“Les crises sont toujours source d’opportunités. Et les grandes crises de grandes opportunités.”

Marchés & Investissements - 20 octobre 2022

“Les crises sont toujours source d’opportunités. Et les grandes crises de grandes opportunités.”

En résumé :
  • "Les marchés d’actions anticipent généralement mieux les récessions que les économistes."
  • "Pour le moment, la hantise – justifiée - des investisseurs, ce sont l’inflation et la récession. Nous, nous observons aussi les tendances structurelles qui sous-tendront l’économie à l’avenir. Nous distinguons trois tendances majeures : décarbonation, déglobalisation et démographie. Ce sont nos ‘3D’."
  • "Il n’est pas seulement important de diversifier ses investissements (et donc ne pas investir exclusivement via les bourses belge ou européennes), mais aussi de répartir les risques en détenant des devises différentes.”

L’incertitude a toujours existé. Depuis quelques années, l’économie semble toutefois plier sous la multitude des défis. ‘Cette fois, ce n’est plus la même chose’, entend-on souvent dire durant les crises. L’épisode actuel est-il vraiment
différent ?

"Oui, en ce sens que l’actuel cocktail d’incertitudes est très inhabituel. D’une part, ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à des guerres, des crises énergétiques et à une inflation record. De l’autre, les États doivent cette fois compter avec une dette beaucoup plus lourde que lors des derniers conflits et menaces énergétiques. Cette situation réduit la marge de manœuvre des banques centrales dans leur lutte contre l’inflation : quand les taux d'intérêt augmentent, les États ont davantage de difficulté à faire face à la charge de leur dette. Conjugués, ces divers ingrédients engendrent une situation beaucoup plus complexe", commence Philipp Vorndran.

"Le contexte est aussi différent en raison du déplacement du centre de gravité économique. Il y a 150 ans, les États-Unis ont dépossédé le Royaume-Uni du titre de première puissance mondiale. Pendant un siècle et demi, les USA ont été les maîtres incontestés du monde économique, le dollar étant considéré comme la monnaie de référence par tous les autres pays. Dans quelques années, les États-Unis seront supplantés par la Chine, ce qui est source de nouvelles incertitudes, notamment parmi les pays qui évoluent traditionnellement dans le giron américain", décrypte Philipp Vorndran. "Autre évolution majeure, le recul de compétitivité de l’Europe depuis plusieurs décennies. Aujourd'hui, le vieux continent est en situation de dépendance dans presque tous les domaines : matières premières, énergie, technologie, matière grise... Aujourd'hui, cette réalité s’impose douloureusement à nous."

Une récession en vue ?

"Oui, mais personne ne peut prédire quand, où, de quelle gravité, de quelle durée, ni avec quelles conséquences pour les politiques monétaires ou budgétaires. Car même si les prévisions économiques se réalisent, elles n’ont pas nécessairement un pouvoir prédictif pour les secteurs et les entreprises. Les statistiques ne confirment qu’a posteriori que la récession est bel et bien réelle. Souvent, les marchés ont déjà franchi le creux de la vague lorsque les chiffres sont disponibles. Les marchés d’actions anticipent généralement mieux les récessions que les économistes."

"Cela étant, il ne fait aucun doute que les risques de ralentissement économique se sont accrus. Une récession n’a d’ailleurs rien de dramatique en soi, car il s’agit d’une phase d’épuration naturelle de l’économie. Elle touche essentiellement les sociétés qui n’ont pu garder la tête hors de l’eau que grâce aux taux (nominaux) extrêmement faibles", souligne le stratège de Flossbach von Storch.

"Les effets à long terme d’une crise peuvent donc être positifs. Toutes les crises sont source d’opportunités, et les grandes crises de grandes opportunités. Parfois, il faut être dos au mur pour s’attaquer aux vrais problèmes. Je pense ici par exemple aux investissements massifs que nous consentons actuellement pour sécuriser nos approvisionnements énergétiques, ou encore à l’augmentation des dépenses de défense."

Pourquoi les crises sont-elles source d’opportunités ?

"En tant que gestionnaire de patrimoines, notre vocation – même en temps de crise – consiste à préserver la valeur en termes réels des actifs qui nous sont confiés, voire de l’accroître. Pour le moment, cette tâche est très ardue. Nous pensons depuis plusieurs années que le climat économique est fragile, et nous avons donc opté pour des positions aussi solides que possible. Ces positions sont à ce point robustes que nous estimons que, à moyen terme, les sociétés dans lesquelles nous avons investi sortiront indemnes du maelstrom de crises actuel et, quand les turbulences se seront apaisées, devraient générer un rendement suffisant", poursuit Philipp Vorndran.
"Pour le moment, la hantise – justifiée - de la plupart des investisseurs, ce sont l’inflation et la récession. Pour notre part, nous observons aussi les tendances structurelles qui sous-tendront l’économie dans les prochaines années et décennies. Nous distinguons trois tendances majeures, qui sont nos ‘3 D’ : décarbonation, déglobalisation et démographie. Ces trois D sont trois enjeux majeurs pour l’avenir. Des enjeux d’une importance colossale.

  • Inutile de présenter la décarbonation. Préserver la planète et le climat, ce n’est plus une option, c’est un must. Or, qui dit investissements massifs dit énormes opportunités.
  • La déglobalisation, c’est rapprocher la production des lieux de consommation. Les confinements dans des usines à l’autre bout du monde, les perturbations et retards dans les chaînes d'approvisionnement... poussent aujourd'hui les entreprises à relocaliser leur production. Les guerres commerciales et l’invasion de l’Ukraine semblent également sonner le glas de la globalisation.
  • Par ‘démographie’, nous entendons le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les pays occidentaux. La proportion croissante de retraités augmentera la pression sur les pensions et les soins de santé, en entraînant une augmentation du coût du travail. Par ailleurs, l’essor de la classe moyenne dans les pays émergents aura une influence directe sur l’évolution démographique, ainsi que sur les schémas de consommation."

Comment convertir ces défis en investissements potentiels ?

"Pour relever ces défis, deux ingrédients sont essentiels : la digitalisation et l’innovation. Je citerai les solutions dans le cloud, les signatures digitales, les robots industriels et ménagers, l’automatisation de la logistique, les véhicules autonomes, l’intelligence artificielle, etc. Toutes ces évolutions sont autant de leviers d’optimisation de notre productivité et de notre efficience. Rien qu’en digitalisant les pouvoirs publics, nous pourrions accroître considérablement notre productivité. En Allemagne, dans certains services publics, la télécopie et la poste interne sont toujours les principaux canaux de communication. La digitalisation et l’innovation sont les meilleurs remèdes à la pénurie de profils qualifiés, à la crise climatique et à la bureaucratie", professe Philipp Vorndran.

"De nombreuses sociétés technologiques ont bénéficié d’un énorme bond de croissance grâce à la pandémie. Avec parfois, à la clé, des valorisations exagérées. Des corrections de 80% et davantage ont rectifié ces excès au cours des 18 derniers mois. Même les valeurs technologiques bien établies se sont tassées d’une trentaine de pour cent au cours des six premiers mois de l’année, alors que leurs bénéfices étaient en hausse. Nous avons profité de ces tassements pour investir dans plusieurs actions technologiques de qualité."

"Les fondements de notre processus d’investissement sont inchangés. Nous optons pour des sociétés de qualité, au bilan solide, gérées par un management intègre, au modèle d’entreprise performant et possédant une intéressante position sur le marché. Autrement dit, des entreprises qui résistent à la pression économique en temps de crise. Ces entreprises sont résilientes, car elles sont en mesure soit d’augmenter leurs prix, soit d’ajuster leurs coûts. Inutile de dire que ce type de société ne court pas les rues."

"Dernier point, nous conservons en permanence une position stratégique sur l’or. Nous ne la considérons pas nécessairement comme une couverture contre l’inflation, mais plutôt comme une assurance complémentaire contre la fragilité du système financier. Comme pour toutes les assurances, nous espérons ne jamais devoir y faire appel..."

Europe, USA ou pays émergents ?

"La position concurrentielle, la situation politique et la dépendance de l’Europe nous préoccupent depuis longtemps. Les ‘3 D’ touchent l’Europe beaucoup plus sévèrement que les États-Unis et la Chine. À nos yeux, il n’est donc pas étonnant que les marchés européens soient à la traîne", estime Philipp Vorndran. "Voilà pourquoi nous avons accru notre exposition aux actifs US, au détriment de la zone euro."

"Nombre de nos positions ne sont pas libellées en euros, mais en devise locale. C’est au demeurant un des conseils que nous donnons depuis 10 ans : l’euro et l’Europe ne sont plus le centre du monde. Nos économies ne sont plus les plus résilientes de la planète. Dès lors, pourquoi investir ses actifs dans la monnaie européenne ? Votre salaire ou votre pension, vos éventuels revenus locatifs, votre pension complémentaire, votre immobilier... tous ces actifs sont déjà libellés en euros. Nous recommandons dès lors de considérer les devises étrangères comme une opportunité, plutôt que comme un risque. Il n’est donc pas seulement important de diversifier des investissements (et donc de ne pas investir exclusivement via les bourses belge ou européennes), mais aussi de répartir les risques en détenant des devises différentes."

Le timing est-il important ? N’est-il pas préférable d’attendre des jours meilleurs ?

"Si vous avez investi la veille de l’effondrement de Lehman Brothers, vous n’auriez pas pu choisir plus mauvais timing. En optant pour un indice qui reproduit le MSCI World, vous auriez vu s’évaporer de 30 à 50% de votre investissement dans les mois qui ont suivi. En revanche - et c’est là que cela devient instructif - si vous avez conservé cet investissement depuis lors, votre mise initiale se sera appréciée de plus de 400%. Du Black Monday à la bulle internet en passant par la Seconde Guerre mondiale, les marchés finissent toujours par surmonter les crises. La patience est une vertu cardinale. Si votre horizon d’investissement est suffisamment long, le timing n’a aucune importance", souligne le stratège de Flossbach von Storch. "La flambée d’inflation ne va pas se calmer du jour au lendemain. La seule manière de tenter de préserver votre pouvoir d'achat, c’est de faire travailler votre argent, en l’investissant dans des entreprises de qualité."

Et vous, comment investissez-vous votre argent ?

"Mon patrimoine se compose d’abord de la maison où je vis. Pour de multiples raisons, c’est l’investissement le plus judicieux : vous ne payez pas de loyer et votre habitation est un excellent amortisseur contre l’inflation. Le reste de mon patrimoine est assez classique : un peu de liquidités, la majeure partie en fonds1 d’actions, puis un peu d’argent et d’or physique. Selon moi, c’est la bonne formule pour se prémunir des risques connus et inconnus propres à notre fragile environnement financier actuel. Personnellement, je ne vends presque jamais. Cette année, c’est la première fois que j’ai revendu un fonds d’actions depuis 2008. Et encore, uniquement parce que ce fonds a cessé d'exister."

Un dernier conseil ?

"N’écoutez pas les rumeurs. Ne consultez pas la bourse quotidiennement. Ne lisez pas tous les jours The Wall Street Journal de A à Z. En procédant de la sorte, vos décisions impulsives prendront le dessus. Investissez plutôt dans des entreprises de qualité et restez sur vos positions. Pour faire la différence, il faut garder son sang-froid. La patience est une qualité que peu d’investisseurs possèdent, hélas. Restez investi(e), et laissez le marché faire fructifier votre patrimoine."

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1 Le terme "fonds" est l'appellation commune pour les Organismes de Placements Collectifs (OPC). Les OPC sont soit des OPCVM soit des OPCA; ils existent sous la forme d'une société d'investissement (SICAV) ou d'un fonds commun de placement (FCP). Les fonds sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et les investisseurs peuvent ne pas récupérer le montant de leur investissement.

Le présent article a été rédigé par Deutsche Bank AG Succursale de Bruxelles et est cofinancé par le gestionnaire de fonds Flossbach von Storch Invest S.A. Les opinions formulées dans cet article (et en particulier les citations entre guillemets) appartiennent à l’auteur et non au groupe Deutsche Bank ni à Deutsche Bank AG Succursale de Bruxelles. Les produits d'investissements sont sujets à risques. Ils peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse et l’investisseur peut ne pas récupérer le montant de son investissement. Les prévisions sont fondées sur des suppositions, évaluations, avis subjectifs, analyses et modèles hypothétiques qui peuvent se révéler faux. Fourni exclusivement à titre d’illustration. Le présent article et les informations qu’il contient ne constituent en aucune manière un conseil en investissement.

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