Un climat économique morose en Allemagne

Marchés & Investissements - 2 octobre 2023

Un climat économique morose en Allemagne

En résumé :
  • L'Allemagne est confrontée à une conjoncture morose et le pays reste à la traîne au sein de la zone euro. Le point faible de l'économie allemande reste incontestablement l’industrie manufacturière.
  • Les défis à relever sont nombreux mais l’Allemagne devrait être en mesure de les relever. Le gouvernement a reconnu les problèmes structurels existants et annoncé de premières mesures de soutien.
  • Malgré la faiblesse actuelle de l'économie allemande, l’indice DAX s'est bien comporté depuis le début de l'année : il a progressé d’environ 10% et a même atteint un nouveau sommet historique le 28 juillet dernier.

Contexte macroéconomique

L'Allemagne est confrontée à une conjoncture morose et le pays reste à la traîne au sein de la zone euro. Selon des prévisions récentes du FMI, l'Allemagne devrait même être le seul pays du G7 (France, Italie, Japon, Canada, Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne) à enregistrer une contraction de son économie cette année. Après deux trimestres de croissance négative du PIB au quatrième trimestre 2022 (-0,4%) et au premier trimestre 2023 (-0,1%), synonymes de récession, la croissance a stagné au deuxième trimestre 2023 et le pays risque de retomber en récession. Nous anticipons une croissance de 0% cette année, suivie d’une croissance de 1% l’an prochain. La plupart des économistes prévoient cependant des temps difficiles pour la plus grande économie d'Europe.

Le point faible de l'économie allemande est incontestablement l’industrie manufacturière. L'indice des directeurs d'achats (indice PMI) du secteur manufacturier est inférieur à 50 points depuis la mi-2022 et, bien qu’il soit remonté à 39,8 points en septembre, il reste proche de son plus bas niveau depuis la pandémie. La faiblesse de l'économie mondiale et la reprise économique plus faible que prévu en Chine sont probablement en grande partie responsables de la morosité des entreprises manufacturières outre-Rhin. Pour ne rien arranger, les nouvelles commandes continuent à s’inscrire en forte baisse, suggérant que les entreprises industrielles ne devraient guère voir d'amélioration à moyen terme.

Cela dit, un écart de production important s'est creusé entre les différents secteurs industriels. Les industries à forte consommation d'énergie (chimie, matériaux de construction) ne se sont pas encore remises du choc des prix du gaz de l'an dernier. A contrario, des secteurs tels que l'alimentation et les boissons, l'ameublement et l'automobile ont récemment augmenté leurs niveaux de production. L'industrie automobile a bénéficié d'une amélioration des chaînes d'approvisionnement et peut enfin résorber son carnet de commandes. La demande d'automobiles repart également à la hausse.

Une plus grande résilience dans le secteur des services

Par rapport à l'industrie manufacturière, le sentiment dans le secteur des services s'est avéré plus résistant jusqu'à présent, même si l'indice PMI des services est repassé depuis deux mois en-dessous du seuil de 50 points (49,8 points en septembre). Globalement, les indicateurs sont cependant partagés. Les ventes au détail, par exemple, se sont quelque peu redressées au cours des derniers mois après avoir chuté depuis le sommet atteint au printemps 2021. La confiance des consommateurs s'est également redressée, bien qu'elle reste très faible et inférieure aux niveaux d’avant la crise sanitaire.

Nous pensons cependant qu'il y a de bonnes chances pour que la consommation privée rattrape rapidement son retard au cours des mois à venir, à mesure que l'inflation diminuera et que la croissance des salaires réels redeviendra positive. De plus, les 21 millions de retraités allemands pourraient également soutenir la consommation après l’augmentation de leurs pensions de 4,39% à l'Ouest et de 5,86% à l'Est le 1er juillet dernier.
Enfin, un autre élément positif du côté de l'offre est que les problèmes de chaînes d'approvisionnement semblent s'atténuer. Les stocks, qui s'étaient accumulés pendant la pandémie, se réduisent progressivement. Les informations fournies par les entreprises indiquent que ce processus de déstockage progresse bien. Selon leurs estimations, les stocks devraient revenir à des niveaux normaux d'ici la fin de l'année. Si les stocks diminuent, la production industrielle devrait alors repartir à la hausse.

Une aide de la Chine ?

Bien entendu, le sort de l'économie allemande dépend aussi fortement de la demande extérieure, surtout de la Chine et des États-Unis. Si la réouverture de la Chine a jusqu'à présent déçu, les récentes mesures de relance suscitent l'espoir d'un redressement prochain de la croissance. Si tel était le cas, cela pourrait avoir un impact significatif sur la croissance outre-Rhin étant donné que la Chine est le deuxième marché d’exportations de l’Allemagne après l’UE. Par ailleurs, les mesures de soutien chinoises pourraient aussi contribuer à compenser en partie l’impact négatif du ralentissement économique attendu au cours des 2 prochaines trimestres aux États-Unis, qui sont le troisième partenaire commercial de l’Allemagne et absorbent près de 10% de ses exportations.

Politique et compétitivité

Les défis auxquels l’Allemagne est confrontée sont nombreux. Dans la situation actuelle, caractérisée par le changement et une restructuration nécessaire de l'économie en ce qui concerne l'énergie, le changement climatique, la numérisation et les nouvelles technologies, il est très important de soutenir en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). Les grandes entreprises ont en général tendance à s'en tenir à des produits et à des processus de production bien établis et couronnés de succès, et à réaliser des investissements à grande échelle. En revanche, les PME doivent réagir aux changements, même minimes, des conditions du marché, car elles travaillent constamment à l'amélioration de leurs produits et à la recherche des meilleures solutions aux problèmes de leurs clients. Le caractère très innovant des PME allemandes et leur recherche d'approches orientées vers les solutions ont donné naissance à de nombreux "champions cachés" et ont ainsi contribué à la grande flexibilité de l'économie allemande. Dans le passé, cette flexibilité a aidé l'économie à faire face à des bouleversements structurels majeurs et à s'adapter à l'évolution des conditions du marché.

Nous restons confiants dans le fait que l'Allemagne sera en mesure de faire face aux problèmes structurels actuels liés à l'énergie, au changement climatique, aux nouvelles technologies, etc. Le gouvernement a d’ailleurs reconnu les problèmes structurels existants. A ce titre, la loi sur les opportunités de croissance (Wachstumschancengesetz), qui vise à améliorer la situation des entreprises en matière de liquidités, ou la loi sur le financement de l'avenir (Zukunftsfinanzierungsgesetz), qui s'adresse aux jeunes entreprises, sont des pas dans la bonne direction.

Cependant, nous pensons qu'il est important d'éviter les erreurs politiques qui pourraient brider la créativité et l’innovation des entreprises. Il faut veiller à réduire au minimum les incertitudes politiques. Des cadres réglementaires clairs peuvent donner aux entreprises la marge de manœuvre nécessaire pour utiliser leur créativité et leur esprit d’innovation afin d'améliorer la viabilité future de l'économie allemande. Les entreprises, et surtout les PME, peuvent être mieux soutenues par la mise à disposition d'infrastructures adéquates, la simplification des processus de planification et d'approbation, l'orientation de la bureaucratie vers les services et, enfin et surtout, la mise en place de mesures incitatives pour encourager davantage les individus à participer au marché de l'emploi.

Perspectives pour le marché boursier allemand

Malgré la faiblesse actuelle de l'économie allemande, l’indice DAX s'est bien comporté depuis le début de l'année : il a progressé d’environ 10% et a même atteint un nouveau sommet historique le 28 juillet dernier. La performance du marché boursier a été soutenue par les fortes révisions à la hausse des estimations de bénéfice par action (BPA) pour 2023 et 2024. Il convient toutefois de noter qu'une partie des révisions est due à un rééquilibrage du DAX. Mais, même en excluant ces effets, les révisions du BPA restent significatives.

Par ailleurs, le consensus des analystes s'attend toujours à ce que l’indice DAX affiche une croissance du BPA plus rapide que le marché boursier européen élargi chaque année jusqu'en 2025. Les estimations de croissance du BPA sont actuellement de respectivement 2%, 8% et 10% pour le DAX sur la période 2023-2025, contre 0%, 7% et 8% pour le STOXX Europe 600. Les estimations pour le DAX sont également plus élevées que celles pour le CAC 40 français et le FTSE 100 britannique.

Les entreprises allemandes seront-elles en mesure de répondre aux attentes ?

Nous considérons toutefois que ces estimations sont assez optimistes. Les prévisions de BPA pour les 12 prochains mois se situent actuellement à un sommet historique. Bien que le BPA du DAX ait chuté moins fortement que celui du marché boursier européen élargi lors des précédentes phases de recul temporaires de la croissance, il n'est certainement pas à l'abri d'un ralentissement plus prononcé de la conjoncture. Les BPA attendus ont chuté de respectivement 30% et 40% pendant la crise sanitaire et la crise financière mondiale. Nous ne nous attendons certes pas à ce que l'économie mondiale connaisse un effondrement comparable, mais nous pensons que la croissance mondiale restera modérée au cours des prochaines années. Dans ce contexte, les entreprises allemandes pourraient éprouver certaines difficultés à répondre aux attentes.

La satisfaction des attentes dépendra aussi fortement des performances des secteurs les plus importants du DAX. A ce titre, les secteurs de l'industrie (22%), de la finance (17%) et de la consommation discrétionnaire (15%, surtout les constructeurs automobiles) représentent ensemble plus de la moitié de l'indice. Cela explique pourquoi le DAX est considéré comme un indice particulièrement cyclique, dépendant de la "vieille économie".

L’indice DAX est également un indice très international étant donné que les entreprises qui le composent réalisent environ 80% de leur chiffre d'affaires en dehors de l'Allemagne. Environ 26% de leurs ventes sont réalisées en Amérique du Nord, 40% en Europe hors Allemagne et 20% en Asie-Pacifique. Près de la moitié des ventes réalisées dans la région Asie-Pacifique proviennent de la seule Chine, l'automobile et les matériaux représentant jusqu'à 30% de ce total.
Cette forte exposition à la Chine explique pourquoi le DAX est sensible aux variations du taux de change CNY/EUR ainsi qu'aux données relatives à la croissance chinoise. En règle générale, le DAX réagit positivement à une appréciation du CNY, qui entraîne un effet de conversion positif (c'est-à-dire que les bénéfices libellés en CNY valent plus en euros). La performance relative de l'indice DAX par rapport au STOXX Europe 600 montre également une corrélation positive avec les indices PMI chinois. Enfin, la mise en œuvre des mesures économiques annoncées par la Chine pourrait également soutenir le DAX.

Conclusion

Les valorisations du DAX apparaissent attrayantes sur base de la plupart des mesures de valorisation utilisées. Le ratio cours/bénéfice (P/E), le ratio cours/valeur comptable (P/B) et le rendement de dividende - tous calculés sur la base des estimations des bénéfices à 12 mois - sont respectivement de 11,1, 1,4 et 3,6%. Les valorisations relatives par rapport à d'autres indices boursiers sont également intéressantes. Le DAX se négocie ainsi avec une décote de 14% par rapport à l'indice STOXX Europe 600. La décote par rapport à l’indice S&P 500 atteint même un niveau record de 45%, ce qui en dit aussi long sur le manque de valeurs de croissance dans l'indice allemand.

Dans l'ensemble, nous nous attendons à ce que l’indice DAX reprenne sa tendance à la hausse, stimulé par le sentiment positif lié aux mesures de relance chinoises attendues dans les mois à venir. Toutefois, à moyen terme, la révision à la baisse du BPA par le consensus pourrait peser sur le sentiment des investisseurs. L’indice DAX pourrait également souffrir du fait qu'il contient peu d'entreprises liées au thème boursier actuel numéro 1 : l'intelligence artificielle (IA).

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