dans le secteur de la santé, parmi d’autres. L’un dans l’autre, nous avons abaissé notre prévision de croissance à 3,3% pour cette année, mais nous maintenons notre prévision à 5,3% pour l’an prochain.

En résumé

Les trois sujets dominants pour l'économie mondiale ces prochains mois devraient être :

1) le durcissement des politiques monétaires pour juguler l’inflation et les risques élevés de récession
2) le bras de fer entre l’Occident et la Russie et ses répercussions sur les marchés de l'énergie et des matières premières
3) la capacité de la Chine à stabiliser son économie et à retrouver le chemin d’une croissance plus forte à moyen terme

Prévisions de croissance pour 2022 – 2023 (PIB réel, %)

  2022 2023
Monde 3,1 (-0,2)* 2,8 (-0,5)
États-Unis 1,9 (-1,0) 0,7 (-1,5)
Zone euro 3,1 (+0,3) 0,7 (-1,5)
Allemagne 1,5 (-1,2) 0,0 (-3,2)
Royaume-Uni 3,5 (-0,4) -0,2 (-1,2)
Japon 1,5 (-0,5) 0,9 (-0,9)
Chine 3,3 (-1,2) 5,3 (+0,5)
Inde 7,0 (-0.5) 6,0 (-0.3)
Brésil 1,5 (+1,0) 1,0 (-0,5)
Russie -6,0 (+4,0) -1,0

Source: Deutsche Bank Wealth Management, août 2022
* Révisions à la hausse et à la baisse par rapport à juin 2022

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